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multiplierent fes connoiffances. Il paffa de-là en Savoye, où le Duc l'employa à peindre dans fon palais plufieurs morceaux confidérables, & allégo. riques; c'eft ainfi que les peintres empruntent ordinairement avec le pinceau de la vérité, les charmes de la fiction pour mieux féduire le spec

tateur.

Les belles qualités de ce peintre le firent eftimer de chacun, & fa réputation augmentant tous les jours, le bruit de fes ouvrages parvint à la Cour d'Henri IV, qui le choifit, après la mort de du Breuil, pour fon premier peintre, & lui donna la conduite de fa chapelle de Fontainebleau. A peine eut-il commencé à y donner des preuves de fa capacité, que le Roi vint à mourir ; il continua fon ouvrage fous Louis XIII, qui, pour couronner fon mérite, le fit chevalier de faint Michel.

Freminet étoit ami du fameux Regnier, dont nous avons des fatyres, & la Xme, lui eft adreffée dans l'édition qu'en a donné M. Broffette, qui parle de lui.

Ce maître excelloit dans la compofition d'un tableau. Inftruit de l'anatomie, de la perfpective, de l'architecture, il donnoit à fes figures des contours extraordinaires, dans le goût de Michel. Ange & du Parmefan. Sa maniere fiere & terrible ne plaifoit pas à tout le monde ; les mouvemens trop forts de fes figures, les muscles & les nerfs rrop marqués, qui paroiffoient même à travers les draperies; les actions de fes perfonnages trop recherchées, fentent le goût Florentin: on n'y voit point la belle nature, & fon goût de peinture eft trop dur.

TO ME IV.

* A iv

FREMINET

FREMINET.

Ce qu'on trouve de fingulier dans la maniere de Freminet, c'eft qu'il faifoit un portrait ou une figure entiere par parties, fans efquiffer le tout auparavant; il étoit même si sûr de fon travail, que joignant aux autres parties la main ou le pied qu'il avoit fait, il en compofoit une figure bien deffinée & bien proportionnée. Dans le tems qu'il achevoit la chapelle de Fontainebleau, il tomba malade, & s'étant fait conduire à Paris, #l y mourut en 1619, âgé de cinquante-deux ans. On l'enterra dans l'Eglife de l'abbaye de Barbeau à trois lieues de Melun. Il a laiffé, fuivant le Supplément de Moréry, un fils du même nom, affez bon peintre; mais on ne connoît point d'auteur qui en ait parlé, non plus qu'il ait formé des élèves capables de foutenir fon nom.

Quoique Freminet ait cherché dans fon goût de deffiner celui du Parmesan & de Michel-Ange, fa maniere eft infiniment plus lourde. Ses deffeins font très-finis; ils font arrêtés à la plume & lavés à l'encre de la Chine ; d'autres font lavés à la fanguine, rehauffés de blanc au pinceau, dont il á fouvent travaillé les clairs par de petites hachures: les attitudes de fes figures, leurs mouvemens, leurs muscles trop chargés, font les marques les plus certaines de la main de Freminet.

L'ouvrage le plus confidérable de ce maître eft le plafond de la chapelle de Fontainebleau ; il est cintré, & féparé en plufieurs compartimens dont cinq grands tableaux occupent le milieu & les deux bouts: on voit, vers la porte, Noé qui fait entrer les animaux dans l'atche. Dans le fecond, c'eft la chûte des anges; le troifiéme eft la représen. tation du Seigneur environné des puiffances cé

leftes, avec un temple orné de colonnes, entre lefquelles font les Vertus qui intercédent pour le genre humain. On voit dans le quatrième un rayon de lumiere qui tombe fur l'ange Gabriel; le cinquieme enfin répréfente la création, qui ett un des plus eftimés, ainfi que l'arche de Noé. Sous l'arcade, derriere l'autel, le peintre a représenté l'annonciation, dans le goût du Parmefan. Il eft fâcheux que l'architecture du maître-autel empêche d'en jouir aurant que ce morceau le mérite. On compte dans ce plafond vingt-deux tableaux ovales, & feize quarrés, entourés de bordures de ftuc. Ces tableaux font compofés de Sibylles, d'Anges, de Chérubins, & de figures fymboliques. Les principaux Rois d'Ifrael & de Juda y font représentés, tels que Saül, David, Salomon, Roboam; & en camayeu, les Patriarches Noé, Abraham, Ifaac, Jacob, Job & les prophètes Samuel, Natham, Jérémie, Jonas; les Elémens y paroiflent avec plufieurs. Vertus theologales. Au-deffus de la corniche qui foutient la voûte, quelques actions de la vie de J. C. font encore repréfentées dans de petits ovales entourés de bordure de ftuc doré, & furmontés de têtes de chérubins au milieu de feftons & de pampres dorés.

