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» eux de la plus grande importance: » mais Gallie, Méris & Naïs follici» tèrent fi vivement en faveur de » leur sèxe, qu'il fut convenu, que, » fans rien décider ni pour ni contre, » on laifferoit au temps, au hafard & >> aux circonftances, à arranger toutes » chofes, & qu'on ne différeroit pas » davantage cette heureuse réunion; » ainfi chacun des deux partis croyant >> avoir tout obtenu, on ne fongea » plus qu'à jouir du préfent. &c.

Dans le refte de l'ouvrage, les Pariféens, toujours conduits par le fage Paris & fon fils, triomphent des Celtes qu' Albion avoit foulevés contre eux, & fondent la capitale de l'Empire François. Paris retrouve enfin fa chère Enone parmi les Prêtreffes d'un temple confacré à Minerve,

Cette production, Monfieur, est pleine d'efprit, d'imagination, de defcriptions charmantes dans différens genres. Je n'ai pu les indiquer toutes dans cette analyse. Il y en a une entr'autres que je regrette de n'avoir pu vous faire connoître. Fétiffe, cette puiffante Fée, découvre aux Pariséens

comme les chefs-d'oeuvre de la Poëfie Bourguignone.

La fimplicité des mœurs, la droiture des procédés, cette gaîté franche & loyale du bon vieux temps, que nous avons perdue, formoient le caractère d'Aimé Piron, Sa bonne humeur & fes faillies le rendirent fucceffivement agréable à trois Princes de la Maison de Condé ; il en étoit recherché, lorfqu'ils alloient tenir à Dijon les Etats de Bourgogne. Ce fut dans une de ces Tenues qu'il fit connoiffance avec le célèbre Santeuil, que M. le Duc de Bourbon avoit amené avec lui. Un jour il fe paffa entre les deux Poëtes, en préfence du Prince & de toute fa Cour, une fcène très vive & trèsplaifante, dans laquelle Aimé Piron mit les rieurs de fon côté. L'amourpropre du Victorin en fut humilié; il ne pouvoit pardonner fa défaite à fon vainqueur; mais, difoit Piron luimême, un ami commun, le vin de Bourgogne, les réconcilia bientôt. Ce fut pendant cette même Tenue que Santeuil fut attaqué à table d'une colique de Miferere. Aimé Piron vola,

mais vainement, à fon fecours; il employa fans fuccès tous les fecrets de fon art; il recueillit le dernier foupir de cet illuftre Poëte Latin.

Alexis Piron avoit hérité de fon

père le talent pour la Poëfie qu'il porta à un bien plus haut degré, la franchife, la cordialité, la bonhommie paffez moi ce terme, le fel & l'agrément de l'efprit: bien différent de ces hommes remplis de fiel qui courent fans ceffe après la plaifanterie & qui ne parviennent jamais qu'à être méchans, il étoit né ce qu'ils s'efforcent de devenir; c'est-à-dire, gai, faillant, cauftique même, fans être odieux. Jamais homme n'a eu une imagination plus vive ni plus féconde en idées neuves, en bons mots, en promptes reparties. On a comparé fa converfation à un brillant feu d'artifice fervi avec rapidité. Sa perte à cet égard eft irréparable pour ceux qui l'ont connu. Il eft mort la nuit du 21 au 22 Janvier dernier, âgé de quatre-vingt-trois ans fix mois & douze jours. Son père avoit vêcu quatre-vingt-fept ans.

La meilleure des Pièces Dramati

ques de M. Piron eft la Métromanies c'eft fon chef-d'oeuvre, & celui du Théâtre, en fait de Comédie, depuis Molière. L'excellence de ce morceau qui eft achevé, ne doit pas faire oublier fon Guftave, ni fes autres ouvra ges Tragiques ou Comiques, dans lefquels il y a de grandes beautés. Ses Contes & fes Epigrammes obtiendront une place à côté de ce que notre langue possède de mieux dans ce genre. Il a laiffé un grand nombre d'écrits pofthumes, qu'il a légués à M. Rigoley de Juvigny, en le priant d'en être l'éditeur. Ce travail ne pouvoit tomber en des mains plus habiles & mieux exercées, M. de Juvigny eft encore un de ces hommes d'un mérite réel, à qui la ville de Dijon s'applaudit d'avoir donné la naiffance: il unit à une grande érudition les talens de l'efprit & la délicateffe du goût. Plufieurs Poëfies agréables que nous avons de lui, & les deux Bibliothèques de la Croix du Maine & de du Verdier qu'il fait réimprimer avec tant d'additions importantes, justifient cet éloge. Tous les gens de Lettres lui demandent de

retrancher la profe déteftable de M. Piron, du moins celle qu'ils connoiffent, dans l'édition qu'il donnera de fes Euvres. Ils efpèrent auffi qu'il la fera précéder d'une Vie de ce Poëte, que fa plume rendra très-intéreffante par le grand nombre d'anecdotes qu'il pourra recueillir, & par la manière de les préfenter. En voici une qui eft affez plaifante & qui eft vraie. M. Piron, prêt à rendre le dernier foupir, fe réveilla comme d'un long fommeil, & tint ce propos: » Voltaire, tant » que j'ai vêcu, n'a prefque pas ofé » m'attaquer; mais, je le connois; le » drôle eft affez lâche pour m'infulter » après ma mort, comme il a fait à

l'égard de Crébillon, mon illuftre » Compatriote. J'ai prévû fa bonne » volonté. Il y a, parmi mes manufcrits, un petit coffret qui renferme »cent cinquante épigrammes en fon honneur. Si, quand je ne ferai plus, » il décoche un feul trait contre moi, »je recommande à mon Légataire » Littéraire de faire partir toutes les » semaines une de ces Epigrammes

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