LITTÉRAIRE.

ANNÉE M. DCC. LXXIII.

Par M. FRÉRON, des Académies d'Angers, de Montauban, de Nancy, d'Arras, de Caën, de Marseille, & des Arcades de Rome.

Parcere perfonis, dicere de vitiis. Mart. TOME PREMIER.

A PARIS,

Chez LE JAY, Libraire rue S. Jacques, au deffus de la rue des Mathurins, au Grand Corneille.

M. DCC. LXXIII,

lie. Ils ont mis en pratique la belle leçon du Vieillard * qui préfente à fes enfans un faifceau de dards, en leur difant de le rompre; il réfiste à leurs efforts impuiffans; le père s'en faifit fépare les dards, & les brise fans peine :

?

Vous voyez, reprit-il, l'effet de la concorde, Qu'on détache du faisceau philofophique tous les rofeaux débiles qui le compofent & qui lèvent avec confiance leur petite cime orgueilleufe, il n'en eft pas un feul qu'un fouffle ne renversât. Parlons fans figures, Monfieur: nous n'avons aujourd'hui que fix hommes de Lettres d'un mérite inconteftable, Mrs de Voltaire, de Pompignan, Piron, de Buffon, Greffer & Rouffeau de Genève. Je ne compte pás quelques jeunes gens qui s'annoncent avec éclat, & qui peut-être remplácerent un jour ceux que je viens de nommer. Retranchez les uns & les autres de la lifte de nos Littérateurs,

*Fables de la Fontaine, Livre 4*, Fable:

que nous restera-t-il? Une tourbe infolente d'incurables Médiocres qui n'ont ni génie, ni ame, ni style, & dont les ouvrages, en vers ou en profe, quelque célébrité qu'on ait voulu leur donner, n'auront pas, dans trente ou quarante ans d'ici, plus de lecteurs que n'en ont à préfent les œuvres fublimes de Bardin, Porchères, Faret, Colomby, Baudoin, Montereul, Serizay, Baro, Laugier, Colletet Boiffat, Silhon, Hay, Giry, Priezac Bafin, Salomon, Ballefdens, Esprit Doujat, Caffagnes, Charpentier, Tal lemant, le Clerc, de Lavau, Bergeret, Boyer, Perrault, Teftu, Mallet, Abeille, Scudéry, Cotin, Chapelain, la Cha pelle* Adam, Saint-Amant, Roquette, Rofe, la Loubère, &c, &c, &c : tous de l'Académie Françoife, tous grands hommes, qui, dans leur temps, ont eu des enthoufiaftes qui les prônoient, des cotteries qui les regardoient comme des aigles, des femmes qui fe pâmoient devant leur mérite.

*Il ne faut pas le confondre avec Chapelle, cet auteur charmant d'un Voyage immortel,