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Hollande envoyé vers un Roi du Nord, Prince habile, mais violent, eut une audience fecrete de ce Monarque, dans laquelle il avoit à juftifier quelques démarches de la République, qui ne pouvoient que déplaire au Roi. Le difcours s'anima extrêmement; & dans la chaleur des conteftations, le Miniftre répéta plufieurs fois le nom de fes Maîtres. Ah! s'écria le Monarque en colere, vos Maîtres font des.... Sire, répondit le Négociateur flegmatique, votre Majesté voudroitelle que je leur fiffe part de cette déclaration dans mon rapport?... Oui, repliqua le Monarque, vous n'avez qu'à la leur marquer de ma part. Le Miniftre fe garda bien d'obéir; & quelques jours après, voyant le Prince dans une affiette d'efprit plus calme, il lui fit valoir fa prudente difcrétion, & en obtint tout ce qu'il voulut.

Un Prince d'Italie, à qui les faillies ne réutfiffoient jamais, parce qu'il y mettoit plus d'aigreur que d'efprit, étant un jour fur un balcon avec un Miniftre étranger, qu'il cherchoit à humilier, lui dit : « C'eft de ce balcon qu'un de » mes aïeux fit fauter un Ambaffadeur. Appa,, remment, répondit féchement le Miniftre, que les Ambaffadeurs ne portoient point d'épée

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dans ce temps-là.,, Repartie un peu vive, mais que le Prince s'étoit attirée; parce qu'en voulant inortifier un feul homme, il avoit offenfé les repréfentants de toutes les Puiffanees.

Ce même Prince, qui prenoit les titres de Roi de deux fouverainetés où il n'avoit pas un pouce de terre, voulant humilier une feconde fois le même Miniftre, lui demanda en public, où étoit fitué le Marquifat dont il prenoit le titre? Entre vos deux Royaumes, Monfeigneur, repliqua froi. dement l'Ambassadeur.

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Un Roi du Nord, dont la vivacité faifoit le principal caractere, demanda un jour à un Ambaffadeur d'Angleterre, s'il harangueroit le peuple, en cas qu'on le pendît, ou qu'on lui trau,

chât la tête? Le Miniftre, fans fe déconcerter, répondit qu'il avoit toujours fon difcours prêt, &fts gants blancs dans fa poche. Je voudrois bien vous entendre, repartit le Monarque. L'Ambaffadeur s'étant mis alors dans l'attitude d'ufage, parla ainfi. « Vous me voyez, Meffieurs, au moment de perdre le jour : je ne regrette point la vie; mais je vois avec peine que ceux qu'on ne devroit connoître que par des actes d'humanité & de bienfaifance, viennent jouir avec avidité d'un spectacle cruel qu'ils ont mendié. Ces fcenes tragiques font faites pour la bar bare populace; mais les cœurs vertueux & fenfibles devroient rougir d'entendre de fang froid... En voilà affez, Monfieur l'Ambafsadeur, dit le Roi, qui reconnut alors que le but de la harangue étoit de lui reprocher une curiofité qui le dégradoit.

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Un Négociateur de beaucoup d'efprit, avoit le malheureux penchant de la Satyre, & ne pouvoit s'empêcher de lancer mille traits contre le Monarque auprès de qui il étoit accrédité, & contre toute fa Cour. Ce Prince le fut, & n'en parut nullement piqué. Mais ayant demandé & obtenu fon rappel, il lui donna, au-lieu du pré fent ordinaire, une tenture de tapifferie où ce Miniftre étoit repréfenté en Silene, environné de Satyres. La reffemblance frappante des traits du vifage rendoit cette vengeance fort plaifante. Inftitutions Politiques, par le Baron de Bielfeld.

Des Ambaffadeurs de Tarragone vinrent dire Augufte, qu'une palme venoit de croître fur l'autel qu'ils avoient érigé en fon honneur: C'est une preuve, leur répondit ce Prince, de votre affiduité à y faire des facrifices.

L'Empereur Henri IV. avoit auprès de lui le Comte de Scarbiecki, que la République de Pologne avoit envoyé pour conclure un traité de paix. L'Empereur affectoit de faire remarquer à cet Ambaffadeur les grandes richeffes de l'Empire

& le tréfor qu'il avoit amaffé. Voilà de quoi Jui dit-il un jour, dompter les Polonois. L'Ambaffadeur, peu touché de la fierté de cette menace, tira auffi-tôt une bague de prix qu'il avoit au doigt, & la jetta fur le tréfor, en difant: Adjiciamus aurum auro. Action qui faifoit voir qu'il acceptoit le défi, & qu'il inéprifoit affez les richeffes de l'Empereur, pour ne pas craindre de les augmenter. Cette action, qui pouvoit caufer une rupture, accéléra au contraire la conclufion de la paix entre l'Empereur & les Polonois. Fulftin, Hift. Polon. lib. 4.

