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bois de chênes agréablement entrecoupé de beaux figuiers des Indes, de l'espèce de ceux de Falkenhorst. La terre était presque jonchée de glands. Mon petit peuple, toujours curieux et friand, ne put se retenir de goûter ces glands, qui ressemblaient parfaitement, pour la forme, à ceux d'Europe; mais vu la différence du climat, il pouvait y en avoir dans le goût. L'un d'eux s'avisa donc d'en mordre un, et le trouvant bien doux et trèsagréable, il le dit bien vite à ses frères, qui se jetèrent dessus et en remplirent leurs poches, celles de leur mère et les miennes. J'étais aussi fort réjoui d'avoir trouvé ces nouveaux aliments; j'eus même l'idée d'en nourrir notre volaille: j'admirais plus que jamais ces beaux arbres qui nous couvraient de leur ombrage et nous faisaient un présent inestimable. Je reconnus que c'était une espèce de chênes toujours verts, qui sont communs dans les bois de la Floride, et du fruit desquels les Indiens de l'Amérique septentrionale tirent une huile douce, qu'ils emploient à faire cuire leur riz. Une foule

d'oiseaux se nourrissent de ces glands; nous pûmes le remarquer par le cri sauvage et discordant de plusieurs espèces de geais et de perroquets qui sautillaient joyeusement dans le branchage et entre les feuilles. Mes fils voulaient tirer dessus; je ne pus les en empêcher que par la promesse que nous reviendrions une autre fois chasser dans ce bois et en leur faisant observer qu'il était trop tard.

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Nous arrivâmes bientôt à la maison. Le chemin que nous avions pris avait tellement abrégé notre marche, qu'avant que l'obscurité fût complète nous pûmes faire encore quelques petits arrangements importants. Ma femme eut un grand plaisir de se servir, le même soir, du panier à œufs et des vases à lait. Fritz fut chargé de faire un creux en terre, qui devait provisoirement servir de cave pour conserver le lait. On le recouvrit de planches chargées de pierres. Jack prit les nids de pigeons, monta vite sur l'arbre et les cloua à des branches; il mit dedans de la mousse sèche, et y plaça un de nos pigeons

femelles apprivoisés, qui couvait dans ce moment-là; il posa avec précaution les œufs sous la mère, elle y resta et parut s'y plaire: elle roucoulait avec reconnaissance. Ernest s'occupait à ranger le poulailler entre les racines. Quand il eut fini, il fut important de voir comment cette volaille se trouverait dans ce beau palais : elle était déjà perchée et placée pour dormir, et trouva fort mauvais d'être réveillée; tandis que, de son côté, Ernest se courrouçait de son peu d'empressement à venir habiter sa nouvelle demeure. Quant à moi, je m'étais chargé d'éventrer l'yguana et d'en préparer un morceau pour notre souper, malgré ma femme, qui ne cachait pas sa répugnance à manger du lézard et du crabe: elle les trouvait trop affreux; on ajouta donc en sa faveur de nouvelles pommes de terre; nous essayâmes de les faire cuire avec des glands doux, et le tout se trouva parfait. François était chargé de faire le marmiton; c'était assez volontiers son emploi à côté de sa mère. Nous nous approchâmes sans peine du feu clair et petil

lant sur lequel cuisait notre souper; une brise de mer avait rafraîchi l'air, et après une grande fatigue le feu fait toujours plaisir. Cette bonne et utile journée fut couronnée par un repas vraiment savoureux, où nous donnâmes tous à notre chasse de l'yguana des éloges bien mérités. Ma femme ne put se décider à en manger, et s'en tint aux pommes de terre grillées. Le crabe eut peu de faveur, il se trouva sec et fade, et fut laissé de côté. Nous préparâmes ensuite à côté du flamant une couche commode à notre noire outarde, et nous allâmes nous étendre dans nos lits, dont nous avions tous un grand besoin.

CHAPITRE XXIII.

Excursion dans des contrées inconnues.

On comprend que le lendemain ma première pensée fut d'aller chercher notre claie dans le bois de calebasses; j'avais eu un double but en la laissant là, et je n'en avais pas parlé pour épargner des inquiétudes à ma femme je voulais faire une excursion au delà de la paroi des rochers, et voir si nous ne trouverions pas quelque chose d'utile. J'étais curieux, outre ce but, de connaître un peu mieux l'étendue de notre île; je ne voulais avec moi que Fritz, plus fort et plus courageux que ses frères; je laissai donc les trois autres avec leur mère, ainsi que Bill, pour les protéger; d'ailleurs, je m'étais aperçu qu'elle était pleine. Turc nous suivit, et nous en témoigua sa joie par ses sauts et ses hurlements. Nous partimes de grand matin, en chassant devant nous notre âne, qui devait ramener la claie.

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