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saint, et si notre ile ne figure pas déjà dans des cartes géographiques? Mais nous pouvons aussi donner des noms à nos établissements, ce qui nous sera très-commode pour nous entendre quand nous en parlerons; cela nous donnera aussi la douce illusion d'habiter une contrée peuplée et

connue. D

Tous poussèrent des cris de joie, et trouvèrent mon idée parfaite.

JACK. Oh! je vous en prie, papa, inventons des noms bien longs, bien difficiles à prononcer; je serai bien aise qu'on se casse un peu la tête dans le monde à retenir les noms de notre île. Combien ne m'a-t-il pas fallu de peine pour apprendre leur Monomotapa, leur Zanguebar, leur Coromandel, et tant d'autres plus difficiles encore? Ah! nous leur écorcherons aussi la bouche et les oreilles.

LE PÈRE. Oui, si l'on apprend jamais quelque chose de notre pays et de nos noms, et si on nous trouve ici: en attendant, c'est notre propre bouche que nous fatiguerions à

prononcer sans cesse des noms barbares et incompréhensibles.

JACK. Comment ferons-nous donc? quels jolis noms pourrions-nous trouver?

LE PÈRE. Nous ferons comme ont fait tous les peuples de la terre; nous marquerons les endroits, dans notre langue maternelle, d'après les circonstances qui nous ont le plus frappés.

JACK. Qui, oui! fort bien ! ce sera encore mieux par où commencerons-nous donc ?

LE PÈRE. Nous commencerons naturelle. ment par la baie où nous sommes d'abord entrés. Comment l'appellerons-nous? Allons, mons Fritz, parlez le premier, vous qui êtes l'aîné.

FRITZ. La Baie aux Huitres; vous savez combien nous y en avons trouvé.

JACK: Oh non! plutôt la Baie à l'Écrevisse: vous savez bien celle qui m'empoigna si fortement la jambe, et que je vous apportai.

ERNEST. Alors tu pourrais la nommer aussi la Baie des Pleurs ; te rappelles-tu les beaux cris que tu poussais?

LA MÈRE. Mon avis, à moi, serait, par reconnaissance envers Dieu qui nous y a si heureusement conduits, de l'appeler la Baie Sauveur, ou la Baie du Salut.

LE PÈRE. Voilà un nom juste, sonore, et qui me plaît beaucoup, chère amie; mais quel est celui que nous choisirons pour désigner la place où nous nous établîmes d'abord?

FRITZ. Tout simplement, Demeure sous

lente.

LE PÈRE. A la bonne heure, Zeltheim (en allemand); ce nom me plaît assez, et me paraît convenable. Et le petit îlot, à l'entrée de la Baie Sauveur, où nous trouvâmes des bois de construction pour notre pont, quel nom lui donnerons-nous?

ERNEST. Nous pouvons le nommer l'Ile des Mouettes, ou l'Ile du Requin: c'est là que nous les avons trouvés.

LE PÈRE. Je suis pour ce dernier nom, l'Ile du Requin. C'était le requin qui était la cause de la présence des mouettes, et cette dénomination éternisera le courage

et la victoire de Fritz, qui a tué ce monstre marin.

JACK. Par la même raison nous appellerons le marais où vous avez coupé les cannes pour nos flèches, le Marais Flamant.

LE PÈRE. Oui, mon fils, et la plaine par où nous avons passé pour venir ici, le Champ Porc-Epic, en mémoire de ton adresse. Maintenant vient la grande question: comment devons-nous appeler notre demeure actuelle? ERNEST. Simplement Château d'arbre (Baumschlos).

FRITZ. Non! non! cela ne vaut rien; c'est comme si on voulait baptiser une ville, et qu'on l'appelât la Ville; inventons quelque chose de plus noble.

JACK. Eh bien, je dis Bourg aux Figues (Feigenbourg).

FRITZ. Ah, ah, ah! Bourg aux Figues! voilà quelque chose de noble! j'aimerais mieux Nid d'aigle (Adlerhorst); cela sonne mieux. Dans le fond, notre demeure sur un arbre est plutôt un nid qu'un bourg, et l'aigle l'ennoblit, puisque c'est le roi des oiseaux.

pas encore

LE PÈRE. Eh bien ! je vais tous vous arranger, nous l'appellerons Falkenhorst (1); car, mes pauvres enfants, vous n' n'êtes des aigles, mais de véritables oiseaux de proie, et, je l'espère, dociles, obéissants, prompts et courageux comme les faucons. Ernest n'aura rien à objecter, car les faucons nichent sur les grands arbres.

«

LES ENFANTS. (En frappant des mains.) Oui, qui! Falkenhorst; c'est un nom chevaleresque. Salut, château de Falkenhorst! > dirent-ils en regardant en haut de l'arbre et en s'inclinant. Je versai à chacun d'eux un petit verre de vin doux pour solenniser notre baptême. « Et comment, leur dis-je, nommerons-nous le promontoire où Fritz et moi nous avons en vain cherché des yeux nos compagnons du vaisseau! Nous pourrious, ce me semble, l'appeler le promontoire de l'Espoir trompé.

LES ENFANTS. Oui, fort bien ! Et le ruisseau avec le pont?

(1) En allemand Falkenhorst signifie aire de faucon.

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