Images de page
PDF
ePub

CAZE S.

L'AMITIÉ a fes droits, fes priviléges; mais elle C AZ E S. ne doit jamais détourner l'hiftorien du chemin de la vérité. L'Auteur, fort lié avec l'artiste dont il va écrire la vie, fuivra fcrupuleusement cette maxime.

Pierre-Jacques Cazes prit naiffance à Paris en 1676, d'un pere qui étoit du Diocèse d'Ausch, & qui vint s'établir en cette ville. Il fut également protégé, & de M. de Louvois, dont il étoit Officier, & de M. de Villacerf. Ce dernier fçavoit mieux que perfonne, qu'un Miniftre, dépofitaire des graces & des bienfaits du Prince, eft par-là le créateur des talens en tous les gentes: il fçait s'enrichir en faifant des largeffes aux autres, quand il n'ufe de cette autorité que pour préserver les Mufes de cette indigence qui jette dans le découragement. Le jeune Cazes, enchanté des deffeins que faifoit un de fes camarades d'école, voulut: effayer d'en faire autant. Son pere, pour seconder de fi heureux effais, le mit chez le fieur Ferou, concierge de l'Académie de peinture, qui lui fit copier les defleins des profefleurs.

Ces difpofitions, qui paroiffoient des plus favorables, firent entrevoir dans ce jeune élève tout ce qu'il feroit un jour. On le fit paffer dans l'école : d'Houaffe le pere, où il refta trois ans à peindre dans la manière, qui étoit de terminer beaucoup fes ouvrages, & de tourmenter continuellement

Les couleurs. Cette pratique n'étoit nullement du CAZES. goût de l'élève : elle ne rendoit point la fraîcheur de la nature; il fçavoit de plus que le génie eft le principe des fciences & des arts; le goût ett leur guide, & leur terme eft l'imitation de la nature.

[ocr errors]

Cazes, avec de fi grands principes, cherchoit à. fortir de la marche ordinaire; Boullongne l'aîné l'aida dans cette route: il ne pouvoit prendre un meilleur guide. Après fix années d'étude, il gagna plufieurs prix à l'Académie, & fut regardé comme le meilleur élève de ce maître. Ce mérite naiffant le fit nommer penfionnaire du Roi pour aller à Rome; un changement de ministère en décida autrement, & lui fit manquer cette occafion, qui ne fe retrouva plus, fon maître même lui confeilla de n'y plus penfer, & le fit recevoir à l'Académie en 1703. Son tableau de réception repréfente le triomphe d'Hercule fur Acheloüs dont Déjanire devoit être le prix.

en

Un établissement avantageux l'engagea 1704, à fe mettre en fon particulier : une noble émulation le faifoit avancer de jour en jour fans être jaloux du mérite d'autrui. Ses premiers ou vrages furent des fujets de la fable, en camayeux, dans la galerie du Marquis de Clérambaut; il fit enfuite le tableau qu'on préfente à Notre-Dame le premier jour de Mai; fon fujet fut l'Hémoroïsse de l'Evangile, tableau bien compofé, & d'un grand ton de couleur.

Rien ne pouvoit mieux augmenter fa réputation; fon école devint nombreuse, & fes difciples, qu'il fe faifoit un plaifir d'avancer, ont formé dans la fuite de très bons fujets.

Cazes perdit fa femme en 1739, & il eft refté.

veuf depuis ce tems-là. Ses mœurs douces, fon caractère poli & fa grande capacité, le rendoient bien digne de l'amitié des gens de goût : l'Académie reconnut auffi tout ce qu'il valoit, en le nommant adjoint à professeur en 1715, profeffeur en 1718, enfuite recteur & directeur en 1744; & enfin chancelier en 1746.

Ce peintre fe trouvant un jour chez M. Crozat dans l'affemblée des amateurs, qui vifitoient ordinairement fa belle collection de deffeins, la converfation tomba fur la prétendue néceffité du voyage d'Italie pour perfectionner les jeunes peintres. M. Crozat, lui adreflant la parole, lui dit qu'il avoit vû avec plaifir plufieurs de fes ouvrages, & que c'étoit dommage qu'il n'eût pas été en Italie; il répondit: J'ai fait, Monfieur, comme le Sueur, Jouvenet, Rigaud, Largilliere, & quelques, autres grands peintres François ; j'ai fait voir qu'on pouvoit s'en passer.

