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maine, que de concéder seulement une ligne ou plusieurs lignes d'arbres plantés sur ce domaine, et destinés à être coupés dans un temps plus ou moins éloigné ? - A-t-on jamais songé à contester à nos anciens Rois le pouvoir de vendre la coupe des arbres étant sur telle ou telle portion des domaines de leur couronne?

D'ailleurs, en supposant, ce qui n'est pas, que, dans l'espèce, ont eût concédé le fonds même du sol sur lequel étaient plantés les arbres vendus au sieur de La Tournelle, c'est-à-dire une zone ou lisière d'environ un mètre de large sur le bord de la route; est-ce à un tel cas que pouvait raisonnablement s'appliquer l'art. 24 du Décret du 22 novembre 1790, portant révocation des aliénations de domaines nationaux, postérieures à l'Edit de 1566? Est-ce que les aliénations des petits domaines n'étaient pas généralement maintenues par l'art. 31 de ce même décret du 22 novembre 1790 ?

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4. Mais, passons au motif suivant: on va voir le rédacteur de l'arrêté se contredire lui-même, et reconnaître que, dans la concession faite au sieur La Tournelle, il n'y avait pas l'ombre d'une aliénation du sol de la route.

« Qu'au surplus le titre même de la concession ne lui conférait qu'un simple droit de jouissance et non la faculté d'abattre les arbres qui en étaient l'objet ; que c'est ce qui résulte des termes mêmes de l'Arrêt du conseil, par lequel le concessionnaire est expressément obligé d'entretenir lesdits arbres, et de remplacer ceux qui viendraient à manquer: condition qui exclut nécessairement la faculté d'en disposer et de les abattre; que, dans

cet état, il rentrait dans les dispositions de l'article 18 de la loi du 28 août 1792..... ».

5. Ainsi, de l'aveu même du Directoire, il n'y avait pas eu aliénation de la plus petite portion du sol de la route; il y avait eu seulement concession d'un certain nombre d'arbres, à la charge de les entretenir, plus, à la charge de remplacer ceux qui viendraient à manquer.

Et, de ces expressions, le Directoire conclut que le concessionnaire n'avait pas le droit d'en abattre aucun et d'en disposer!

Mais cette obligation de remplacer les arbres venant à manquer, c'est-à-dire dépérissans et caducs, emportait, bien certainement, le droit de les abattre et arracher; sans cela, comment aurait-on pu les remplacer?

Des termes de l'acte de concession, résultait de plus, bien évidemment, pour le concessionnaire, le droit de disposer des corps d'arbres arrachés: sans cela, pourquoi aurait-il payé une finance? Où serait l'équivalent de cette finance? Où serait la récompense des frais de l'entretien auquel il était obligé?

6. Ajoutons que le Décret du 28 août 1792 ne contenait rien de contraire à l'acte de concession dont le sieur La Tournelle était porteur ; puisque, par l'art. 18 de ce décret, les riverains, même ceux qui n'avaient pas planté, étaient autorisés à s'approprier les fruits, les émondages, les branches mortes des arbres; comme aussi chargés de remplacer ceux morts ou dépérissans.

Charge qui, encore une fois, emportait évidemment le droit d'abattre les troncs morts, et d'en disposer à leur profit.

Et, dans l'espèce, il paraît que les arbres abattus par le sieur La Tournelle étaient, en effet, des ormes couronnés et dépérissans. Il paraît, de plus, que ce particulier joignait la qualité de riverain à celle de concessionnaire de l'ancien Gouvernement.

7. Mais il paraît aussi qu'il s'était permis de faire cet abattage, sans en avoir prévenu l'Administration; sans avoir pris son agrément; et, en cela, il avait eu tort; car le décret précité lui en faisait un devoir.

Sous ce rapport seulement, il était en faute, et passible peut-être d'une amende de police.

Mais alors, et dans cette hypothèse, que devait faire le Directoire, ou son Ministre?