Jean Bafilide, Czar de Mofcovie, Prince dur & cruel, fit, au rapport de quelques Hiftoriens, enfoncer un clou fur la tête d'un Ambassadeur d'un Prince d'Italie, qui s'étoit couvert devant Jui. Cependant, lorfque Jérôme Bofe, Ambassadeur d'Elizabeth, Reine d'Angleterre, parut devant ce Prince, il mit fiérement fon chapeau, & fe retira de même. Le Czar lui demanda, s'il ignoroit le traitement qu'avoit reçu un autre Ambaffadeur pour une femblable témérité? Je le fais lui répondit l'Anglois; mais je fuis l'Ambaffadeur d'une Reine qui a toujours la tête couverte, & ne fouffre pas impunément que l'on faffe affront à quelqu'un de fes Miniftres. Le Czar, affez généreux pour admirer cette hardieffe, s'écria, en fe tournant vis-a-vis de fes Courtifans : Voilà un brave homme, d'ofer agir & parler de cette forte, pour l'honneur & pour les inté rêts de fa Souveraine! qui de vous autres feroit la même chofe pour moi?

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Un Ambaffadeur de Charles-Quint, auprès de Soliman, Empereur des Turcs, venoit d'être appellé à l'audience de cet Empereur. Comme il vit, en entrant dans la Salle d'audience, qu'il n'y avoit point de fiege pour lui, & que ce n'étoit point par oubli, mais par orgueil, qu'on le laissoit tenir debout, il ôta fon manteau & s'affit deffus avec autant de liberté que fi c'eût été un ufage éta

bli depuis long-temps; il expofa l'objet de fa commiffion, avec une affurance & une présence d'ef prit que Soliman lui-même ne put s'empêcher d'admirer. Lorfque l'audience fut finie, l'Ambaffadeur fortit fans prendre fon manteau. On crut d'abord que c'étoit par oubli, & on l'avertit il répondit avec autant de gravité que de douceur: Les Ambaffadeurs du Roi, mon Maî» tre, ne font point dans l'ufage de porter leur fiege avec eux.,, Voilà comment un Ambaffadeur adroit, ajoute Amelot, dans fes Réflexions fur Tacite, peut gagner en un moment un point d'importance, dont on ne viendroit peut-être jamais à bout par une longue négociation.

M. de Ferio!, Ambaffadeur de France en Turquie, foutenoit avec beaucoup de hardieffe & de courage l'honneur de fa Nation. Au commencement de fon Ambaffade, il fe préfenta à la premiere audience du Sultan avec l'épée au côté. Mauro Cordato, qui affiftoit à cette cérémonie, comme premier Interprete de la Cour, lui con feilla d'ôter fon épée, parce que c'étoit une ancienne coutume de la Cour Ottomane de ne laif. fer paroître perfonne avec des armes devant le Sultan. Feriol répondit qu'il avoit reçu fon épée de fon Maître, & qu'il ne fe la laifferoi: ôter par perfonne. Le Sultan, informé de ce différent, lui envoya ordre d'ôter fon épée; fans quoi, il feroit mis hors du palais. Sur ce refus, le Capugi Bachi le repouffa effectivement lorsqu'il fe préfenta pour entrer. Dans le reffentiment qu'il en eut, il fit ôter à fes Interpretes les cafetans dont ils s'étoient revêtus dans la premiere Cour; & les ayant foulés aux pieds, il fortit du palais. Sur le champ, dans la crainte qu'on ne traitât auffi les préfents qu'il avoit apportés, il fit affurer qu'ils ne venoient point du Roi, fon Maître, mais qu'il les avoit achetés à fes propres fraix, & il réuffit de cette maniere à fe les faire rendre, C'étoit Château-neuf, son Prédécesseur, qui

l'avoit engagé dans cette entreprife. Ayant caché, fous fes habits, une courte épée dans fa premiere audience, il avoit écrit dans les mémoires de fon Ambaffade, qu'il s'étoit préfenté au Sultàn l'épée au côté. Feriol ayant lu cet article, demanda à Château-neuf avant fon départ, fi le fait étoit vrai; & celui-ci, qui n'étoit pas trop bien avec lui, l'en affura fans autre explication. Pour Contre, tome XII.

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Un Ambaffadeur Efpagnol vantoit à Henri IV. la puiffance de fon Maître. Le Roi, pour rabattre le fafte Efpagnol, dit avec beaucoup de vivacité, que s'il lui prenoit envie de monter à cheval, il iroit déjeûner à Milan, entendre la Meffe à Rome, & dîner à Naples. "Sire, ré"pondit l'Ambaffadeur, fi votre Majefté va fi vîte, elle pourroit auffi, dans le même jour entendre les Vêpres en Sicile. Le même Prince difputant avec un autre Ambaffadeur d'Efpagne, lui dit en colere : Si le Roi votre Maître continue fes attentats, je » prendrai les armes & on ne verra bientôt à Madrid., Pourquoi non? répondit froidement l'Efpagnol, François I. y fut bien. « C'eft » pour cela, repliqua le Roi, que j'y veux aller » venger fon injure, celles de la France & les iniennes."

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En 1586, Philippe II. avoit envoyé le jeune. Connérable de Caftille à Rome › pour féliciter Sixte V. fur fon exaltation. Ce Pape, mécontent de ce qu'on lui avoit député un Ambaffadeur fi jeune, ne put s'empêcher de lui dire: Eh! quoi? votre Maître manque-t-il d'homines, pour m'envoyer un Ambaffadeur fans barbe?« Si mon Souverain eût penfé, lui repliqua le fier Ef "pagnol, que le mérite confiftât dans la barbe, il vous auroit envoyé un bouc, & non un Gentilhomme comme moi.,, Hift. d'Ep. Un Ambaffadeur de France demandoit à un Electeur d'Allemagne, s'il pouvoit lui montrer

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