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toute la tribu. Nous vimes un de ces nids établi sur un arbre un peu isolé, tressé avec beaucoup d'habileté, de paille et de jouc entrelacés; il nous parut renfermer beaucoup d'habitants; il était placé comme un amas de forme irrégulière, autour du tronc de l'arbre, à la naissance des branches et des rameaux. Il nous parut avoir dans le haut une espèce de toit fait avec des racines et des joncs, plus serré que le reste du nid. Sur les côtés, inégalement formés, était une quantité de trous ou de petites ouvertures: c'étaient les portes et les fenêtres de chaque cellule particulière qui se trouvait dans cette maison commune. Il sortait de quelques-uns de ces trous des petites branches qui servaient aux oiseaux de points d'appui pour entrer et sortir; le tout, à l'extérieur, ressemblait assez à une immense et grossière éponge. Les oiseaux qui l'habitaient nous parurent très-nombreux; ils entraient et sortaient continuellement, et j'estimai qu'il pouvait y en avoir au moins un millier. Les mâles étaient un peu plus

gros que les femelles, et avaient aussi quelque différence dans le plumage; leur nombre est très-petit: je ne puis dire si c'est la cause de leur réunion en société.

Pendant que nous examinions avec une grande attention cette colonie d'oiseaux, nous aperçûmes autour du nid une trèspetite espèce de perroquets qui n'étaient pas beaucoup plus gros que les oiseaux (1). Leurs ailes vertes dorées, et la variété de leurs couleurs, produisaient un effet charmant; ils se disputaient avec les colons, leur défendaient souvent l'entrée de leur nid, les attaquaient vivement, et nous donnaient même des coups de bec lorsque nous approchions la main du nid. Fritz, qui savait très-bien grimper, eut enfin envie de considérer de plus près cette remarquable colonie, et de prendre quelques oiseaux. Il jeta par terre tout ce qui le gênait, et grimpa un peu au-dessous du nid; il tâcha de passer

(1) Ce petit perroquet se nomme toui; c'est le plus petit des perroquets connus. Il y en a de plusieurs variétés de plumage.

sa main dans un de ces trous, et de prendre ce qu'il trouverait dans la cellule; il aurait voulu s'emparer d'une femelle couveuse et l'emporter avec ses œufs. Plusieurs de ces cellules étaient vides, mais bientôt il en trouva une garnie, et il y reçut la juste punition de sa curiosité et de sa piraterie. Il fut si fortement mordu au doigt par un bec, qu'il n'eut plus envie que de retirer sa main, en la secouant en l'air et en jetant un cri perçant de douleur; mais s'il fut puni, il ne fut pas corrigé. Dès que la douleur fut un peu passée, il passa la main une seconde fois avec plus de précaution, el prit son ennemi au milieu du corps. Malgré la résistance de l'oiseau, ses cris, ses lamentations, il le tira dehors et le mit bien vite dans la poche de sa veste; il la boutonna bien, et se laissant glisser le long du tronc, il arriva heureusement à terre, mais non pas sans danger. Sur le cri de détresse de son prisonnier, une foule d'oiseaux étaient sortis de leurs nids, et l'entouraient tellement en le menaçant de leurs becs, et criant tous à la fois, qu'il en

fut presque effrayé, et jugea qu'il était à propos de songer à la retraite. Les oiseaux le poursuivirent jusqu'à ce qu'il fût près de moi: alors, par quelques cris et en agitant mon mouchoir en l'air, je les effrayai à mon tour, et je les éloignai de nous. Il tira alors le prisonnier de sa poche; c'était un charmant petit perroquet moineau à plumes vertes. Fritz me demanda en grâce de le lui laisser emporter à la maison comme un trèsjoli présent pour ses frères, qui pouvaient lui faire une cage, l'apprivoiser et lui apprendre à parler. Je ne m'y opposai pas. Nous continuâmes notre voyage, ne voulant pas perdre de temps avec cette singulière colonie. Elle devint naturellement le sujet de notre conversation. C'était la première fois que j'avais vu des oiseaux vivre en société dans un nid commun, et j'en étais surpris. D'après la trouvaille de Fritz, il nous parut probable que les oiseaux propriétaires étaient de ces petits perroquets, dont un venait d'être pris sur son nid, et que les premiers oiseaux que nous avions observés

étaient des intrus qui cherchaient à s'en emparer. On trouve ainsi, disais-je à mon fils, des architectes sociables qui bâtissent en commun dans presque chaque classe du règne animal; je n'en ai pas encore vu chez les amphibies, mais nous en découvrirons peut-être aussi quelque jour, comme chez ces oiseaux. Une foule de causes peuvent engager les animaux à se réunir en masse au lieu de vivre isolés; le manque de femelles ou de mâles, le fardeau de l'éducation ou de la nourriture, la sûreté, la défense: qui osera poser des bornes à l'instinct de l'animal et à ses facultés ?

FRITZ. Mais je ne vois cependant que les abeilles qui vivent ainsi en famille.

LE PERE. A quoi penses-tu, mon fils? et les guêpes, et les bourdons, et les fourmis?

FRITZ. En effet, je ne sais comment j'oubliais les fourmis, car je me suis souvent amusé à les observer: rien n'est plus joli qu'une fourmilière; on voit, en les regardant avec attention, comme elles travaillent en

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