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toucha d'après le Prélat, qui voulut bien avoir cette complaifance : l'une de ces copies a été pour RAOU X. l'ami de M. de Montpellier; l'autre devoit être portée à M. de Senez, & le premier original devoit être renvoyé à M. de Montpellier, fitôt que Raoux l'auroit fait graver, avec celui de M. de Senez qu'il projettoit de peindre, & qu'il avoit auffi promis à M. de Montpellier.

Le portrait de ce dernier étoit fi reffemblant, qu'une de fes niéces, qui étoit pour lors à Montpellier, le voyant pour la premiere fois, s'écria: Ah! que mon oncle eft reffemblant! il femble qu'il va me gronder.

Raoux, revenant de Montpellier, paffa par l'Auvergne, & prit la route de la Chaife-Dieu, Abbaye de Bénédictins, où M. l'Evêque de Senez étoit exile. Muni de plufieurs lettres des amis de ce Prélat, & fur-tout de celle de M. de Montpellier, qui l'exhortoit à fuivre fon exemple, Raoux hasarda la visite, & trouva encore plus de résistance chez M. de Senez, qui, après avoir lu toutes les lettres, ne fe rendoit point. La dernière reffource de Raoux fut de montrer avec art le portrait de M. de Montpellier il fit parler ce portrait; lui fit demander celui du Prélat, & joua fi bien fon rolle, qu'il ébranla M. de Senez. Tout ce qu'il avoit employé pour perfuader M. de Montpellier fut expofé de nouveau, & il ajouta que le Roi, qui ne vouloit pas que les deux Prélats se viffent, n'avoit pas défendu qu'ils fe communiquaffent leurs portraits. Le Prélat fe rendit enfin, pour ne pas réfifter plus long temps à des amis à qui il avoit les derniè res obligations. Un de fes confidens qui étoit préfent à cette fcène, a mandé que le Prélat en

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avoit pleuré de douleur. Il fe retira dans la chambre d'un de fes domestiques, où Raoux le peignit tout à fon aife, & lui fit préfent du portrait de M. RA O u x, de Montpellier. M. de Senez y mit une condition, que fon portrait ne paroîtroit point pendant fa vie ; ce que l'on a obfervé très-exactement. Raoux revint à Paris avec les deux portraits, qu'il fit graver de la même grandeur. Le portrait de M. de Senez fut envoyé enfuite à M. de Montpellier. A l'égard de ce dernier Prélat, qui mourut pendant cet intervalle, Raoux remit fon portrait à M. le Marquis (a) de Torcy fon frere, qui en fit faire une belle copie pour l'envoyer aux Directeurs de l'Hôpital de Montpellier, que cet Evêque avoit nommés ses héritiers: c'eft de cette manière que nous poffédons l'image de ces deux Prélats.

Perfonne n'aimoit fon art autant que Raoux. Sans ceffe appliqué à fon ouvrage, il y mettoit tout fon efprit, appellant à fon fecours l'Hiftoire, la Fable, l'allégorie, & tout ce qui pouvoit flatter

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coup d'œil. La poëtique de la peinture étoit rarement confultée par cet artiste : il eft vrai que fes fujets n'en demandoient point; & quant à l'expreffion, il la recherchoit peu. On pourroit lui reprocher fon peu de correction, & de trop fréquentes répétitions, quoiqu'il ne négligeât aucune occafion de fe procurer de nouveaux modèles. Son dernier tableau, qu'il a laiffé imparfait, repréfente la courtisanne Phryné jugée par l'Areopage.

Ce peintre n'a jamais joui d'une fortune brillante: peut-être que fa conduite, qui n'étoit pas des plus

(a) Ce portrait eft préfentement dans fa famille.

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réglées, y a contribué. Enfin, trois ans avant la mort, il fe retira du Temple par caprice, & alla RA OU X. demeurer dans la rue faint Honoré près les Feuillans, où il est mort, dans le célibat, en 1734, âgé de cinquante-fept ans, & accablé de différens maux, laiffant environ 40000 livres à fes niéces de Montpellier, & les études à fes élèves, dont les fieurs Chevalier & Mondidier font les plus connus.

Ses deffeins font peu terminés: ce qu'il a fait d'académies eft médiocre; fes têtes, fes demi-figures font infiniment meilleures : il les deffinoit à la pierre noire eftompée, relevée d'un peu de blanc de craie. Les études qu'il a faites à Rome d'après Raphaël font plus terminées, & le crayon rouge y eft manié très-proprement: fon goût le fera toujours connoître.

