Images de page
PDF
ePub

CHAPITRE VI.

Que faut-il entendre par le TERRAIN DE LA ROUTE, les Fossés de LA ROUTE? Quelle est l'Autorité compétente pour statuer sur les contestations qui peuvent s'élever à cet égard?

1. La Loi du 9 ventóse an 13 a dit : « Les plantations seront faites dans l'intérieur de la route et sur le terrain appartenant à l'Etat, avec un contrefossé, etc. » (Art. 2.)

Le Décret de 1811 dit, article 86: « Les arbres plantés en dedans des fossés et sur le terrain de la route, sont reconnus appartenir à l'Etat, etc. >>

pu

L'art. 87: « Tous les arbres plantés, jusqu'à la blication du présent décret, le long desdites routes et sur le terrain des propriétés particulières ou communales, sont reconnus appartenir aux propriétaires du terrain. »

L'article 90 ajoute: « Les plantations seront faites à la distance d'un mètre du bord extérieur des fossés, etc. »

er

La Loi du 12 mai 1825 porte, Art. 1 : K Les arbres actuellement existans sur le sol des routes royales, seront reconnus appartenir aux particuliers qui justifieront, etc. >>

2. Mais, que doit-on entendre par le sol de la route, le terrain de la route, le fossé ou contre-fossé de la route?

Rien de plus facile que de répondre, tout d'abord;

c'est le sol faisant partie de la route; c'est le terrain contenu entre les deux limites collatérales de cette route. C'est le fossé ou contre-fossé pratiqué sur ce terrain, qui le sépare du terrain contigu.

3. Mais il n'est pas toujours très-facile de distinguer le terrain appartenant à la route et en faisant partie, d'avec celui appartenant au propriétaire riverain.

Le plus souvent la limite séparative n'est marquée par aucun indice certain, Très-souvent il n'y a aucun fossé qui les sépare; et, lorsqu'il existe un fossé, soit en deçà, soit au-delà des arbres, il y a souvent dissidence sur le point de savoir à qui appartient ce fossé; s'il a été fait sur le sol primitif de la route, ou en dehors et sur le sol de l'héritage limitrophe.

Très-souvent il est arrivé que le fossé originairement pratiqué sur le sol de la route, et en deçà de la rangée d'arbres plantés sur la terre riveraine, a été ensuite reporté par les agens des ponts et chaussées au-delà de cette ligne d'arbres. Serait-il juste de décider, dans ce cas, que les arbres appartiennent à l'Etat, par la seule raison qu'ils sont en deçà du fossé existant?

4. A cet égard, M. Jacquinot de Pampelune, rapporteur de la Commission chargée de l'examen du projet de la Loi promulguée sous la date du 12 mai 1825, s'exprimait ainsi, séance du 30 juin 1824:

er

« On eût désiré que l'article 1" énonçât positivement ce qu'il faut entendre par le sol des routes, et fixât d'une manière précise les limites de cette propriété de l'Etat.

La Commission a pensé qu'il était impossible

d'établir des règles uniformes sur ce point; que si, dans la plus grande partie des routes, c'est la crête extérieure du fossé qui forme la limite de la propriété publique, cette règle n'est pas absolument invariable; qu'il est certains départemens dans lesquels la limite du grand chemin est une haie vive; en telle sorte que s'il existe un fossé au-delà de cette haie, il peut avoir été creusé sur la propriété et pour l'utilité du riverain; qu'il est d'ailleurs beaucoup de routes qui n'ont pas de fossés; et que, dès lors, il y a nécessité de laisser subsister dans l'article 1 ces expressions : « sur le sol des routes royales »; expressions qui, suivant les localités, continueront d'être appliquées et déterminées par l'Administration, seule juge en matière de grande voierie, etc. »

5. Nous sommes entièrement de l'avis de M. le rapporteur : qu'il était impossible d'établir des règles uniformes et invariables sur les arbres qui devront être tenus pour plantés en dedans du sol des routes, comme aussi sur les fossés qui devront être jugés en faire partie; attendu qu'il peut se présenter à cet égard une grande diversité de cas et des circonstances particulières.

