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Oui, sans doute; mais raconte-moi où tu as vu ce gros animal, et comment il t'est venu dans l'idée de t'en emparer?

- J'avais remarqué, lorsque nous demeurions ici, qu'il y avait à cette place des quantités innombrables de poissons; c'est pour cela que j'ai pris ce matin avec moi ce qu'il me fallait pour pêcher. Comme j'allais,, il y a un moment, chercher le sel, j'aperçus sur le rivage beaucoup de crabes, qui sont la nourriture des poissons; j'ai voulu essayer d'en accrocher à l'hameçon, j'ai vite fait notre provision de sel, et je suis venu à cette place, où j'ai pris d'abord une douzaine de petits poissons, qui sont là dans mon mouchoir je remarquai qu'il y en avait de plus gros qui leur donnaient la chasse ; j'eus alors l'idée de mettre à l'hameçon un des petits poissons que j'avais pris; mais l'hameçon était trop petit, et la perche trop faible. Je pris alors une de ces belles cannes que vous aviez cueillies, j'attachai à ma ficelle un hameçon plus gros, et bientôt ce gros gaillard étendu là a saisi l'appât, y est resté attaché, et a

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TOME II.

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payé de sa vie sa voracité. Cependant, si vous n'étiez pas venu à mon secours, j'aurais été forcé de le lâcher, ou il m'aurait entraîné dans l'eau, car il était plus fort que moi. »

Nous examinâmes toute sa pêche : les petits poissons me parurent être de la famille des harengs et des truites, et le grand un véritable saumon. Je me mis de suite à les ouvrir, et à les frotter en dedans avec du sel, pour les apporter frais à Falkenhorst. Pendant cette occupation, mon fils prit son bain; j'eus le temps de garnir quelques sachets de sel avant son retour nous commençâmes alors à atteler nos bêtes et à les charger; nous remîmes les planches sur lepont, et nous reprîmes le chemin de notre demeure.

Environ à moitié chemin, Bill, qui nous précédait, s'éloigna de nous rapidement, et nous avertit, par ses aboiements, qu'elle venait de découvrir quelque gibier. En effet, nous la vîmes bientôt poursuivre un animal qui fuyait devant elle en faisant des sauls

étonnants. La chienne, en le chassant toujours, le fit passer assez près de nous, à portée de fusil; je tirai dessus, mais sa course était si rapide, que je le manquai. Ernest, qui me suivait à quelque distance, averti par mon coup de feu, prépara le sien, saisit, pour tirer, un instant où ce singulier animal cherchait à gagner les grandes herbes pour s'y cacher, il remarqua la place, et le tira si adroitement, qu'il tomba mort à l'instant même. Je courus joindre mon fils, très-curieux de savoir quelle espèce d'animal il venait de tuer, et nous trouvâmes la plus singulière bête qu'il fût possible d'imaginer. Elle était de la grandeur d'une brebis, portait une queue de tigre; son museau et son poil ressemblaient à ceux d'une souris ; ses dents étaient de la forme de celles du lièvre, mais beaucoup plus grandes ; les pattes de devant comme celles de l'écureuil, mais excessivement courtes, et celles de derrière longues comme des échasses et d'une forme trèsextraordinaire. Nous regardâmes longtemps en silence cet animal curieux; je ne pouvais

absolument me souvenir d'avoir jamais rien vu de semblable dans les gravures d'histoire naturelle, ni dans les descriptions des voyageurs. Ernest, après l'avoir bien regardé, interrompit notre silence par un cri de joie :

Est-ce bien moi qui ai tué ce monstre, ditil en frappant des mains : que dira ma mère? que diront mes frères? Comme ils vont être étonnés ! et que je suis heureux d'avoir fait cette belle chasse! Mon père, comment croyez-vous que cette bête se nomme? Je donnerais tout au monde pour le savoir.

LE PÈRE. Et moi aussi, mon cher Ernest, mais je ne le sais pas plus que toi; ce qu'il y a de sûr, c'est que tu es en jour de bonheur; je vais bientôt t'appeler mon petit Hercule. Tu es aussi quelquefois mon petit savant, el nous allons tous les deux examiner attentivement cet animal, pour tâcher de découvrir à quelle classe de quadrupèdes il appartient; cela nous conduira peut-être à connaître son

nom.

ERNEST. C'est tout au plus si c'est un quadrupède, ses petites jambes de devant res

semblent plutôt à de petites mains, comme celles des singes.

Ce sont pourtant des jambes; mais classons-le (dans les bêtes allaitantes: il appartient à cette espèce, nous n'en pouvons douter; examinons ses dents.

Il en a quatre incisives, comme l'écureuil.

Ainsi, nous voyons que c'est une bête rongeuse; cherchons maintenant les noms connus de cette espèce.

-Je ne me rappelle, outre l'écureuil, que les souris, les marmottes, les lièvres, les castors, les porcs-épics et les sauteurs.

Les sauteurs! tu me conduis là tout à fait sur la trace: la bête a complétement la construction d'un lièvre sauteur, seulement il est le double plus grand que ceux dont j'ai lu la description... Attends, il me vient une idée; je parie que nous avons là un individu de la grande espèce des sauteurs, qu'on appelle des kanguroos: cet animal appartient proprement à la classe des bidelphes ou philambes, parce que la femelle, qui ne porte

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