On voit de fa main au village de Valenton près Paris, dans la falle à manger d'une maison, une danfe de village en hauteur, avec fept à huit figu res; un retour de chaffe de même forme; on y voit trois figures entieres, avec beaucoup de gibier fur le devant. Il a fait une copie du portrait de Ma dame Boucher en pied, mais plus petit; quatre deffus de porte,demi-figures; deux filles qui fe mirent, une bergere qui réveille fon berger; une autre qui ramaffe des fleurs, avec un homme jouant du luth; une fille qui dérobe des fruits à un berger.

On a gravé d'après lui quinze à feize morceaux. Jacques Chereau a fait les portraits des Evêques de Montpellier & de Senez; une femme qui donne à manger à un oifeau; l'hiftoire de David & de Bethfabée. C. Dupuis a gravé le portrait de Madame Boucher; Dupuis le cadet, une jeune fille tenant un oifeau; une autre qui chante avec fon

amant

RAOUX.

amant jouant de la guittare. Poilly a gravé la fem- JEAN
me qui lit une lettre, & une autre qui le cache
avec un rideau; un morceau de l'hiftoire de Char-
les I, Roi d'Angleterre, qui repréfente la prilon, eft
gravé par le fieur Lépicié; un autre de la même
fuite, par Nicolas Dupuis; & les quatre âges de
l'homme, par Moyreau.

DE

OTECA

FILOSOFA

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BAPTISTE

VAN LO O.

LA famille des Vanloo eft noble, & originaire JE A Nde l'Eclufe en Flandres; elle a depuis long-temps BAPTISTE produit d'habiles gens dans la peinture. Celui qui VAN LOO. s'y eft attaché le premier, s'appelloit Jean Vanloo. Son fils Jacques, excellent peintre de portraits, féjourna quelque temps à Amfterdam, & s'y maria. Un fils qu'il eut, nommé Louis, vint de bonne heure étudier à Paris, & fon pere l'y joignit bientôt après ce pere le fit naturaliser, & fut reçu à l'Académie de peinture en 1663. Louis remporta dans la fuite le premier prix à cette Académie, où il auroit été admis, fi une affaire d'honneur ne l'eût obligé de fe retirer à Nice, dans les états du Duc de Savoye.

Ce peintre paffoit pour un grand deffinateur, & étoit fort diftingué par les ouvrages à frefque. On voit de fa main un faint François dans la chapelle des Pénitens gris de Toulon. Il vint à Aix, & s'y maria en 1683: c'eft de ce mariage que font venus TOME IV. Bb

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Jean-Baptifte Vanloo, dont on écrit la vie, & M. Charles-André Vanloo, profefleur de l'Académie, qui, fes ouvrages, foutiendra toujours l'hon-. VANLOO. , par neur de l'Ecole françoife.

BAPTISTE

Jean-Baptifte Vanloo vint au monde à Aix en 1684. La nature parloit en lui; fes heureufes difpofitions prématurées faifoient admirer un génie également propre à l'hiftoire & au portrait, puifqu'il commença à peindre dès l'âge de huit ans. Son pere lui faifoit copier les bons maîtres, fondé fur la maxime de (a) Solimene, qu'on doit toujours avoir devant les yeux les ouvrages des grands artistes, pour nourrir le génie, & le rendre capable de produire de belles idées. C'eft ainfi que Jean-Baptifte paffa les premiéres années de fa jeuneffe. Après avoir par-, couru toutes les villes de la Provence, il alla joindre fon pere, qui étoit retourné à Nice; il fe rendit enfuite à Toulon, âgé de vingt-deux ans, où il époufa en 1706 la fille d'un Avocat.

Plufieurs portraits à l'huile fur des cartes, commencés & finis dans le même jour, une fainte famille pour l'Eglife des Dominicains, & quelques: autres tableaux, occupoient fon pinceau, quand Victor Amédée, Duc de Savoye, vint affliéger cette ville en 1707. Vanloo fut alors obligé de fe retirer à Aix; & ne pouvant trouver de voiture, il mit fa femme & fon fils, qui n'avoit qu'un. mois, fur un afne, qu'il conduifit lui-même à pied. Durant cinq années, il fut occupé à orner.

(a) Che l'opere de gran' maeftri fi devono aver fempre dinanzi gli occhi per mantener fuegliata la fantafia e renderla idonea à concepir belle idee. Vite di pittori Napolitani da B, de Domenici.

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