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paffe depuis long-temps pour un chefd'œuvre, n'eft,aux yeux de cet Artiste, qu'une production foible & médiocre. Un Amateur, qui a beaucoup de connoiffances, d'efprit & de goût, nonfeulement dans la fphère des Arts, mais dans celle de la Littérature, en avoit porté le même jugement, à peuprès, en 1769, c'est-à-dire, deux ans avant que M. Falconet eût publié fes Remarques. Ainfi voilà deux hommes très-éclairés qui, fans se connoître & fans avoir pû fe communiquer leurs idées, penfent uniformément fur le même objet: il y a cette différence entr'eux, que le Sculpteur n'a prononcé que d'après toutes les parties du fameux cheval moulées à Rome qu'on lui avoit envoyées en Ruffie; au lieu que l'Amateur a vû, revû, examiné lui-même fur les lieux, le courfier fi admiré des Anciens, fi vanté par les Modernes, & qu'il en a détaillé les défauts dans une Note qu'il a bien voulu me communiquer, & que je vais mettre fous vos yeux. Elle vous fera, Monfieur, le plus grard plaifir, & vous la trouverez

rien de cette nobleffe, de cette lé-gèreté & de cette grace que nos Sculp teurs François ont fi bien rendues d'après les fçavantes études qu'ils avoient faites des chevaux Efpagnols, Barbes, Napolitains, Limoufins, &c.

Il

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y a pourtant lieu de croire que les Grecs & les Romains connoiffoient le prix & la beauté des chevaux Barbes, Napolitains & Efpagnols. J'ai fait encore la remarque que le cheval eft beaucoup trop ouvert & a les jambes de devant & de derrière beaucoup trop écartées: on me répondit,/ quand j'en fis l'observation, que ce défaut pouvoit être occafionné par les efforts que cette maffe pefante avoit foufferts, foit lorfqu'on l'avoit tirée de terre, foit en l'élevant pour la placer; mais cette difformité étant commune au devant & au derrière du cheval, & paroiffant même tenir à fa conformation générale, je ne puis regarder la réponse qui me fut faite que comme une excufe imaginée par les enthoufiaftes de l'Antiquité. J'en aime & j'en admire peut-être plus qu'un autre les rares & fingulières

beautés; mais on ne peut véritablement les bien fentir qu'en les examinant avec comparaifon & difcerne

ment.

Quant à la figure de Marc-Aurèle, j'avoue que je ne lui ai rien trouvé d'impofant. Il eft vrai que la tête de ce Prince eft plutôt celle d'un Philofophe que d'un Souverain: il y a même lieu de croire qu'elle efl reffemblante. Tous les buftes de cet Empereur que j'ai vûs, & qui font affez nombreux, ont tous les mêmes traits & le même air de tête; ce qui fait préfumer une grande reffemblance à l'original, puifque les différens Artiftes l'ont vu & copié de même. Les François, par la même raifon, peuvent fe flatter de jouir du véritable portrait du grand Henri IV. Les têtes qu'on appelle de caractère, fe prêtent facilement à l'art du cifeau & du pinceau.

L'attitude du refte de la figure n'a guères plus de majefté que la tête; le corps eft mal placé à cheval & trop en avant; il eft, comme difent les Ecuyers, trop fur la fourchette; les

cuiffes font maigres, frêles & plattes. Je croirois volontiers que ce défaut eft un peu accidentel, les contours ayant été néceffairement endommagés & applatis par la pefanteur des terres & des décombres qui enféveliffoient cette Statue. Elle a d'ailleurs été réparée dans beaucoup d'endroits, ce qui certainement a beaucoup altéré fa beauté. Les jambes m'ont parut bien; mais les pieds, à mon avis font d'une trop longue proportion & d'une très-mince épaiffeur. Je veux croire, pour la juftification de l'Artifte, que ce défaut vient de la foibleffe du métal qui s'eft extraordinairement affaiffé dans cette partie.

Je finirai cet article par une obfervation fur l'attitude des bras; l'un eft étendu en figne de commandement; l'autre, qui eft celui dont la main doit tenir la bride, eft placé à côté & en dehors de l'encolure du cheval fans tenir la bride, & de manière même à laiffer croire que l'intention du Sculpteur a e ne lui en point faire tenir. C défaut de raifonnement dan vrage, qui mérite

pourtant, à beaucoup d'égards, quelque célébrité.

Journal des Caufes Célèbres, Curieufes & Intéreffantes, de toutes les Cours Souveraines du Royaume, avec les Jugemens qui les ont décidées.

CE titre nous annonce,

Monfieur, un ouvrage intéreffant ; &, fi l'exécution répond au plan développé dans le Profpectus qu'on vient de publier il ne peut manquer d'être bien accueilli du Public. Les auteurs promettent de fatisfaire également & le Curieux qui fe contente d'amufer fes loifirs, & l'homme folide qui cherche à s'inftruire. Je vous citerai les deux morceaux du Profpectus qui développent les deux fortes de mérite propres à contenter ces deux claffes de Lecteurs. 1o Le Barreau eft une forte

de fcène où les paffions humaines » après mille détours obfcurs, mille » déguifemens fecrets, viennent fe » démafquer & fubir, en achevant »leur rôle, la peine de leurs écarts

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