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devait aller le ramasser pour le porter à sa mère.

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Il y alla, et revint, malgré ma leçon, trèscontent de son butin. N'est-ce pas, papa, me dit-il, que c'est une superbe bête? Mais je voudrais bien savoir pourquoi elle se démenait si singulièrement?

LE PÈRE. Je pense que, par ses gestes et ses sons singuliers, il appelait autour de lui ses femelles, dont il a un grand nombre, comme le coq domestique; il a cela de commun avec les coqs de bruyère de nos pays septentrionaux. Je crois, en l'examinant de plus près, que c'est la poule à fraise ou grosse gelinotte du Canada ou de Virginie. Tu as joué un mauvais tour à toutes ces poules, mon fils, en les interrompant d'une manière aussi cruelle dans leurs amusements.

FRITZ. J'en suis bien fâché à présent, d'autant plus que nous aurions pu les prendre en vie, et qu'il serait bien beau d'avoir de cette espèce de poules à Falkenhorst.

LE PÈRE. J'allais te le dire, et nous en avons encore le moyen. Dès qu'une de nos

poules domestiques sera disposée à couver, nous reviendrons ici avec notre singe à la chasse des œufs; s'il en trouve un nid, ainsi que je le présume, nous le pillerons et ferons couver les œufs par la poule couveuse: de cette manière nous nous procurerons la plus belle race de poules qu'on puisse

trouver. »

Nous chargeâmes ensuite le coq à fraise sur notre âne, et nous continuâmes notre voyage. Nous arrivâmes bientôt au bosquet des goyaves, dont les agréables fruits nous rafraîchirent, et bientôt après nous eûmes retrouvé notre claie dans le bois des calebasses. Tout notre butin était dans le meilleur élat; mais comme la matinée n'était point encore avancée, nous commençâmes notre excursion projetée au delà de la paroi des rochers. Pour y parvenir, nous les longeå. mes pour découvrir la place où ils finissaient, dans l'espoir de pouvoir les trouver lorsque nous serions au bout, ou de trouver même plutôt quelque ouverture qui nous permit de pénétrer dans l'intérieur de l'île, si,

TOME II.

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comme je le présumais, ils ne la terminaient pas. Nous pénétrâmes donc en avant, en regardant toujours autour de nous pour ne pas perdre quelque avantage ou pour échapper aux dangers qui pourraient nous menacer. Turc prit vaillamment les devants; l'âne le suivait à pas lents, remuant ses longues oreilles, et nous fermions la marche. De temps en temps nous rencontrions quelques petits ruisseaux, comme celui de Falkenhorst, qui nous fournissaient un rafraîchissement agréable. Quand nous eûmes dépassé le bois des goyaves, nous traversâmes des champs de pommes de terre et de manioc, dont l'herbe embarrassait notre marche; mais nous en fùmes dédommagés par la vue du pays où nous étions, et que ces plantes basses nous laissaient voir en plein. A droite, sur la hauteur, nous découvrimes une quantité de lièvres ou d'agoutis s'amusant sur l'herbe, au soleil du matin. Fritz les prit de loin pour des marmottes; mais aucun, à notre approche, ne fit entendre l'espèce de sifflement que poussent

ces animaux lorsqu'ils voient un objet étranger. L'idée de mon fils me parut donc fausse; il aurait voulu s'en assurer au moyen d'un coup de fusil; mais le rocher sur lequel ils s'amusaient n'était pas à portée, et j'en fus charmé.

Nous entrâmes bientôt dans un joli bosquet de buissons qui nous étaient inconnus: toutes les branches étaient chargées d'une grande quantité de baies d'une qualité rare; elles étaient toutes couvertes de cire qui s'attachait sensiblement à nos doigts quand nous voulions les cueillir (1). Je savais qu'il y avait en Amérique une espèce de buisson

(1) L'arbre à cire ou miraca croît à la Louisiane, et une autre espèce plus petite à la Caroline. C'est un joli arbrisseau aquatique, dont une tige porte les fleurs, et l'autre les fruits. Il croît à la hauteur de nos petits cerisiers; il a le port du myrte, et ses feuilles en ont l'odeur. Ses baies, d'un gris cendré, contiennent des noyaux qui sont couverts d'une espèce de cire ou de résine semblable à de la cire, et que les habitants du pays emploient au même usage; ils en font des bougies très-bonnes, et qu'ils sont parvenus à blanchir. Cet arbre est d'un grand rapport : une livre de baies produit deux

produisant de la cire que les botanistes nomment myrica cerifera; je ne doutais pas que nous ne l'eussions trouvé, et celle déconverte me fut très-agréable. Arrêtons-nous ici, mon fils, dis-je à Fritz; nous allons ramasser beaucoup de ces baies, pour rapporter de notre course un présent pour ta mère; ceci lui fera grand plaisir. »

Nous ne tardâmes pas à rencontrer un nouveau petit spectacle que nous ne pûmes nous empêcher d'observer avec admiration: c'était le singulier ménage d'une espèce d'oiseaux qui ne sont guère plus gros que nos pinçons, ayant un plumage brun très-commun. Cette espèce d'oiseaux vit en république et bâtit un grand nid général où habite

onces de cire. Un homme peut aisément en cueillir quinze livres en un jour. Le procédé consiste à mettre fondre cette cire dans de l'eau bouillante dans de grandes chaudières; la cire résineuse surnage; elle a une odeur douce, aromatique, et donne une bonne lumière. Cet arbrisseau a été cultivé dans des terres en France. Les naturalistes croient qu'il pourrait être aisément acclimaté, et très-utile. (Voyez Valmont de Bolmare et le Dictionnaire d'Histoire naturelle.)

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