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B. Choffard inv. et Fecit.

AVANT-PROPOS.

UE ne peut point l'émulation & l'encouragement dans les arts? La protection que leur a accordée Louis XIV, dans le fiécle paffé, ne l'a pas rendu moins grand que fes victoires; & l'attention que Louis XV fait paroître aujourd'hui à former de nouvelles Académies & des écoles de deffein, ne lui acquerera pas moins de gloire qu'à fon augufte prédeceffeur.

Ce font ces encouragemens qui étendent les connoiffances, & qui font paroître de tems en tems des génies fupérieurs, feuls capables d'exécuter ce que la nature étale de plus beau dans tous les genres.

Cette carriere eft immenfe. Que d'af pects différens pour les envisager comme

TOME IV.

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il faut ! Que de foins pour les perfectionner! L'efprit eft fouvent effrayé des qualités néceffaires à former un grand artifte, & nous n'en connoiffons prefque aucun qui les ait réunies parfaitement.

Au refte, les beaux arts fe tiennent par la main, c'est le goût qui les guide. Les arts utiles fatisfont nos befoins, les agréables ne contribuent qu'à nos plaifirs: ne fçait-on pas que leur principal but eft d'imiter & de plaire ? Mais quelles difficultés fe préfentent pour faifir tous les tons de la nature! Il n'eft pas moins difficile de plaire univerfellement. Quintilien difoit qu'il n'avoit point vû d'homme affez accompli, pour plaire à tout le monde ; c'est pour cela qu'il doutoit qu'aucun fût encore arrivé à ce point de perfection.

Que ne fait point cependant un véritable artiste pour y parvenir? La lecture fe joint à la pratique; elle l'ébauche; il étudie le coftume, il parcourt la façon d'opé rer des grands maîtres; fes recherches fes foins font infinis; cependant il ne peut guere voir les beaux effets de la nature que par les lumieres de l'ame, qui fe figurent les objets tels qu'ils devroient être pour être parfaits ainfi l'imitation a une marche particuliere que le fentiment qui la dirige peut feul perfectionner, Par

cette heureuse exagération ( fans cependant fortir du vraisemblable) un peintre peut plaire aux gens d'efprit & de goût.

C'eft ainfi que les arts fe font perfectionnés en France, & que l'Académie Royale de peinture eft parvenue au point, qu'elle peut aujourd'hui difputer de primauté avec toutes les Académies de l'Europe. Elle fournit préfentement des artistes aux Princes (a) étrangers, qui lui en demandent fouvent; c'étoit en quelque forte un tribut qu'ils payoient ci-devant à l'Italie les Romains modernes déchûs de l'ancienne fplendeur de leurs ancêtres, ont auffi dégénéré du côté des talens; depuis Carlo Maratti, François Solimene, & Camille Rufconi, aucun peintre, aucun fculpteur ne s'eft diftingué parfaitement dans ce pays. La France, au contraire, après avoir perdu depuis peu d'années d'auffi grands peintres que Jouvenet & le Moine; d'auffi fameux fculpteurs que Coyzevox & les Couftous, peut encore compter plufieurs peintres vivans du premier ordre, & quan tité d'excellens fculpteurs.

Il y a même lieu d'efpérer que les écoles de deffein établies à Lyon, à Rouen, à Reims, à Bourdeaux, à Toulouse, à

(a) Les Princes du Nord commencent à envoyer des Penfionnaircs étudier à Paris, comme ils faifoient autrefois à Rome.

Marseille, & dans les grandes villes du Royaume, fourniront dans quelques années des hommes diftingués. dans les arts; avantage qu'on ne pouvoit attendre autrefois que de la capitale. On pourra y voir auffi des expofitions publiques (a) dans le goût de celles qui fe font au Louvre, où la peinture, la fculpture, la gravure, la miniature balancent les fuffrages des connoiffeurs & des étrangers.

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Quoique ce Volume ne traite que des peintres François, il a cependant plus coûté de travail à l'Auteur, que les autres; on aura fans doute peine à le croire, fi on ne fait attention qu'avec le fecours des mémoires & des indications des peintres contemporains, il eft difficile de conferver l'impartialité en parlant des avantages de fa nation. Celle d'un Ecrivain fait fouvent illufion à fon efprit; & quelqu'effort qu'il faffe pour fe garantir de cette féduction, on le croit toujours le jouet des préjugés. Vafari, Ridolfi & Malvafia qui ont écrit la vie des peintres Florentins, Vénitiens & Bolonnois, ne font-ils pas avec raison foupçonnés de prévention ?

(a) La ville de Marfeille a déja imité cet exemple, & l'Académie de peinture de cette ville a fait la premiere expofition publique de fes tableaux le 10 Août 1761.

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