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bout d'un moment, de voir sortir de chaque plante, à l'endroit où elle avait été coupée, une goutte d'eau pure et fraîche qu'il nous montra; il en mouilla ses lèvres, la trouva parfaite, et s'affligea qu'il n'y en eût pas davantage. Je les pris à mon tour, et je vis bientôt que le manque d'air empêchait l'eau de sortir plus abondamment. Je fis des incisions, et bientôt elle coula comme par une rigole. D'abord Ernest, et bientôt tous les autres, se désaltérèrent et s'en régalèrent. Pour moi, ému de reconnaissance envers la bonté de Dieu, j'élevai les yeux au ciel.

Voyez, dis-je à mes enfants, quelle bénédiction du ciel nous avons trouvée dans ces plantes salutaires dont je suis bien faché d'ignorer le nom? Que deviendraient les pauvres voyageurs dans ce climat brûlant, en traversant ces forêts immenses? Éloignés de toute source d'eau, ils périraient de soif et de chaleur, si la Providence ne leur avait ménagé ce moyen de se rafraîchir. »

Je m'avisai de fendre la plante tout du long; nous eûmes alors assez d'eau pour

pouvoir en donner même à l'àne, au singe et à la pauvre outarde blessée. Nous fùmes encore obligés quelque temps de cheminer entre les buissons avant de nous retrouver en liberté. Enfin nous aperçûmes, à notre droite, un peu à côté du rivage, le bois des calebasses, où se dirigeait notre course, et bientôt nous eûmes atteint cette plage agréable, où je m'étais reposé dans mon premier voyage avec Fritz. Chacun s'étonnait, admirait ces beaux arbres et ces fruits immenses qui croissent si singulièrement attachés au tronc. Fritz, qui les connaissait déjà, expliquait tout en détail, et faisait le professeur, ainsi que je l'avais fait avec lui lors de notre première excursion. Je fus bien aise qu'il n'eût rien oublié. Pendant son récit, je faisais des yeux un choix de calebasses de différentes grosseurs pour nos divers besoins. Je cherchais aussi à découvrir si la malicieuse horde des singes n'était point dans le voisinage; je craignais d'en être inquiété pendant nos occupations. Je fus bien content de n'en pas voir un seul; et, après

une petite promenade dans le bois, je revins près de ma famille.

Je trouvai Jack et Ernest dans la plus grande activité ; ils ramassaient des branches de bois sec et des cailloux, pendant que la mère s'occupait de l'outarde blessée, et ne trouvait pas qu'elle eût grand mal; elle me dit qu'il y avait de la cruauté à la laisser plus longtemps attachée sur la claie. Pour lui faire plaisir, je la dégageai, et lui laissai seulement les pieds liés, de manière à ce qu'elle pût marcher, mais non courir ni donner des coups; ensuite je nouai à un petit tronc d'arbre une longue ficelle, qui lui permit de se promener à petit pas et en liberté. Elle se montrait peu sauvage, excepté quand les chiens l'approchaient; mais elle ne craignait point l'homme, ce qui me confirma dans l'idée que nous étions sur des côtes tout à fait inhabitées. Mes fils étaient parvenus à faire un grand feu, et je les voyais tous occupés autour. Je pris la liberté de me moquer d'eux; je leur demandai s'ils étaient devenus des salamandres ou des habitants de la pla

nète de Mercure, qui allument, dit-on, du feu pour se rafraîchir, tant le soleil est près d'eux et brûlant: ici il ne l'était guère moins. ‹ Papa, me dit Jack, il est question seulement de faire cuire mon sorcier, mangeur et distributeur de cocos. Ah! c'est pour cela, messieurs, que vous avez cherché ces beaux cailloux vous voulez, j'en suis sûr, vous en servir en les faisant chauffer pour apprêter votre crabe sans mettre sur le feu votre vaisselle de courges, qui ne le supporterait pas. »

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Ils en convinrent. Commencez au moins, leur dis-je, par faire le plat dans lequel vous voulez jeter les cailloux échauffés et le crabe, avant de faire le feu et de vous griller à côté.

LA MÈRE. Je demande aussi qu'on me fasse quelques vases à lait et une grande cuillère plate pour prendre du beurre dans le tonnelet, et de jolies assiettes pour le servir proprement.

LE PÈRE. Bien parlé, chère femme; et moi, je demande quelques nids de pigeons, des

paniers pour les œufs, des ruches pour nos abeilles, etc.

LES ENFANTS. Ah! oui, oui, ce sont d'excellentes choses; nous allons bien travailler.

JACK. Mais auparavant, papa, laissez-moi faire un plat pour mon crabe; par cette chaleur, il pourrait se gâter d'ici à ce soir, et je ne voudrais pas l'avoir tué avec tant de peine pour n'en pas profiter; cela serait d'abord fait, si vous vouliez me montrer à couper une courgé avec une ficelle.

LE PÈRE. Allons, allons, c'est juste; il faut bien te donner le prix de la victoire. Quant à la ficelle, dont on se sert à défaut de scie, c'était fort bien pour la première fois, et je te montrerai à t'en servir dans l'occasion; mais aujourd'hui que je viens dans ce but, j'ai apporté tous les outils nécessaires. Il s'agit seulement de cueillir une bonne quantité de calebasses de différentes grosseurs; elles seront bientôt coupées. ›

Mes enfants se mirent à l'ouvrage, et bientot nous eûmes un nombre suffisant de ces

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