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en grimpant comme les autres heureux si je puis aussi mériter des éloges de mon << chefet de mes concitoyens! Grimpons donc, << puisqu'il faut grimper. Et nous saluant de la main, il s'élança vers un palmier trèshaut de l'espèce des choux palmistes ou arécas oléracés (1). J'étais curieux de savoir ce

(1) Palmiste est le nom générique et vulgaire des palmiers dont la cime non développée est mangeable. On nomme chou le faisceau de feuilles qui se trouve à son sommet: c'est l'areca oleracea qui fournit le meilleur chou, Cet arbre est très-élevé et abonde dans les forêts des îles de la Réunion. Lorsque ce chou ou bourgeon est encore jeune, il a un goût délicat qui approche de celui de l'artichaut; il est excellent en friture. On en fait une grande consommation à Saint-Domingue; mais comme l'arbre meurt lorsqu'on a coupé le chou, et qu'il ne repousse pas de sa racine, on en détruit beaucoup, et il devient toujours plus rare; ce qui est d'autant plus fâcheux que cet arbre précieux, ainsi que la plupart des palmiers, sert à tous les usages de la vie. On trouve, en coupant le chou, quelques pintes d'une liqueur semblable à un vin de champagne très-agréable, et qui fournit, par la fermentation ou la distillation, un vinaigre très-actif, et de l'alcool, ou eau-de-vie trèsviolente. La semence, ou l'amande, produit une huile douce assez épaisse, ou plutôt une espèce de beurre

qu'il allait faire; mais lorsque je le vis courageusement embrasser l'arbre de ses jambes et de ses bras, et vouloir grimper sans aide, je m'approchai pour lui offrir les bandes de peau de requin et la corde; il accepta les premières, mais ne voulut point de corde

Je suis un peu maladroit, me dit-il, e tirer après moi cette corde est une pein de plus; je crois que je pourrai m'en passer. En effet, il travailla des genoux et des bras si bien et avec tant de force, qu'il avan

végétal qui ne le cède pas au nôtre. L'enveloppe de ces amandes forme des tasses et des vases aussi durs que la porcelaine, et moins cassants. Le bois est excellent pour toutes sortes d'usages, et ne se corrompt jamais. Les feuilles, surtout celles du palmier éventail, peuvent servir de tuiles pour la couverture des maisons on peut en faire des parasols et des chapeaux; on peut s'en servir pour écrire comme sur du papier. La tige ligneuse donne du fil excellent pour coudre, et même pour faire des cordes et des ficelles. Quelques-uns, comme le cocotier, fournissent du lait rafraîchissant et agréable, qui, par l'évaporation, peut produire du sucre d'une assez bonne qualité; enfin les palmiers sont des arbres universels, de vrais trésors que la Providence a donnés aux pays où ils croissent en abondance.

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çait dans son ascension; mais plus il montait et plus j'étais inquiet, parce que sa chute pouvait être plus dangereuse. Je me tenais au pied de l'arbre, les yeux attachés sur lui, et je l'encourageais en répétant: « Bravo! bravo! mon Ernest; si tu es monté le dernier, tu es aussi le plus courageux, puisque tu n'as pas l'aide de la corde, comme tes frères. Ceux-ci, qui voyaient l'éclat de leur gloire prêt à se ternir, avaient plutôt l'air ricaneur et ironique que jaloux et humilié; je ne pouvais comprendre en quoi ils trouvaient à railler Ernest, mais je l'appris aussitôt qu'il eut atteint la cime de l'arbre. Fritz et Jack éclatèrent de rire. Bien de la peine pour rien, sage Ernest, lui crièrentils; dans ton impatience de grimper, tu n'as pas vu que ton palmier n'a point de fruit : tu ne rapporteras pas même une noix pour ta récompense.

Non, pas une noix, leur répondit-il, mais une couronne; et en disant cela il tranche avec sa hache la sommité du palmier un gros paquet de feuilles ten

dres et non développées tomba à nos pieds. • Méchant garçon ! s'écria la mère: de dépit de ne point trouver des noix, il a coupé la tête de ce superbe palmier, et il périra! Est-il permis, Ernest, de te livrer ainsi à ta colère?

Ce n'est point de la colère, maman, cria Ernest au-dessus de la colonne où il était comme une statue, c'est le désir de vous faire connaître un des meilleurs mets de ces contrées, le chou du palmiste; je me condamne à rester ici sur cet arbre si vous ne le trouvez pas meilleur que toutes les noix de coco.

- Un chou! s'écria Fritz; M. Ernest veut nous faire croire à présent que les choix croissent au-dessus des arbres, et que nous sommes dans le pays des miracles!

Nous y serons toujours, mon fils, disje, dans quelques lieux que nous habitions, car la nature entière est une suite de miracles de la bonté de Dieu; et cette contrée étrangère nous en présente à chaque instant de plus frappants pour nous, parce que nous

n'en avons pas l'habitude. Regarde cette cime de palmier à laquelle tous les naturalistes, et non pas seulement ton frère, ont donné le nom de chou: ce n'est pas, il est vrai, une tête ronde comme celle du chou qui croit dans les jardins: mais un long rouleau de feuilles entrelacées, très-jeunes encore, et qui, si Ernest ne les eût coupées, se seraient développées peu à peu en belles et grandes feuilles comme celles qui sont encore sur l'arbre. Il a voulu nous faire connaître un des mets les plus recherchés des habitants de ces pays lointains, et même des Européens qui sont aux Indes; il a de plus le mérite d'avoir su distinguer ce palmier de tous les autres, dont le chou n'est pas mangeable, ou est beaucoup moins estimé, comme les palmiers à coco, celui à dattes ou à sagou, qui ont aussi l'avantage d'être utiles et recherchés. Le palmier est le plus beau présent que la bonne Providence pût faire à l'homme non civilisé, puisqu'il peut seul lui tenir lieu de toutes les jouissances que l'art et la civilisation procurent aux Euro

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