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casse point. On a découvert ensuite que cette gomme enlevait les traits du crayon, et les dessinateurs les effacent avec un morceau de ces petits flacons, qu'ils dépècent pour en faire usage.

Cette fabrication est bien simple. Nous voulous, mon père, tâcher de l'imiter, et de nous faire ainsi des bouteilles bien commodes boire en chassant; mais cependant ce n'est pas, comme vous disiez, un si grand bonheur pour nous.

pour

Non, pas dans ce sens ; mais on en fait aussi des souliers et des bottes sans coutures, sur des moules de terre de la grosseur du pied ou de la jambe, et tu penses combien, sous ce rapport, cette découverte peut nous être utile. Nous chercherons quelque moyen de lui rendre sa liquidité pour l'éten dre sur les moules, et s'il n'y en a point, nous tâcherons de tirer des arbres mêmes du bitume frais et liquide en assez grande quantité pour nous en servir; et combien ne nous sera-t-il pas utile! On peut avec cet enduit rendre imperméable toute espèce d'étoffe,

du linge, de la soie, de la laine, c'est-à-dire que l'eau ne peut les pénétrer; et cette qualité rend surtout cette résine excellente pour les bottes et pour les souliers. On doit aussi les faire plus facilement que ceux de cuir, et cela est précieux pour nous, qui ne somcordonniers. ›

mes pas

Très-contents de notre découverte, et déjà chaussés en imagination des plus belles bottes de caoutchouc (1), nous continuâmes notre route et nous pénétrâmes plus avant dans ce bois, qui s'étendait assez loin. Peu après l'avoir quitté, nous atteignîmes celui de cocos, dont nous connaissions déjà la partie inférieure. C'était le même, qui se prolongeait depuis le bord de la mer jusque sur les hauteurs; nous nous y reposâmes un moment avec plaisir, et une couple de noix nous régalèrent: Turc les avait enlevées à de petits singes qui jouaient dans l'herbe comme des enfants; ils les laissè

(1) L'arbre qui fournit la gomme élastique est aussi connu sous le nom d'héré.

rent et grimpèrent bien vite à la cime des arbres pendant que nous nous régalions avec leurs joujoux. Après cette petite collation, nous nous remîmes en marche; nous voulions au moins parvenir jusqu'à la sortie du grand bois de cocos pour examiner l'étendue de notre empire. Nous y parvinmes bientôt, et nous reconnûmes alors la grande baie à droite, et à gauche le cap de l'Espérance trompée, qui avait été le point final de notre première excursion.

Là seulement j'aperçus, au milieu de la quantité des palmiers à coco, une espèce de palmier plus bas, que je présumai être le palmier sagou ou le sagoutier; il y en avait un abattu par le vent, et que j'examinai. Je vis qu'il contenait beaucoup de moelle, et en la touchant elle me parut farineuse alors, avec ma hache, j'ouvris le tronc pour voir si elle était de même partout, et, à mon grand plaisir, je la trouvai de la plus excellente qualité. Cette moelle, que je goûtai, avait exactement la saveur du sagou, dont j'avais souvent mangé en

Europe (1). En ouvrant le tronc, je fis une nouvelle trouvaille qui me confirma dans l'idée d'avoir découvert le palmier sagoutier je vis dans la moelle cette espèce de

(1) De tous les palmiers qui croissent dans l'Inde, le sagoutier est un des plus intéressants; il est utile dans toutes ses parties; il découle, des incisions faites à son tronc, une liqueur qui fermente promptement, et qui est saine et agréable. On en ferait plus d'usage, si l'expérience n'avait pas appris que c'est aux dépens de la moelle farineuse, connue en Europe sous le nom de sagou, et qu'il est plus important d'avoir de cette dernière, qui a sur toutes les autres substances farineuses l'avantage inappréciable de se conserver à perpétuité et d'être extrêmement saine. Le tronc et les larges feuilles du sagoutier sont d'une grande ressource pour la construction des maisons le premier fournit les planches et la charpente; les feuilles, la couverture. On fait de plus, avec ces dernières, des cordes, des nattes et une foule d'objets d'utilité domestique. La récolte de la fécule du sagoutier se fait comme celle de la fécule de pommes de terre; on arrache la moelle, on l'écrase, on la met dans un baquet avec de l'eau, on l'agite, puis on la passe dans un tamis de crin, on met l'eau qui reste dans des vases où la fécule se dépose, puis on la sèche au four en espèce de galettes, qui sont pilées ensuite en grains comme le riz, et c'est ainsi qu'elle se transporte en Europe. Ce qui est resté dans le tamis se jelle en las

larves qui s'en nourrit uniquement, et qui passe aux Indes orientales pour la plus grande friandise. La curiosité me tenta d'en faire l'essai sur-le-champ. Je dis à Fritz de chercher des branches sèches et de faire du feu; j'en embrochai une demi-douzaine à une baguette de bois : nous avions pris du sel avec nous pour nos pommes de terre, je les saupoudrai, et je les fis rôtir à la

dans les jardins, et bientôt ces las sont recouverts d'un champignon d'un goût exquis, et d'une larve* qui n'est pas moins estimée comme aliment.

(Dictionnaire d'Histoire naturelle.)

* Les larves, que l'on nomme souvent très-improprement vers, à cause de quelque ressemblance de forme, n'en sont pas du tout, puisque les vers sont une classe d'insectes qui doit toujours rester ce qu'elle est. On a donné le nom de larve, qui veut dire masque, à l'état d'enfance pendant lequel les insectes croissent et prennent leur développement avant de se transformer en nymphes, et vivre ensuite dans un état plus parfait. Cette enfance dure des mois, et quelquefois même des années, et c'est le moment où l'insecte a le plus besoin de nourriture; aussi les larves sont très-voraces. Chaque espèce d'insectes ou larves a sa nourriture qui lui est particulière; celle du sagoutier ou palmier sagou vit uniquement de la moelle farineuse de cet arbre, qui l'engraisse extrêmement et la rend un mets délicat et très-recherché dans l'Inde sur la table des nababs et des rois.

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