Nous n'avons d'après ce maître que neuf estampes, gravées par Philippe Thomaffin & Crifpin de Pafle: ce font des fujets de l'histoire fainte.

FREMINET.

SIMON

VOUET.

SIMON LE retour du bon goût de la peinture en France, VOUE T. eft certainement dû à Simon Voüet, né à Paris en 1582. Ses premieres études fe firent fous fon pere Laurent, peu diftingué dans cette profeffion: c'étoit à la nature, c'étoit aux ouvrages des grands maîtres qui font à Paris, qu'il étoit réservé de rendre en peu de tems ce peintre habile & gracieux. On le choifit à quatorze ans, pour aller peindre une Dame de qualité qui s'étoit refugiée en Angleterre il y fit encore d'autres ouvrages pendant quelques années, après lefquels il revint à Paris pour s'attacher plus que jamais à ce bel art. M. de Harlay, Baron de Sancy, le mena enfuite avec lui dans fon ambassade de Turquie en 1611. Voüet y peignit parfaitement de mémoire le grand Seigneur Achmet I qu'il n'avoit vu qu'une fois, & de profil, pendant l'audience qu'il avoit donnée à cet Ambaffadeur. Après quelques mois de féjour en Turquie, l'ennui le prit de n'avoir rien à faire; & après avoir pris congé de ce miniftre, il s'embarqua pour Venife, où parmi les fameux ouvrages de peinture qu'on y voit, ceux de Paul Veronèse le charmerent au point qu'il en fit plufieurs copies. Rome enfuite le pofféda en 1613; ce fut-là que le goût du Caravage & du Valentin lui fervirent long-tems de modéles.

D'heureuses études, des fuccès fuivis de quelque

réputation, lui donnerent dès-lors un rang distin

gué parmi les peintres de fon tems. Louis XIII, in- SIMON formé de fa capacité, lui accorda une penfion VoU E T. pendant le long féjour qu'il fit en Italie où

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il demeura quatorze ans. Le Duc de Braciano, qui devoit époufer la Princeffe de Piombino qui demeuroit à Gênes, connoiffant le talent de Voüer pour peindre le portrait, l'envoya exprès dans cette ville: il y fit plufieurs ouvrages publics, & tra vailla pour le Prince Doria. De retour à Rome, attiré par le cardinal Barberin devenu Pape, il fut élu en 1624, Prince de l'académie de faint Luc. Ce Pontife dont il fit le portrait l'aimoit beaucoup, ainfi que les cardinaux fes neveux. Tant de protec→ tions l'engagerent à prolonger fon féjour dans cette capitale, & il fe maria à Virginie de Vezzo, qui dans la fuite eut fouvent l'honneur de peindre en présence de Louis XIII. Voüet en eut plufieurs enfans; & après la mort il reprit une feconde femme.

Un ordre du Roi le fit revenir d'Italie en 1627, après y avoir féjourné près de quinze ans.Sa Majesté le nomma fon premier peintre, & le logea aux galeries du Louvre; on l'employa d'abord à décorer le Louvre, le Luxembourg, faint Germain en Laye où il fit plufieurs ouvrages. Il donna enfuite des deffeins de tapifleries, & le Roi prenoit plaifir à lui voir peindre des portraits au paftel. Voüet eut même l'avantage de montrer à Sa Majesté à def finer & à fe fervir de cette maniere expéditive de peindre, où le Roi réuffit parfaitement, furtout pour la reffemblance. Ce travail étoit une occafion d'être continuellement avec Sa Majefté, qui le combla de biens & de faveurs.

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