,

Renvoyer tout simplement les pièces de l'affaire aux juges de Soissons, pour qu'ils eussent à juger conformément aux lois, conformément à ce qui leur paraîtrait juste et légal; mais non pas juger lui - même l'affaire; mais non pas trancher luimême la question au fond, et dire que le sieur LaTournelle n'avait aucune sorte de droit aux arbres par lui abattus; car il n'appartenait qu'au Pouvoir judiciaire de statuer sur une telle question..

Il ne devait pas, surtout, ordonner que sa décision serait insérée au Bulletin des Lois; car c'était indirectement commander à tous les tribunaux de la France, de considérer cette décision comme ayant la même autorité qu'une loi; et l'on vient de démontrer que ce n'était qu'une opinion individuelle, aussi erronée en point de doctrine, qu'elle était illégale, inconstitutionnelle, dans la forme.

L'Arrêté du Directoire, du 28 floréal an 4, ne fut donc, en réalité, qu'un acte arbitraire, un fait

de spoliation révolutionnaire, hautement réprouvé depuis, par la Loi du 12 mai 1825.

Et, par conséquent, les héritiers de M. le duc de La Tournelle seraient très-fondés à réclamer la réparation du dommage qui lui fut porté par suite de cet arrêté directorial; à moins qu'on n'ait à leur opposer quelque exception de prescription ou de déchéance; ce que nous ne pouvons croire; leur action en recours n'ayant été ouverte et praticable que depuis la promulgation de la loi précitée.

CHAPITRE IV.

Les anciens Planteurs ou Concessionnaires d'arbres existans sur le terrain des routes, exclus du bénéfice de ces arbres par le Décret impérial de 1811, ont-ils été réintégrés dans la plénitude de leurs droits primitifs, par la Loi du 12 mai 1825?

1. Par un acte du 23 janvier 1764, l'ancien Gouvernement avait concédé au sieur Vanzeler les plantations déjà faites, et celles restant à faire sur la route de Vimarkart à Armentières; à la charge de les entretenir, et de remplacer les arbres venant. à manquer; plus, à la charge de payer au Domaine une redevance annuelle de 100 francs.

Ce concessionnaire acheva les plantations, paya exactement la redevance pendant quinze années; puis, il céda ses droits au sieur Flamen.

En 1790, l'Administration départementale du

Nord, avertie que le sieur Flamen se disposait à abattre une partie de ces arbres qui commençaient à dépérir, lui fit notifier des défenses d'y toucher.

Il réclama près du Ministre de l'Intérieur. Il demande l'autorisation de couper les arbres dépérissans, qu'il soutient lui appartenir; aux offres de les remplacer et de continuer le service de la rede

vance.

L'affaire traîne en longueur. - Survient le Décret du 16 décembre 1811.- Et, alors, Décision du Ministre qui repousse la prétention du réclamant. Recours au Conseil d'Etat.

Et, le 29 mai 1813, Décision ainsi conçue :

« Vu la requête qui nous a été présentée par le sieur Flamen, comme représentant le sieur Vanzeler, pour qu'il nous plaise annuler une décision de notre Ministre de l'Intérieur, notifiée au requérant, le 28 septembre 1812, par lettre du Directeur général des ponts et chaussées; laquelle décision porte que les dispositions formelles de notre Décret du 16 décembre 1811, contenant réglement sur les routes, ne permettaient pas de nous proposer d'accueillir la demande qu'il faisait, tendant à être maintenu dans la propriété des arbres plantés sur les routes de Vimarkart à Armentières, et d'Armentières au bac du Croi, en exécution de l'arrêt du Conseil, du 23 janvier 1764;

« CONSIDÉRANT qu'aux termes de l'art. 86 dudit Décret du 16 décembre 1811, tous les arbres plantés sur le terrain des routes, sont déclarés appartenir à l'Etat, excepté ceux qui auraient été plantés en exécution de la loi du 9 ventóse an 13 ; .

« Nous avons décrété et décrétons ce qui suit : — « Les arbres réclamés par le sieur Flamen, qui

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