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tous contents et de nous-mêmes et des autres: nous avions donné et reçu; et je fis observer à mes fils la bonté de la Providence, qui fait déjà du travail une jouissance, et qui a placé notre propre bonheur dans celui des objets de nos affections, et notre orgueil dans les louanges qu'ils méritent.

J'ai cependant un petit reproche à te faire, me dit ma femme; tes courses au vaisseau t'ont fait trop négliger le précieux paquet d'arbres fruitiers d'Europe que tu avais apporté à Falkenhorst; je crains qu'ils ne soient entièrement séchés; je les ai cependant arrosés et couverts avec des branches; j'en ai même couché quelques-uns dans la terre, et je l'aurais fait à tous si j'en avais eu le temps; mais tu ne dois pas tarder à les planter, si tu ne veux les perdre.

LE PÈRE. J'en serais bien fâché, et je te remercie de les avoir soignés provisoirement. Nous devrions retourner le plus tôt possible à Falkenhorst, où une foule de choses réclament nos soins : nous avons à présent en notre puissance la plus grande

partie de la cargaison du vaisseau; mais presque tout est à découvert, et souffrirait également du soleil et de la pluie. »

D

Ma bonne femme, qui ne pouvait supporter l'idée de demeurer au brûlant Zeltheim, accéda de bon cœur à ma proposition. Nous déchargeâmes la barque, et nous enfermâmes les objets qu'elle contenait sous notre lente, avec nos autres provisions.

La pinasse fut mise à l'ancre et la proue attachée au rivage à une pieu très-fort. Quand toutes nos richesses furent ainsi en ordre, nous entreprîmes le voyage de Falkenhorst, mais non pas les mains vides: nous traînâmes avec nous tout ce qui nous parut de première nécessité, et nous étions, ainsi que nos bêtes de somme, abondamment chargés.

CHAPITRE XXII.

Exercices gymnastiques. Découvertes différentes.
Animaux singuliers.

Pendant notre séjour à Zeltheim, au milieu de nos occupations et de nos trajets au vaisseau, nous n'avions point oublié de célébrer un dimanche; le jour de notre arrivée à Falkenhorst en amenait un troisième que nous tâchâmes de sanctifier selon notre pouvoir, en consacrant la matinée à la prière, à la lecture de la Bible, au chant des cantiques, et au récit d'une nouvelle parabole de mon invention, que j'appelai les Voyageurs arabes. J'y rappelais à mes enfants, sous des images et des noms supposés, toutes les grâces que Dieu nous avait faites depuis. notre arrivée dans l'ile, en nous faisant découvrir tant de choses utiles à la vie, et pardessus tout, un trésor inestimable : c'était un talisman, qu'un bon génie, qui veillait

sur les voyageurs et les protégeait, leur avait donné. Ce talisman était tel qu'il leur inspirait à l'instant tout ce qu'il y avait de mieux à faire pour leur bonheur, et qu'en suivant ses inspirations on ne pouvait jamais s'égarer ni manquer de rien. On comprend que j'entendais, par le génie protecteur, la bonne et soigneuse mère, et par le précieux talisman la sainte Bible, qu'elle avait sauvée du naufrage el sortie si à propos de son sac. Ils le comprirent très-bien, et quand j'eus fini, tous allèrent embrasser leur mère par un mouvement spontané, en l'appelant leur bon génie, et la remerciant d'avoir conservé le saint livre pour leur instruction et pour notre consolation à tous.

Après dîner, je fis encore une courte morale à mes fils; après quoi, je leur permis les récréations qui leur plairaient, ayant pour système de ne pas les fatiguer, ni les ennuyer de ce qu'ils doivent aimer. J'eus l'idée, pour les amuser utilement, de leur recommander la continuation des exercices que nous avions commencés le premier

dimanche par le tirage de l'arc ; j'avais fort à cœur d'entretenir et d'augmenter chez eux la force et l'agilité corporelles, si nécessaires dans notre situation. Rien n'ôte plus le courage à un homme que de ne pas se sentir la force ou l'adresse nécessaires pour se défendre ou pour échapper aux dangers. Cette fois-ci, j'ajoutai au tirage d'arc la course, les sauts, et la grimpade sur les arbres, soit en escaladant le tronc, soit au moyen d'une corde suspendue, comme les matelots sont obligés de faire pour monter sur les mâts. Au commencement, ils s'aidaient par des nœuds placés à la distance d'un pied l'un de l'autre ; puis avec des nœuds plus éloignés, et enfin sans nœuds. Je leur appris ensuite un exercice qu'ils ne connaissaient point, et qui s'exécute avec deux boules de plomb attachées aux deux bouts d'une ficelle d'une toise de longueur. Pendant que je préparais cette machine, tous les yeux étaient fixés sur moi. Que doit-il en résulter, papa? Comment se sert-on de cela? montrez le nous vite, s'il vous plaît.

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