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SCENE V.

D. ALVAR, ELISE.

ELISE.

Vois-je pas Dom Alvar?

D. ALVAR.

Le prince me renvoye

Vous prier que pour lui votre crédit s'employe.
De fes jours, belle Elife, on doit n'espérer rien
S'il n'obtient par vos foins un moment d'entretien;
Son ame a des transports.... Mais le voici lui-même.

SCENE VI.

D. GARCIE, D. ALVAR, ELISE. D. GARCIE.

H! fois un peu fenfible à ma disgrace extrême,

A ma di

Elife, & prend pitié d'un cœur infortuné,

Qu'aux plus vives douleurs tu vois abandonné.

ELISE.

C'eft avec d'autres yeux que ne fait la princeffe,
Seigneur, que je verrois le tourment qui vous presse;
Mais nous avons du Ciel, ou du tempérament,
Que nous jugeons de tout chacun diversement:
Et puifqu'elle vous blâme, & que fa fantaisie
Lui fait un monftre affreux de votre jaloufie,
Je ferois complaifant, & voudrois m'efforcer
De cacher à fes yeux ce qui peut les blesser.

Un amant fuit fans doute une utile méthode,
S'il fait qu'à notre humeur la fienne s'accommode,
Et cent devoirs font moins que ces ajustemens,
Qui font croire en deux cœurs les mêmes fentimens.
L'art de ces deux rapports fortement les affemble,
Et nous n'aimons rien tant, que ce qui nous reffemble.
D. GARCIE.

Je le fçais; mais hélas! les destins inhumains
S'opposent à l'effet de ces juftes desseins;

Et malgré tous mes foins viennent toujours me tendre
Un piége, dont mon cœur ne fçauroit fe défendre.
Ce n'eft pas que l'ingrate aux yeux de mon rival
N'ait fait contre mes feux un ayeu trop fatal,
Et témoigné pour lui des excès de tendreffe,
Dont le cruel objet me reviendra fans ceffe :
Mais comme trop d'ardeur enfin m'avoit feduit
Quand j'ai crû qu'en ces lieux elle l'eût introduit,
D'un trop cuifant ennui je fentirois l'atteinte
A lui laisser sur moi quelque fujet de plainte.
Oui, je veux faire au moins, fi je m'en vois quitté,
Que ce foit de fon cœur pure infidélité;
Et, venant m'excufer d'un trait de promtitude,
Dérober tout prétexte à son ingratitude.

ELISE.

Laiffez un peu de tems à fon reffentiment,
Et ne la voyez point, Seigneur, fi promtement.

D. GARCIE.

Ah! fi tu me chéris, obtiens que je la voye;
C'eft une liberté qu'il faut qu'elle m'octroye;

Je ne pars point d'ici, qu'au moins fon fier dédain........

ELISE.

De grace, différez l'effet de ce deffein.

D. GARCIE.

Non, ne m'oppose point une excufe frivole.
ELISE à part.

Il faut que ce soit elle, avec une parole,
Qui trouve les moyens de le faire en aller.
[à Dom Garcie.]

Demeurez donc, Seigneur, je m'en vais lui parler.
D. GARCIE.

Di-lui que j'ai d'abord banni de ma présence
Celui dont les avis ont caufé mon offense;
Que Dom Lope jamais... :

SCENE VII.

D. GARCIE, D. ALVAR.

D. GARCIE regardant par la porte qu'Elife a laiffée entr'ouverte.

Qu

Ue voi-je! ô juftes Cieux! Faut-il que je m'affûre au rapport de mes yeux? Ah! fans doute ils me font des témoins trop fidéles. Voilà le comble affreux de mes peines mortelles;

Voici

Voici le coup fatal qui devoit m'accabler.

Et quand par des foupçons je me fentois troubler,
C'étoit, c'étoit le Ciel, dont la fourde menace
Présageoit à mon cœur cette horrible disgrace.
D. ALVAR.

Qu'avez-vous vû, Seigneur, qui vous puiffe émouvoir?
D. GARCIE.

J'ai vû ce que mon ame a peine à concevoir,
Et le renversement de toute la nature

Ne m'étonneroit pas comme cette avanture;
C'en est fait... le deftin... je ne fçaurois parler.

D. ALVAR.

Seigneur, que votre esprit tâche à se rappeller.

D. GARCIE.

J'ai vû... Vengeance, ô Ciel!

D. ALVAR.

Quelle atteinte foudaine...

D. GARCIE.

J'en mourrai, Dom Alyar, la chose est bien certaine.

D. ALVAR.

Mais, Seigneur, qui pourroit...

D. GARCIE.

Ah! tout eft ruiné,

Je fuis, je fuis trahi, je fuis affaffiné;

Un homme, fans mourir te le puis-je bien dire?
Un homme dans les bras de l'infidéle Elvire!

Tome II

I

D. ALVAR.

Ah! Seigneur, la princeffe eft vertueuse au point...
D. GARCIE.

'Ah! fur ce que j'ai vû ne me conteste point,
Dom Alvar; c'en est trop que foutenir sa gloire
Lorfque mes yeux font foi d'une action si noire.
D. ALVAR.

Seigneur, nos paffions nous font prendre fouvent
Pour chose véritable un objet décevant;

Et de croire qu'une ame à la vertu nourrie

Se puiffe...

D. GARCIE.

Dom Alvar, laiffez-moi je vous prie; Un confeiller me choque en cette occasion, Et je ne prends avis que de ma passion.

D. ALVAR à part.

Il ne faut rien répondre à cet efprit farouche.

Ah!

D. GARCIE.

que fenfiblement cette atteinte me touche! Mais il faut voir qui c'eft, & de ma main punir..... La voici; ma fureur, te peux-tu retenir?

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