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COUR, COURTISAN S..

ON

Na fouvent comparé la Cour à une mer orageufe & fertile en naufrages. Louis XIV. difoit à un Seigneur de fa Cour, en lui montrant les nouveaux bâtiments de Verfailles : " Vous fouvient-il qu'il y avoit là un moulin? "Oui, Sire; le moulin n'y eft plus, mais le vent y eft encore. 19.

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On confeilloit à Madame de Longueville d'al ler à la Cour, pour lui donner bon exemple. "Je ne faurois, dit-elle, lui donner un meilleur exemple, que de la quitter.,,.

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Le Cardinal de Richelieu s'amufoit volontiers à de petits jeux d'exercice, pour fe délaffer des pénibles travaux de fon cabinet. Antoine de Graminont, mort en 1678, le furprit un jour qui, tout feul, en vefte, s'exerçoit dans fon cabinet à fauter contre un mur. Un Courtisan moins délié que lui, eût été fans doute fort em barraffé de fe trouver avec un Miniftre du carac tere de M. de Richelieu, témoin d'une occupa, tion fi contraire au férieux de fa dignité mais il s'en tira en homme d'efprit. "Je parie, dit-il , au Cardinal, que je faute auffi bien que votre Eminence. Auffi-tôt, quittant fon habit, il fe mit à fauter avec le Miniftre. Ce trait. d'adreffe fit la fortune, & ne contribua pas peu à fon avancement.

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Un jour Louis XIV. jouant au trictrac, il y eut un coup douteux. On difputoit; les Courtifans demeuroient dans le filence. Le Comte de Grammont entra: Jugez-nous, lui dit le Roiss Sire, c'est vous qui avez perdu, dit le Comte. Eb, comment pouvez vous décider contre moi, avant de favoir ce dont il s'agit? →→→→→ Eh, Sire!

ne voyez-vous point que pour peu que la chofe eût été feulement douteufe, tous ces Meffieurs vous auroient donné gain de caufe.

Le même Prince s'amufoit depuis quelques jours à faire des vers. MM. de Saint-Aignon & Dangeau lui montroient comment il falloit s'y prendre. Ce Prince venoit de compofer un petit Madrigal, que lui-même ne trouva pas trop joli Un matin, il dit au Maréchal de Grammont: M. le Maréchal, lifez, je vous prie, ce petit Madrigal, & voyez fi vous en avez jamais vu un fi impertinent: parce qu'on fait que depuis peu j'aime les vers, on m'en apporte de toutes les façons. Le Maréchal, après avoir lu, dit au Roi: Sire, votre Majefté juge divinement bien de toutes chofes : il eft vrai que voilà le plus fot & le plus ridicule Madrigal que j'aie jamais lu. Le Roi se mit à rire, & lui dit : N'eft-il pas vrai que celui qui l'a fait eft bien fat? Sire, il n'y a pas moyen de lui donner un auOh bien, dit le Roi, je fuis ravi que vous m'en ayez parlé fi bonnement; c'est moi qui l'ai fait. Ah, Sire! quelle trahifon! que votre Majefté me le rende, je l'ai lu brufquement. Non, Monfieur le Maréchal, les premiers fentiments font toujours les plus naturels. Le Roi, ajoute Madame de Sévigné, a fort ri de cette folie; & tout le monde trouve que voilà la plus cruelle petite chofe que l'on puiffe faire à un vieux Courtifan Lettres de Sévigné

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Il étoit un temps que tout le monde difoit gros pour-grand: une groffe chofe, une groffes maifon, une groffe réputation. Louis XIV. étant un jour chez Madaine de Montefpan, où fe trouvoit Boileau, lui témoigna qu'il n'aimoit pas cette expreffion rouvelle. Il eft furprenant, lui dit Boileau, qu'on veuille par-tout mettre gros pour grand. Par exemple, ajouta-t-il en fin Courtifan, il y a bien de la différence entrel Louis le Grand & Louis le Gross

En 1702, M. de Melac, qui étoit très-âgé, défendit près de quatre mois Landau, affiégé par les Impériaux. Le Comte de Grammont pour le moins auffi vieux, dit familiérement au Roi à-peu-près du même âge: Sire, il n'y a que nous autres cadets qui valions quelque chofe. Cela eft vrai, répondit le Roi, mais à notre âge, on n'a point long-temps à jouir de la gloire. Sire, reprit le Comte de Grammont, on ne compte pas l'âge des Rois, & lorfqu'ils font comme yous, on ne fuppute leurs années que pour rappeller leurs belles actions.

On préfentoit à ce Prince un Officier pour remplir une place. Cet homme, dit le Roi, eft trop âgé. Sire, repartit l'Officier en habile Courtifan, je n'ai que quatre ans plus que votre Majefté, & j'ai encore vingt-cinq ans à la fervir. Le Roi lui accorda ce qu'il deinandoit.

