Images de page
PDF
ePub

M. le Régent l'envoya à Narbonne pour préfider à l'envoi du fameux tableau de la résurrection de Lazare, par Sébastien del Piombo, qu'on voit à Paris dans les appartemens du palais Royal. L'Archevêque & le Chapitre de ce lieu ne crurent pouvoir mieux réparer cette perte que par un tableau de Rivalz, qui fut la chûte des Anges, grand morceau compofé de feize figures dans des attitudes bien contrastées, & dont le clair-obscur fait un grand effet, à en juger par l'eftampe gravée. S'il ne fut pas reçu à l'Académie Royale de peinture de Paris, ce fut en partie à caufe de fon abfence, &: pour n'avoir pas voulu donner de tableau de réception.

Une attaque d'apoplexie, en 1733, lui caufa une paralyfie fur le côté gauche, qui ne fufpendit fes vaux que pendant un mois ; & dans les deffeins qu'il fit depuis fon rétabliffement, on remarque une application qui redoubloit à mesure qu'il approchoit de fa fin; elle arriva en 1735, à l'âge de foixante-huit ans, lorfqu'il finiffoit le tableau de faint Pierre dont l'ombre guérit les malades. On nomma peintre & architecte de l'hôtel de ville, le fieur Cammus fon élève.

ANTOINE

RIVALZ,

Il a laiffé, à plusieurs enfans, une fortune médiocre, qu'il tenoit plus de fes peres que de fes talens. Le Chevalier Rivalz fon fils, de retour d'Italie, exerce aujourd'hui avec diftinction le bel art de la peinture, & marche fur les traces de fon pere. On compte parmi fes élèves, Barthelemi Rivalz fon coufin, Pierre Subleyras, mort à Rome, & qui a mérité une place dans cet ou vrage; les fieurs Croifac, Defpax & Cammus.

[ocr errors]

Z iij

27

qui fe montrent tous les jours dignes des leçons ANTOINE qu'ils ont reçues de leur maître.

RIVALZ.

Le caractère de la peinture eft vigoureux, fes couleurs locales font juftes, employant, ainfi que le Caravage & le Valentin, de fortes ombres. Si l'on en juge par quelques tableaux qui étoient à Paris, il varioit beaucoup fon ton de couleur ; quelquefois d'un gris plombé comme le Pouffin, d'autres fois roufsâtre, enfin d'un ton qui participe du bleu & du rouge-brun. Ce qu'on ne peut lui contefter, c'eft qu'il inventoit avec facilité & deffinoit correc

tement.

- Ses defleins font fpirituels & fort légers, entiérement dans le goût de la Fage; quelques-uns fone efquiffés à la pierre noire, rehauffes de blanc au pinceau; d'autres font lavés à l'encre de la Chine, rehauflés de même. On voit des études d'anatomie, de perfpective, d'architecture, & les caractères des paffions deffinés au feul trait d'une plume trèshardie. Ses plus beaux deffeins font chez fon fils; fçavoir, la bataille de Conftantin contre Maxen. ce; la pefte d'Athênes; les miracles de faint Pier re; la communion de faint Jérôme; le repas chez Simon le Pharifien; la chûte des Anges; les Mégariens dévorés par des lions; la révocation de PEdit de Nantes, où Louis XIV eft représenté tenant une croix d'une main & de l'autre une épée. Les ouvrages de Rivalz à Toulouse font, un Chrift & une Magdeleine à la chapelle de l'Archevêchés l'aveugle-né à celle des Pénitens-blancs; le Lazarė & le mauvais riche à l'Hôpital faint Jacques. Dans une des galeries de l'Hôtel de ville, il a peint à l'huile la perfpective de la fondation d'Ancyre pat les Tectofages; Softrate, Roi de Macédoine, fait

ANTOINE

prifonnier dans un grand combat par les mêmes peuples; Littorius, général des Romains, vaincu, & conduit en triomphe dans la ville de Touloufe RIVALZ. par Théodoric, à la tête des Touloufains, dont il étoit Roi; Raymond, Comte de Toulouse, recevant la Croisade des mains du Pape Urbain II; le même Raimond faifant lever le fiége de Toulouse aux Anglois, & les forçant à fe retirer; dans la falle du grand Confiftoire, le mariage de Louis XV, & les Génies qui fervent de fupport aux armes de France; la naiffance de M. le Dauphin la France tend les bras pour le recevoir, & eft fuivie de la Religion, de l'Abondance,& de plufieurs autres attributs qui caractérisent ce Prince. La Paix eft le dernier morceau qu'il a peint : toutes les figures font grandes comme nature. Rivalz a fait encore plufieurs tableaux dans l'Eglife de l'Abbaye des Feuillans à fix lieues de Toulouse. On y voit la naiffance du Sauveur, une adoration des Mages, & un Chrift fur la croix. Ila peint auffi plufieurs grands portraits dans le château de la Réole en Gascogne.

