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3°. Mais, à défaut, par les riverains et les seigneurs, d'avoir effectué les plantations qui leur étaient prescrites, il est souvent arrivé que l'Administration les a fait opérer elle-même, et qu'ensuite le Gouvernement en a concédé les arbres à des particuliers, moyennant une certaine finance ou redevance, pour y exercer les mêmes droits et profits que les planteurs.

4. Un autre point, non moins constant, c'est que l'Assemblée constituante n'abrogea point ces lois et réglemens antérieurs à 1789, non plus que les droits acquis aux planteurs et concessionnaires en vertu de ces réglemens; puisque, par son Décret du 26 juillet 1790, elle se contenta d'annoncer qu'il serait incessamment statué, PAR UNE LOI PARTICULIÈRE, sur les arbres des grandes routes; ce qui était virtuellement maintenir les choses dans l'état où elles étaient à cette époque, en attendant la loi nouvelle qui serait rendue.

5°. La deuxième Législature, par son Décret du 28 août 1762, n'abrogea pas non plus les lois anciennes; elle ne fit qu'en suspendre l'exécution jusqu'à un certain point, en ordonnant seulement (article 18), que jusqu'à ce qu'il eût été prononcé par une loi spéciale sur les arbres des routes nationales, les riverains seraient tenus de les soigner et entretenir en indemnité de quoi ils en auraient les fruits, les élagages et les bois morts.

Or, par cette disposition, purement provisoire et transitoire, devait-on tenir pour irrévocablement abolis, les droits acquis aux particuliers qui avaient planté des arbres sous la condition d'en avoir les profits, ainsi que les droits acquis aux personnes

qui avaient acheté les arbres plantés par le gouvernement? - Première question à examiner.

6o. Entre autres dispositions, le Décret impérial, du 16 décembre 1811, ordonnait, d'une part, que tous les arbres plantés anciennement sur le sol des grandes routes, seraient réputés appartenir à l'Etat.

Il prononçait, d'autre part, que tous ceux plantés en dehors de la route, seraient reconnus appartenir aux riverains.

Par la première décision, se trouvaient dépouillés, au profit de l'Etat, les particuliers, soit riverains, soit anciens seigneurs, qui avaient planté les arbres existans en dedans de la rive des routes, sous la promesse qu'ils auraient les profits et la propriété de ces arbres; comme aussi les personnes qui avaient obtenu, à titre onéreux, la concession de certaines lignes d'arbres plantés par l'ancienne administration.

Par la deuxième décision, se trouvaient également lésés et frustrés, les individus qui, sous la même promesse, avaient été autorisés à planter le long des routes royales, et sur les terres limitrophes.

Or, ces diverses dispositions, d'une injustice évidente, subsistent-elles encore?

N'ont-elles pas été abrogées par la loi du 12 mai

1825?

Comment doit s'entendre le premier article de cette loi?

C'est ce que nous examinerons encore dans les chapitres suivans.

CHAPITRE III.

Résultait-il du Décret de 1792, que les Personnes qui avaient anciennement planté des arbres sur les Routes, ou qui avaient acheté ceux plantés par le Gouvernement, fussent désormais déchues de tout droit à la propriété et aux produits de ces arbres ?

1. CETTE question s'est présentée en 1796, dans les circonstances suivantes :

Un Arrêt de l'ancien Conseil d'Etat, du 20 février 1774, avait concédé au sieur Le Duc de La Tournelle, la propriété et les produits de plusieurs lignes d'arbres plantés par l'Administration des ponts et chaussées sur la grande route de Soissons à Villers-Coteréts; et ce, moyennant une finance par lui versée à la caisse de ladite Administration; plus, à la charge de les entretenir, et de remplacer ceux qui viendraient à manquer.

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Pendant l'hiver de l'an III à l'an IV (1795-96), le sieur La Tournelle fit abattre plusieurs de ces arbres, sans avoir obtenu l'agrément de la nouvelle Administration. Procès-verbal fut dressé contre lui; et en germinal de l'an 4, il fut traduit devant le Tribunal correctionnel séant à Soissons, comme coupable d'un délit commis sur une propriété nationale.

Pour défense à cette poursuite, le sieur La Tournelle exhiba l'arrêt de concession, la quittance du prix par lui versé à la caisse des ponts et chaus

sées; et il soutint qu'en abattant les arbres en question, il n'avait fait qu'user d'un droit qui lui tenait.

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Le Ministère public lui opposait l'article 18 de la loi du 28 août 1792, portant que « jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les arbres des routes nationales, nul ne pourra s'approprier lesdits arbres et les abattre, etc. » Le sieur La Tournelle répondait que cette disposition ne pouvait lui être applicable, puisqu'il était concessionnaire, à titre onéreux, de la propriété des arbres en question, par un acte de l'ancien Gouvernement, qu'aucune loi n'avait annulé ni révoqué.

Le Tribunal hésite; et, dans le doute qu'il éprouve, il ordonne, avant faire droit, qu'il en sera référé au Corps- Législatif, par l'intermédiaire du Ministre de la Justice: conformément à une dispo sition de la Loi du 10 vendémiaire an 4, sur les attributions des différens Ministères.

Les pièces de l'affaire sont en conséquence transmises au Ministre de la Justice.

Mais ce ministre, au lieu de soumettre la question au Corps-Législatif, fait de suite adopter par le Directoire Exécutif, un Arrêté portant, que, d'après la loi du 10 vendémiaire an 4, il n'y a lieu de transmettre au Corps-Législatif les référés des tribunaux, que lorsqu'il se présente de véritables doutes à éclaircir; que, dans le cas dont il s'agit, il y a eu, de la part du sieur La Tournelle, une contravention évidente à la loi du 28 août 1792, même à son propre titre; et que cette entreprise doit être réprimée par les Autorités publiques, chargées de veiller à la conservation des propriétés

nationales.

2. Cet Arrété directorial, inséré au Bulletin

des Lois, sous la date du 28 floréal an 4, était ainsi motivé :

« Vu le jugement ci-dessus daté, ensemble l'Arrêt du ci-devant Conseil, et la quittance du trésorier général des ponts et chaussées, etc.;

« Considérant que les arbres plantés sur les chemins ci-devant royaux, ont toujours fait partie du Domaine public, reconnu inalienable dans la main des ci-devant rois, et dont les aliénations faites, même à titre onéreux, postérieurement à l'Ordonnance de 1566, qui a consacré cette inaliénabilité, n'ont pu être regardées, et ne l'ont été, en effet, par l'Assemblée nationale constituante, que comme de simples engagemens, révocables à perpétuité; et que tel est le texte formel de l'article 24 de la Loi du 22 novembre 1790, sur les principes de la nouvelle législation domaniale ; — que, depuis, un Décret du 22 septembre 1791 a prononcé la révocation de toutes les aliénations des domaines nationaux déclarées révocables par la loi précitée; que, dès-lors, la concession des arbres plantés sur la route nationale de Soissons à Paris, a été incontestablement comprise dans ce nombre; et, qu'ainsi, le concessionnaire n'avait plus aucun droit de propriété dans ces arbres; et que tout ce qu'il pourrait prétendre en vertu de sa concession, c'est le remboursement de la finance par lui payée à l'époque d'icelle, en exécution de l'art. 25 de la loi du 2 novembre 2 novembre 1790. »

3. Comment ne pas éprouver quelque surprise, à la vue de ces diverses énonciations! Est-ce donc qu'il s'agissait, ici, de l'aliénation du fonds d'un domaine national? Est-ce que c'est aliéner un do

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