Les compofitions de cet artiste font grandes & bien pensées: on y remarque un genie heureux, des idées élevées, des draperies larges & bien jettées, un deffein fort correct, & un bon ton de couleur; s'il s'agifloit d'un tableau de dévotion, un style mâle & majeftueux étoit répandu partout; dans un fujet de métamorphofe, on y trouvoit les têtes les plus aimables, & les Graces fe chargeoient du refte. Ses chairs étoient naturelles, & Les enfans douillets & coëffés de grand goût. Il a peint des portraits très-vivans; mais en petite quantité. L'hiftoire l'occupoit entiérement, & furtout les tableaux d'autel également propre aux tableaux de chevalet, il a poffédé le talent de peindre en grand & en petit, chofe affez rare dans un

CAZES,

même homme. On peut dire cependant qu'il a CAZES. plus donné à l'ordonnance du tableau & à la correction du deffein, qu'à la force de l'expreffion, & à un certain feu qui met tout en mouvement. On fçait bien qu'aucun ouvrage n'eft parfait, dans les meilleurs, les taches difparoiffent à côté des grandes beautés.

En 1727, lors du concours, fes amis le voiant incertain s'il travailleroit ou non, l'engagerent à se mettre au nombre des concurrens, & il peignit la naiffance de Vénus. Les grands fujets de dévo tion, qui l'occupoient fans ceffe, l'avoient tiré depuis long-tems de ces fujets galans, qu'il avoit traités fi bien dans fon premier tems; je l'avois bien prévû. Quoiqu'il n'eût que cinquante-un ans, fon tableau augmenta le nombre des médiocres, & ne put lutter contre les trois qui remporterent la victoire.

Cazes a autant travaillé pour la province que pour Paris; enfin, dans fon dernier tems, il fut plu fieurs années en enfance, & il eft mort à Paris le 25 Juin 1754, âgé de foixante-dix huit ans.

[ocr errors]

Ses éleves font, Pierre- Antoine Robert, Charles Parrocel, Lungberk, Suédois, renommé pour le paftel; M. Chardin, de l'Académie de peinture ; fes deux fils font encore fes élèves.

Ses deffeins préfentent toujours de riches ordonnances, ordinairement faits au trait feul de pierre noire lavé à l'encre de la Chine; les jours font ménagés proprement: fes études font au même crayon, relevés de blanc de craie; fes académies font très-eftimées, toujours au même crayon, lavées à l'encre de la Chine & rehauffées de blanc de craie ; on ne peut rien de plus correct.

Ses

Ses ouvrages à Paris, outre le tableau de NotreDame dont on vient de parler, consistent, dans le chœur de l'abbaye de faint Germain-des- prés, en neuf grands tableaux, placés au-deffus des formes des Religieux ; ils repréfentent l'histoire des faints Germain & Vincent; le premier eft faint Vincent & l'Evêque Valère jugés devant Dacien, les mêmes traînés en prifon, faint Vincent prêche devant l'Evêque Valère, l'ordination de faint Vincent par l'Evêque Valère, le facre de S. Germain; il préfente le plan de l'abbaye au Roi Childebert, il guérit le Roi Clotaire malade, la mort de faint Germain, une defcente de croix qui eft au fond au-deffus de la chaire de l'Abbé, fait le neuvié. me tableau. Il y a encore deux autres tableaux de fa main dans la nef de la même Eglise; l'un faint Pierre guériffant un boiteux à la porte du Temple; l'autre eft Tabithe reflufcité par faint Pierre, & un Apollon & Efculape dans l'apotiquairerie.

A faint Jacques de la Boucherie, fainte Catherine, tableau d'autel dans une chapelle, & un faint Jacques qui a fervi à la baniere de cette Eglife.

On voit à faint Martin-des-champs, dans le chœur, le Centenier, grand tableau; & dans le chapitre du même couvent, l'annonciation.

A faint Gervais, la multiplication des pains dans une chapelle.

Au petit faint Antoine, au maître-autel, l'adoration des Mages.

Dans la chapelle de fainte Marie Egyptienne, au coin de la rue de la Juffienne, on voit au maître-aurel, la Vierge avec l'enfant Jefus, accompagnée de plufieurs anges; & dans les chapel

TO ME

IV.

Cc

CAZES.

« PrécédentContinuer »