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extraordinaire, et qui porte des fruits de la grosseur de la tête d'un enfant, du poids de douze à quatorze livres ; et plusieurs autres espèces, telles que les amandiers et les mûriers. Tous les arbres d'une espèce plus commune de fruits à noyaux furent plantés sur les bords, dans les expositions les plus convenables. Pour fortifier et masquer notre tente, qui renfermait nos provisions, nous fimes autour une plantation très-serrée de citronniers et d'orangers sauvages, qui portent de fortes épines et des branches trèstouffues; et pour la rendre et plus épaisse et plus belle, j'y entremêlai quelques grenadiers que j'avais trouvés dans le paquet de plantes pris sur le vaisseau. Je n'oubliai pas non plus de faire un bosquet de goyaviers, qui viennent facilement de boutures et produisent un petit fruit très-agréable. De temps en temps nous placâmes au milieu de ces différentes plantations quelques gros arbres

originaire de la Médie et de l'Assyrie, s'élève dans ce pays-là jusqu'à soixante pieds.

(Dictionnaire d'histoire naturelle. )

destinés à donner plus d'ombre et à former des cabinets naturels; ils favorisaient aussi la crue des hautes herbes, en empêchant qu'elles ne fussent desséchées par l'ardeur du soleil. Si jamais nous étions obligés, par quelque crainte ou quelque accident, de nous retirer dans celte forteresse, il était essentiel d'y trouver de la nourriture pour notre bétail. Pour plus de précaution, je fis garnir tous les espaces intermédiaires entre nos enclos et le lit du ruisseau, avec des figuiers d'Inde à piquet. Je fus alors rassuré contre la facilité d'une invasion : toutes ces plantes, favorisées par l'influence du climat, devaient acquérir bientôt une telle hauteur et une telle épaisseur, qu'il deviendrait difficile de les traverser. Je me proposais par la suite d'augmenter encore ces moyens de défense. Les courbures du ruisseau avaient occasionné dans l'enclos des avances de terrain que je coupai en angles droits et en talus, et qui pouvaient nous servir de bastions pour y placer les canous du vaisseau et nos autres armes à feu, daus

le cas d'une attaque des sauvages. Il fallait aussi construire notre pont, qui était devenu le seul point ouvert pour pénétrer dans l'enclos, de manière qu'on pût le tourner ou l'enlever facilement pour empêcher le passage du ruisseau. Mais en attendant qu'il nous fût possible de nous occuper de nos vastes projets, nous nous contentâmes, comme nous l'avions fait jusqu'alors, d'ôter les premières planches de chaque côté, lorsque nous voulions rendre le passage moins facile. Je plantai aussi, le long du ruisseau et près de notre abordage ordinaire, quelbeaux cèdres, pour y attacher à l'avenir notre vaisseau. Je m'arrête, car je crains que si mon journal se lit une fois en Europe, le lecteur ne soit aussi fatigué que nous de toutes ces plantations, qui nous coûtèrent bien des peines et bien des sueurs, et nous prirent au moins six semaines; mais cette activité soutenue avait eu l'avantage, outre l'utilité du travail, de nous maintenir en bonne santé, d'augmenter la force physique et morale de mes jeunes gens, et d'entrete

TOME II.

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nir notre gaieté et notre sérénité. Plus nous embellissions notre retraite, plus elle nous était chère, et le travail du jour et le repos de la nuit étaient des jouissances. Les dimanches, fidèlement observés, restauraient à la fois notre âme et notre corps; nos membres fatigués et notre esprit abattu avaient également besoin d'occupations plus relevées : notre sentiment de reconnaissance pour l'Être suprême qui nous avait sauvés et répandait sur nous tant de bienfaits, demandait à s'épancher. Ainsi, nos exercices religieux, suivis de notre gymnastique et de quelques promenades agréables, où j'instruisais mes fils en causant amicalement avec eux, nous rendaient tous et meilleurs et plus heureux. Il était trèsremarquable de voir comment ces jeunes garçons, qui pendant toute la semaine avaient employé leurs forces aux travaux les plus pénibles, en trouvaient encore pour grimper sur les arbres, pour courir au but, pour lancer des flèches ou des bombes, et pour nager; ils étaient la preuve que ce

n'est pas autant l'inaction qui repose, que le changement d'occupation. Mais tous ces travaux pénibles usèrent tellement nos vêtements, qu'un nouveau voyage au vaisseau, où il devait y en avoir encore, fut absolument nécessaire. Nous avions à peu près épuisé notre garde-robe d'habits d'officiers et de matelots; ce n'étaient plus que des lambeaux, et nous voyions arriver avec peine le moment où il faudrait renoncer à nos vêtements européens. Outre cela, mon nouveau char, dont j'avais d'abord été trèsenchanté, avait un défaut insupportable; il criait si affreusement à chaque mouvement des roues, que notre tympan en était écorché; et les roues tournaient si mal autour de l'essieu, que l'âne et la vache réunis pouvaient à peine le trainer. C'était en vain que j'essayais de temps en temps, en dépit des gronderies de ma femme, de mettre quelques petits morceaux de beurre à l'essieu; il était desséché dans peu d'heures, et cette denrée nous était trop précieuse pour la prodiguer ainsi.

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