On remarque à Touloufe, dans les cabinets de différens particuliers, l'ombre de faint Pierre qui guérit les malades; la vie eft un fonge; une Vierge tenant l'enfant Jefus fur fes genoux, entouré de plufieurs anges; faint Jerôme & une Madeleine; Judith & Holopherne; une Vierge tenant fon fils entre fes bras; la naiffance du Duc de Bretagne; le portrait de Jean-Pierre Rivalz fon pere; le fien; celui de fa femme; une Galathée; Silène lié avec des guirlandes de fleurs; le portrait du Préfident de Caulet; un Chrift avec une Vierge; faint Jean & la Madeleine; l'Arcadie remplie de ber

gers, formant des danfes avec des bergères, dont ANTOINE une s'écarte dans le bois, fuivie de fon amant, RIVALZ, fous prétexte de vifiter le maufolée & l'infcription & in Arcadiâ ego; la Paix, grand sujec allégorique; Priam maffacré dans fon palais; une Charité Romaine; Arrie & Poetus; Cérès; une efquiffe de la mort de fainte Pétronille; Caflandre traînée par les cheveux hors du temple de Minerve; Priam & Andromaque demandant à Achille le corps d'Hector; Achille dans fa tente; Dalila coupant les cheveux de Samfon; faint Bruno dans le defert; un faint Jean pour pendant; fainte Cecile; une Cléopâtre; une Lucrèce; Jofeph & la femme de Putiphar; une Sufanne, une Vierge avec l'enfant Jefus fur les genoux; une fuite en Egypte; faint Paul; Calisto découverte par Diane; la naiffance de Bacchus; Clélie avec fes femmes traverfant le Tibre; Tullie qui fait paffer fon char fur le corps de fon pere, & quantité de portraits répandus dans toutes les familles de cette ville.

Il a gravé un morceau dédié à Charles le Brun, un autre petit fujet allégorique, & quatre eftampes dans un traité de peinture de Dupuy du Grez, imprimé à Toulouse en 1699. Ils repréfentent la Peinture, que Minerve place parmi les Dieux. Cette Mufe inftruit des enfans dans les trois arts; elle fe montre dans la troifiéme planche tenant une palette & des pinceaux: la même paroît rêveufe, le crayon à la main, pendant que Minerve lui parle à l'oreille.

Barthelemi Rivalz, fon coufin & fon élève, a gravé à l'eau forte la chûte des Anges, qui eft le tableau de Narbonne; Arrie & Poetus; fon por

trait; celui de fon

pere; fainte Cécile; Cléopâtre; Judith & Holopherne; une Charité Romaine; Jofeph & la femme de Putiphar.

TOURNIERE S.

LA France qui, dans le Sueur & dans Blanchard, Tournieres. eut fon Raphaël & fon Titien, a eu encore fon Michel-Ange (a), fon Caravage (b), fon Snyders (c) & ton Vandych (d). Il lui manquoit encore un Scalque; elle l'a trouvé dans la perfonne de Robert Tournieres, qui a fort approché, par fon beau fini, du goût de peinture de cet habile maître. On le dit né à Caen en 1676, & fils d'un Tailleur d'habits, qui, furpris des talens de fon fils pour la peinture, le mit chez Frere Lucas de la Haye, de l'Ordre des Carmes, affez mauvais peintre, qui ne put jamais remplir, en aucune manière, les idées de perfetion que Tournieres s'étoit fait de cet art.

Il vint jeune à Paris, & fe mit fous la conduite de Bon Boullongne : ce moyen pouvoit lui ouvrir la porte du fçavoir, & il fut peu de temps à faire paroître des talens naissans qui annonçoient un heureux avenir.

Tournieres fe maria dans la fuite, & époufa une veuve dont le commerce & l'aifance le tirerent

d'inquiétude. Ne fentant plus alors l'horreur des befoins, il ne fongea qu'à fe perfectionner dans fa

(a) Puget. (b) Valentin. (c) Desportes. (d) Rigaud.

« PrécédentContinuer »