Mais nous ne pouvons admettre que toutes les fois qu'il y aura sur ce point dissidence entre l'Administration et les riverains, ce soit l'Autorité administrative qui doive seule être appelée à juger ce différend. Ce serait la rendre juge d'une question de propriété, et dans sa propre cause! ce qui répugne à toutes les idées de compétence légale, à nos maximes les plus sacrées en matière de jurisdiction.

6. « L'Administration est seule juge en matière

de grande voierie » ; --- Oui, quand il n'est en effet question que d'une opération administrative de grande voierie; comme d'ordonner l'ouverture ou le redressement d'une route dans tel ou tel sens; l'alignement de telle construction ou plantation le long de cette route; alors encore qu'il s'agit de fixer la dimension ou largeur de telle route nouvelle; alors encore qu'il s'agit de savoir si tel ouvrage de route a été bien ou mal confectionné.

Mais, à l'occasion de telle rangée d'arbres existans le long d'une grande route, dont un riverain et l'Administration se disputent la propriété, l'Administration allègue, à l'appui de sa prétention, que ces arbres sont plantés sur le sol même de la route. Le riverain affirme au contraire qu'ils sont en dehors du sol de la route et sur son propre terrain. Il n'y a point de fossé qui marque d'une manière certaine la largeur de la route; ou, s'il en existe un, il est lui-même un objet de litige entre l'Administration et le particulier : — Or, bien certainement, dans ce cas, il ne peut appartenir à l'Administration de statuer sur ce litige; parce que, encore une fois, il s'agit là d'une question de propriété, entre l'Administration et le particulier; et il répugnerait à nos principes constitutionnels, ainsi qu'à toutes les convenances morales, que l'Autorité administrative, partie intéressée, partie litigante, s'attribuât le pouvoir de prononcer, comme juge, sur un tel débat.

7. L'opinion que nous osons émettre ici, en opposition à celle d'un magistrat aussi éclairé et aussi généralement estimé, nous semble consacrée par le texte même d'une disposition précise de la Loi du 12 mai 1825, portant:

« Les contestations qui pourront s'élever entre l'Administration et les particuliers, relativement à la propriété des arbres plantés sur le sol des routes, seront portées devant les Tribunaux ordinaires. Les droits de l'Etat y seront défendus, à la diligence de l'Administration des Domaines. »

A la vérité, l'article suppose ici qu'il s'agit d'un différend où il n'est pas contesté que les arbres litigieux existent sur le sol de la route, et qu'il n'y a contestation que quant à la propriété de ces arbres, réclamés par un particulier soutenant que c'est lui qui les a plantés en exécution des anciens réglemens.

Mais si, alors même qu'il ne s'agit que de la propriété des arbres seulement, et non de celle du fonds sur lequel ils sont plantés, le législateur a voulu que les tribunaux ordinaires pussent seuls résoudre la question; à combien plus forte raison n'est-il pas évident qu'il a voulu, que les seuls tribunaux fussent appelés à prononcer, quand il s'agira tout à la fois de la propriété des arbres et de la propriété du

fonds?

Toutes les lois concernant le Domaine de l'Etat n'ont-elles pas généralement statué : qu'aux seuls Tribunaux ordinaires, il appartient de juger les contestations entre la Régie des Domaines et les particuliers, où il s'agit de savoir si tel ou tel fonds fait, ou non, partie du Domaine public? - Voir notamment l'article 27 de la loi du 14 ventóse an 7, et l'article 69 du code de procédure, no 1.)

8. Pour être fondé à soutenir que la connaissance d'une telle question appartient à l'Administration, il faudrait pouvoir citer une loi spéciale, qui, dérogeant au Droit commun, à l'ordre constitutionnel des jurisdictions, eût formellement en

« PrécédentContinuer »