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rien n'ett fi leger pour la touche, & les hachures LE MOINE, qui font d'une feule taille de droite à gauche. Son paysage & les fonds ne font qu'une maffe, & cependant cela fait fon cffet. Les études qu'il a faites pour les plafonds (excepté les académies) ne font point deffinées en grand, mais fur une demie feuille de papier ordinaire, le contour en eft précis & faifi avec beaucoup d'efprit; les graces réfident dans fes airs de têtes, principalement dans celles des femmes: la fineffe de la touche,la légèreté des draperies, le caractère rendu de chaque chofe, la belle compofition & la penfée élevée de ce maître, font les véritables marques de fes deffeins.

Outre les ouvrages publics dont on a parlé, tels que le refectoire des Cordeliers d'Amiens; l'enfeigne du perruquier de la même ville, le pla fond du chœur des Jacobins du fauxbourg faint Germain, celui de la chapelle de la Vierge à faint Sulpice & le grand falon de Versailles, on connoît de fa main dans l'Eglife de faint Roch à Paris, une nativité; dans la nef de l'Abbaye faint Germain, faint Paul qui aveugle Barjefu devant le proconful Sergius; dans l'Eglife des religieufes de l'affomption rue faint Honoré, il a peint fur toile entre les trumeaux du dôme, une belle fuite, en Egypte; dans le chœur de faint Martin-deschamps, l'aveugle-né qu'il a laiffé imparfait, & que M. Charles Natoire, fon digne élève, a achevé ; l'efquiffe coloriée & très-finie de la chapelle de la Vierge de faint Sulpice, fe voit dans la facriftie de cette Eglife,

Son tableau de réception à l'Académie, eft Her-, cule qui tue Cacus.

Pour le Roi d'Espagne, Alexandre & Porus

LE MOINE. grand tableau feulement au trait envoyé à Ma→

drid.

On voit à Paris, dans le cabinet d'un particulier, Tancrede qui reconnoît Clorinde dans une bataille au moment qu'elle laifle tomber fon cafque; Hercule & Omphale; Androméde délivrée par Perfée; une femme entrant dans le bain ; le Tems qui découvre la Vérité; les Chevaliers Danois dans les jardins du palais d'Armide; l'enlèvement d'Europe; Adam & Eve; le baptême de Jefus-Christ par faint Jean, ces deux derniers grands comme nature. Le Moine a peint encore quatre deffus de portes, fujets tirés des métamorphofes pour une maifon qui eft aujourd'hui l'hôtel de Biron près les Invalides.

A Versailles, dans le magafin du Roi ou Surintendance, la continence de Scipion ; le Roi donnant la paix à l'Europe dans le falon de la Paix; Céphale & P'Aurore petit ovale chez le GrandMaître; à la nouvelle paroiffe de cette ville, faint Louis à genoux, présentant à Dieu les inftrumens de la paffion, avec une gloire d'anges; dans l'hôtel de M. le contrôleur général à Verfailles, une Charité avec deux enfans en rond au-deflus d'une glace en face de la cheminée.

Il a peint une efquiffe coloriée d'un plafond pour la banque, qui n'a pas été exécutée; mais on peut juger de fa belle ordonnance par l'eftampe qui en eft gravée par Silveftre.

On a gravé environ trente piéces d'après le Moine; fes graveurs font Thomaffin, Sylveftre, Cars, Cochin & Larmeffin.

CHARLES PARROCEL.

C'EST un grand avantage aux artistes, de fortir PARROCEL de parens diftingués par le mérite; le fang les porte à fuivre les mêmes traces, & l'exemple les y conduit plus fûrement. C'est à eux à faire revivre leurs ancêtres : fans cela, comme a dit très-bien un de nos fameux (a) courtifans: Les grands noms abaissent, au lieu d'élever ceux qui ne les fçavent pas foutenir.

Charles Parrocel qui fuit, en eft un exemple. Paris le vit naître en 1688. Il fut élève de fon pere, Jofeph Parrocel, peintre extrêmement diftingué par le feu & la belle couleur qui regnent dans les tableaux comme il étoit encore fort jeune quand il perdit fon pere, on le mit chez Charles de la Foffe.

