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levé aux Tribunaux ordinaires celte connaissance, pour l'attribuer à l'Autorité administrative. Or, on ne trouvera nulle part cette loi exceptionnelle.

9. Alléguerait-on l'article 4 de la Loi du 28 pluvióse an VIII, portant: « Les conseils de préfecture prononceront sur........ les difficultés qui pourront s'élever en matière de grande voierie? »

Mais cette disposition, qui n'est que la reproduction d'une loi de 1790 sur la grande voierie, doit certainement s'entendre dans le même sens. Or, voici ce que portait cette loi du 11 septembre 1790 :

« L'administration, en matière de grande voierie, appartiendra aux corps administratifs; et la police de conservation, tant pour les grandes routes, que pour les chemins vicinanx, aux juges de district. »

A quoi une autre loi (du 14 octobre suivant) ajouta :

« L'Administration, en matière de grande voierie, comprend, dans toute l'étendue du royaume, l'alignement des rues des villes, bourgs et villages, servant de grandes routes. »

Evidemment, ni l'une ni l'autre de ces lois ne confère à l'Autorité administrative le pouvoir de juger les questions de propriété qui peuvent s'élever entre l'Administration et les riverains des grandes routes.

10. Citerait-on celle du 29 floréal an X, intitulée Loi concernant les contraventions en matière de grande voierie, laquelle ordonne que toutes anticipations et détériorations commises sur les gran

des routes, seront poursuivies et réprimées PAR

VOIE ADMINISTRATIVE. »

Cette citation vient ajouter un argument de plus à l'appui de notre opinion.

Pour enlever la connaissance de cette classe de délits aux tribunaux ordinaires de police, il a fallu porter une loi expresse, une loi exceptionnelle.

Or, la loi exceptionnelle de floréal an X, uniquement relative à certains délits spécialement déterminés, ne comprend aucunement les questions de propriété des arbres des grandes routes, non plus que les questions de propriété qui peuvent s'élever concernant la lisière ou bordure de ces routes.

Encore une fois, toutes questions de propriété, même entre l'Etat et les particuliers, même quand il s'agit de savoir si telle lisière de terre fait partie du sol d'une grande route, sont essentiellement du ressort des tribunaux ordinaires; sauf les mesures provisoires qu'il peut y avoir lieu de prendre, par les préfets, dans l'intérêt public, pour la sûreté et viabilité de la route.

C'est ce que le Conseil d'Etat lui-même a proclamé nombre de fois, notamment le 26 mai 1824, dans l'affaire du sieur Guesnon,

« Considérant que, soit devant le conseil de préfecture, soit devant Nous, le sieur Guesnon a élevé la question de propriété du terrain en litige; que, par conséquent, la contestation est de la competence des tribunaux ordinaires, etc. . . . . »

11. Il est inutile d'ajouter que lorsque la contestation existe entre deux particuliers, relativement à la propriété de certains arbres plantés sur ou le long de certaines routes, la compétence des

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tribunaux est également indubitable et hors de

toute controverse.

CHAPITRE VII.

En quoi consiste le Droit de propriété des Particuliers, sur les Arbres plantes SUR OU LE LONG des Grandes-Routes?

1. Des différentes lois et des divers réglemens rapportés jusqu'ici, il résulte manifestement que la propriété attribuée en certains cas aux particuliers sur cette classe d'arbres, n'est pas une propriété entière, parfaite, absolue, comme l'est celle des arbres d'un bois, d'un verger, d'un jardin privé.

Ce n'est évidemment qu'une propriété imparfaite, restreinte, modifiée, sujette à des conditions et servitudes plus ou moins gênantes et onéreuses.

2. L'Ordonnance de 1579, après avoir enjoint aux riverains des grands chemins, de les planter d'ormes et autres arbres, se contentait de dire en général que ces arbres leur appartiendraient.

L'Edit de 1583 ajouta : « et où aucuns desdits arbres périraient, seront tenus en replanter d'autres les fruits desquels arbres appartiendront respectivement auxdits propriétaires.

:

Le Réglement de 1720 dit en termes plus précis: << Et, en ce cas, les arbres par eux plantés, et les fruits d'iceux, leur appartiendront, »

Ce qui semblait emporter une propriété absolue, une entière liberté, pour le propriétaire, d'élaguer, d'abattre et de disposer, à la charge de remplacer.

3. Ce sont les lois intervenues depuis la Révolution, qui ont apporté de grandes restrictions à cette propriété.

En effet, d'abord, la Loi du 28 août 1792, comme on l'a vu ci-devant, commença par suspendre l'effet des lois anciennes, en interdisant provisoirement à tous individus quelconques, même à ceux qui jusqu'alors avaient été reconnus propriétaires des arbres existans sur les grandes routes, la faculté de les abattre et de se les approprier. Les fruits seulement de ces arbres, et les bois morts, sont provisoirement attribués aux riverains, à la charge d'entretenir; mais il leur est défendu de faire aucun élagage, sans une autorisation des Corps administratifs; et il leur est enjoint, en cas de mort de quelques-uns, de les remplacer.

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Survient ensuite la Loi du 9 ventóse an XIII (28 février 1805), qui prescrit, qu'à l'avenir, les plantations seront faites sur le sol méme des routes, par les riverains, et que ces riverains auront la propriété des arbres; mais elle ajoute aussitôt, qu'ils ne pourront les couper, abattre ni arracher, qu'après une autorisation expresse de l'Administration, et à la charge de remplacement.

Puis, vient le grand Décret impérial de décembre 1811, qui ordonne de rechef, que les routes seront plantées par les propriétaires riverains, mais en dehors de la route; et que ces riverains demeureront propriétaires des arbres (88, 89, 90); tant de ceux plantés par eux-mêmes, que de ceux plan

tés pour leur compte et à leurs frais par l'Administration.

Mais, après cette déclaration formelle de propriété en faveur des riverains, le Décret ajoute les restrictions et charges suivantes :

1°. Que tous arbres quelconques des grandes routes, même ceux plantés antérieurement au décret, soit sur le terrain de la route, soit sur les terres riveraines, ne pourront étre coupés ni arrachés par ceux en ayant la propriété, qu'après une autorisation, et toujours à charge de remplacement immédiat. (99.)

2°. Que même le simple élagage de ces arbres ne pourra avoir lieu, qu'en vertu d'un arrêté du préfet, rendu sur rapport des ingénieurs (102), aux époques et suivant les indications contenues dans l'arrêté, et sous la surveillance des agens des ponts et chaussées (105).

A quoi la Loi du 12 mai 1825 a encore ajouté, que «ces arbres (ceux reconnus appartenir à des particuliers) ne pourront étre abattus, que lorsqu'ils donneront des signes de dépérissement, et après une permission de l'Administration ; — Qu'une permission de l'administration sera également nécessaire pour en opérer l'élagage.

4. D'après ces différens textes, qu'il était bon de rapprocher, il est manifeste que la propriété reconnue et proclamée en faveur de certains particuliers, quant aux arbres des grandes routes, n'est rien moins qu'une propriété pleine et absolue, qui leur donne le droit d'en disposer à leur gré, de les couper et élaguer quand bon leur semble, comme l'on fait ordinairement des arbres dont on est réellement propriétaire.

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