Ce Prince étant à Fontainebleau, fe plaignoit un jour au Marquis de Cavoix, Maréchal des logis de fa maifon, de ce que les Seigneurs de la Cour étoient très-mal logés. M. de Cavoix s'excufoit fur ce que le château n'étoit pas affez grand pour contenir une Cour auffi nombreuse; mais, dit le Roi, Fontainebleau n'eft pas bâti d'aujourd'hui on y tenoit Cour du temps de François I.; fous le Roi Henri mon grand-pere il y avoit affez de place, de mêine que fous le feu Roi mon pere. Ah! Sire, dit alors le Marquis de Cavoix, votre Majefté me parle là de plaifants Rois. Cette réponse fut bien interprétée à caufe de fa naïveté; mais un homine fage n'auroit pas voulu la hazarder.

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Un Prince Italien avoit fait faire une belle ftatue à Rome, par, le meilleur Sculpteur. Auffitôt qu'elle fut achevée, il alla la voir, & l'ayant confidérée depuis les pieds jufqu'à la tête, il trouva, ou crut trouver quelque chofe à redire. Le Sculpteur n'en demeuroit pas d'accord. Cependant, en habile Courtisan, il s'empreffa d'y

remédier

remédier. Il prit fon maillet & fon cifeau avec un peu de poudre de marbre, & feignit de retoucher l'endroit trouvé détectueux par le Prince, en laiffant tomber adroitement de cette poudre de marbre qu'il avoit dans la main. Alors le Prince ne lui trouvant plus de défaut, lui dit tout tranf porté de joie Vraiment vous lui avez donné la vie.

Le Calife Almanfor avoit confulté deux Af trologues fur fon horofcope. Le premier lui prédit que les prétendants au Califat mourroient avant lui; le fecond, qu'il vivroit beaucoup plus long-temps que ceux qui pouvoient prétendre au Califat. Ce dernier Aftrologue annonçoit la même chofe que le premier. Sa prédiction néanmoins fut la feule bien reçue & bien récompenfée, parce qu'il avoit habilement évité le terme de mourir, qui laiffe toujours une idée fâcheufe dans l'efprit. Ceci rappelle ce mot de la Reine Parifatis, qui vouloit qu'on n'eût que des paroles de foie pour les Grands.

Un Roi de Perfe délibéroit avec fes Courtifans fur une affaire importante. Tous étoient d'un avis opposé à celui du Prince, excepté un Confeiller qui approuva le fentiment du Roi. Quelqu'un lui demanda pourquoi il avoit embraffé une opinion différente de celle de tous les Miniftres. Les événements, répondit-il, étant incertains, foit que les projets du Roi réuffiffent, foit qu'ils échouent, je fuis à l'abri de fa difgrace: j'ai pensé comme lui. Combattre l'opinion d'un Roi, c'eft tremper les mains dans fon propre fang. Si le Roi dit au milieu du jour qu'il eft nuit, dites que la lune eft brillante; voyez-vous les Pléiades? Extrait de Sadi.

Un Prince, continue Sadi, avoit trois fils : le dernier étoit fort petit & fort laid; fes freres l'aimoient, mais fon pere le méprifoit : il entreprit de s'en faire eftimer. Il furvint une guerre; on donna une bataille, dans laquelle l'armée du Roi Tome I. R

prit la fuite; mais le jeune Prince la rallia, la força d'attaquer de nouveau l'ennemi, & remporta une victoire complete. Depuis ces fervices le Roi le préféroit à fes autres fils. Il revint à la Cour où il fut careffé & loué des Courtifans. Cependant fes freres gardoient le filence; & quelques jours après fon arrivée, le jeune Prince mourut empoifonné. Le tigre fe cache fous le feuillage paifible. Craignez à la Cour le filence de l'envie.

COURAGE.

LE Courage eft cette ardeur impatiente du tem

pérament qui fait méprifer le danger & fes fuites. Cette vertu mâle, moins éclairée, mais plus impétueufe que la Bravoure, affronte auffi plus volontiers le péril. Voyez Bravoure, Valeur, Honneur, François.

Toute la race du Roi Gélon, Tyran de Syracufe, fut, au rapport de Valere Maxime, détruite dans une fédition. Une feule fille, noinmée Harmonie, échappa aux féditieux. Pendant qu'ils la cherchoient pour l'immoler à leur fûreté, fa nourrice, qui avoit une fille à-peu-près du même âge, la revêtit des habits royaux, & l'expofa à la fureur du peuple. Cette jeune fille n'avoit qu'à parler, & elle étoit fauvée; mais elle fouffiit conftamment la mort. Tant de fidélité n'est comparable qu'au Courage magnanime de la Princeffe, qui, frappée de cette action héroïque, rappella elle-même les neurtriers, fe fit connoître à eux, & fembla partager avec joie le fort de celle qui lui avoit montré un fi grand attachement.

Cécina Porus ayant été fait prifonnier par les troupes de l'Empereur Claude, après la déroute de Scribonianus, dont il avoit embratfé le parti,

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