Les premiers ouvrages de Parrocel lui mériterent plufieurs prix à l'Académie : il fit cependant le voyage de Rome à fes frais ; & il ne fut nommé penfionnaire du Roi, que quelque tems après fur un tableau qu'il fit à Rome & qu'il envoya à Paris; c'eft un Moyfe fauvé des eaux. On reconnut alors qu'il étoit élève de fon génie ; & les beautés qui fe trouverent en foule dans fon ouvrage, acheverent les fuccès: il refta plufieurs années à Rome, où je l'ai vû en 1713. Ses études étoient méditées;

(a) La Rochefoucault.

PARROCEL.

fon intelligence faifoit face à tous fes befoins ; cependant il doutoit encore de fon habileté. Venife l'appella dans la fuite, & il y demeura quelque tems plufieurs morceaux qu'il y peignit, firent connoître que tout l'art avoit été employé pour réuffir.

A fon retour en France, il se préfenta à l'Académie, & y fut reçu fur une compofition d'un combat d'Infanterie & de cavalerie: on le fit enfuite confeiller ; & comme il deffinoit fort bien la figure, il fut nommé profeffeur en 1745.

Parrocel s'étoit fait des regles sûres pour marcher d'un pas ferme dans la voie du fçavoir : comme il s'étoit appliqué particuliérement à peindre des batailles, il crut néceflaire à fon avancement de fervir dans la cavalerie pendant quelques années. C'étoit le mettre plus à portée détudier les mouvemens & les évolutions militaires. Les études. qu'il fit pendant trois campagnes, font confidérables, & pour le nombre & pour leur excellence. La foupleffe, la cadence, la vérité du mouvement dont eft fufceptible un cheval,rien ne lui étoit échappé ; il en avoit fuivi l'anatomie, & perfonne n'a affurément mieux deffiné des chevaux que lui; talent affez rare, même parmi les plus grands pein

tres.

Cet artifte fit connoître par de grands morceaux bien compofés & fort corrects, combien il étoit digne fucceffeur des rares talens de fon pere: l'intérêt fe trouvoit répandu dans tout ce qu'il faifoit, fçachant que dans l'exécution il ne falloit rien de petit, rien de joli: Parva laves capiunt ani mos, dit Ovide. En effet, il n'y a que le grand qui foit en droit de plaire aux yeux connoilleurs.

Ses idées furent formées fur ce principe, fans cependant trop s'écarter du naturel,

M. le Duc d'Antin, Surintendant des bâtimens, le chargea de peindre pour le Roi deux grands tableaux de vingt-deux pieds de long; l'un eft l'entrée de l'Ambaffadeur Turc dans le jardin du palais des Tuilleries; l'autre eft la fortie du même Ambaffadeur par le pont tournant, après fon audience, On y voit un grand nombre de figures, dont la plûpart font à cheval, accompagnées des Gardes Suiffes & Françoises, & du côté du quai, de la Maifon du Roi, & de fon Régiment. Ces deux actions fe font paflées durant l'hiver de 1721, dans le temps que le Roi demeuroit au château des Tuilleries. On lui donna un logement & un attelier dans ce palais, où il fit les efquiffes de ces deux fujets qu'il préfenta au Roi, & qui font actuellement dans les appartemens de Verfailles : ils font pendant au pont neuf de Vendermeulen. Le Roi lui donna dans la fuite un appartement aux Gobelins, avec une penfion de 600 livres. Alors il recommença à peindre en grand les deux mêmes fujets qui ont été exécutés en tapiflerie dans la même manufacture des Gobelins.

Parrocel, en 1744 & 1745, partit, par ordre du Roi, pour fuivre l'armée en Flandres, & pour deffiner les conquêtes de Sa Majefté, qu'il dévoit peindre dans la galerie du château de Choify. On en a vu les deffeins coloriés à l'expofition des tableaux dans le falon du Louvre en 1746. Il y a fait fentir combien le pinceau, manié par le sentiment, a d'expreffion, de chaleur & de vérité. Il animoit vraiment la toile : tout étoit en mouvement; mais les premieres penfées étoient toujours

PARROCEL

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