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çait de mort,, quelquefois la foule ameutée le poursuivait par des cris, par des huées, on le traitait de menteur, d'imposteur, de fou, de possédé. C'est à un de ces incidents de sa mission que se rapporte le chapitre LXXIV, qui lui fut révélé pour le consoler des outrages et l'encourager à continuer son œuvre. Le nombre de ses partisans ne fit que grossir pendant le pèlerinage de la Mecque, lorsque les pèlerins accourus de tous les points de l'Arabie, et qui ne pouvaient pas ignorer ses prédications, en reportaient le récit dans leurs foyers. C'est de cette manière que se recruta à Yathrib (Médine) le nombre de ses partisans, qui lui furent bientôt d'un si grand secours. Par suite des conversions secrètes et des prédications ouvertes, souvent une seule famille se trouvait partagée en deux partis religieux. C'est alors que les outrages prodigués au détracteur des dieux se changèrent en une haine implacable et violente. Cependant, comme un acte de violence commis sur Mahomet aurait infailliblement conduit à l'effusion du sang, quelques Koreïchites tentèrent une dernière démarche auprès de lui pour lui persuader de quitter la Mecque ou de cesser ses prédications; on lui offrit des richesses, des honneurs dans sa ville natale, et enfin on s'engagea à faire venir les méde- · cins les plus habiles pour le guérir de sa maladie, si en effet sa conduite était l'effet d'une hallucination ou d'une influence du démon. Pour toute réponse, Mahomet se mit à réciter à ses interlocuteurs le chapitre HA-MIM. Voici la révélation qui vient du clément, du miséricordieux, etc., chapitre XLI. N'ayant pas réussi à le convaincre, les Koreïchites lui demandèrent d'obtenir au moins de Dieu quelques miracles en faveur de la Mecque. Mahomet répondit qu'il n'avait pour mission que de prêcher le culte unitaire et d'appeler les hommes à la vérité, et qu'il ne lui était pas donné de faire des miracles.

Impatientés par ces réponses, les Koreïchites l'accusaient de n'être que l'écho de quelques chrétiens1, et il ne manquait pas de gens à la Mecque pour qui ces prétendues révélations du ciel n'étaient qu'un tissu incohérent de contes bien inférieurs pour le fond et pour la forme aux livres religieux et même aux compositions historiques ou poétiques des autres peuples2. Selon les historiens de Mahomet, les Koreïchites envoyèrent auprès des rabbins de Yathrib (Médine) une députation pour leur dépeindre Mahomet, leur donner la substance de sa religion et pour leur demander ce qu'ils en pensaient. Les rabbins répondirent : «< Demandez-lui qu'est-ce que certaines gens des siècles passés dont l'a

Il y avait en effet à la Mecque un crfèvre chrétien nommé Djebr, chez qui Mahomet allait souvent.

Il y avait surtout à la Mecque un Koreïchite nommé Nadhr, qui avait beaucoup voyagé et qui établissait souvent entre les prédications de Mahomet et les récits historiques des Perses une comparaison tout à fait défavorable aux premières.

venture est une merveille? Qu'est-ce que l'homme qui a atteint les bornes de la terre à l'orient et à l'occident? Qu'est-ce que l'âme? S'il répond de telle et de telle manière, il est réellement un prophète, sinon il est un imposteur. » Les députés, de retour à la Mecque, posèrent à Mahomet les trois questions; il promit de répondre le lendemain, mais comme il avait oublié d'ajouter s'il plaît à Dieu, Dieu l'en punit et lui fit attendre quinze jours la révélation. Enfin, au bout de ce temps, il répondit par les histoires des Sept dormants et d'Alexandre le Grand, (chapitre XVIII). Quant à la question relative à l'âme, il répondit fort à propos que Dieu seul savait ce que c'était 1. C'est ce triomphe de Mahomet sur les incrédules, disent ses historiens, qui mit le comble au dépit des Koreïchites, et ils défendirent à tout le monde d'écouter les prédications du prophète. Les mesures de rigueur prises contre les sectateurs du nouveau culte forcèrent bientôt (cè fut dans la cinquième année depuis la mission de Mahomet, 615 de J.-C.) un certain nombre d'entre eux à quitter la Mecque et à se réfugier en Abyssinie. Là, ils furent reçus avec bienveillance par le roi d'Abyssinie, qui était chrétien. Une seconde émigration suivit bientôt la première; ces deux émigrations ne se montaient en tout qu'à cent quinze personnes des deux sexes. Les Koreïchites envoyèrent en Abyssinie une députation pour demander l'extradition de ces émigrés; mais le roi d'Abyssinie s'y refusa en s'exprimant avec éloge sur leur conduite et en des termes qui d'après les récits des musulmans pouvaient passer pour une preuve de son penchant secret pour l'islam.

Le parti du nouveau culte fut inopinément renforcé à cette époque par l'accession d'un homme qui a acquis depuis une grande célébrité dans les annales mahométanes, et qui contribua plus que tout autre à sa propagation. Ce fut Omar, fils de Khattab, très-hostile d'abord comme son père à Mahomet, et redoutable aux musulmans à cause de son courage et de sa violence. L'islam avait trouvé accès dans sa famille, surtout auprès des femmes ; sa sœur Fatima était du nombre, mais la crainte de son frère l'engageait à ne lire le Koran qu'à la dérobée. Un jour Omar la surprend dans cette lecture, et emporté par la colère la blesse; mais s'adoucissant tout à coup à la vue du sang de sa sœur, il se fait montrer quelques feuillets épars du Koran; il est saisi d'admiration et d'attendrissement et se rend aussitôt auprès de Mahomet pour faire entre ses mains la profession de foi musulmane. Tous ces succès irritaient profondément la masse des Koreïchites contre deux branches de la tribu, celle de Hachim et celle des Mottalib, qui, à cause de leur parenté avec Mahomet, lui offraient un puissant appui. Une ligue contre ces deux branches est formée dans le but de les exclure de toutes les relations civiles et com

'Voy. chap. XVII, 87.

merciales; cette espèce d'excommunication fut confirmée par un acte écrit sur parchemin et déposé dans la Caaba. Cette mesure inspira aux deux branches excommuniées des inquiétudes serieuses pour leur sécurité, aussi résolurent-elles de se concentrer sur un seul point de la Mecque, au lieu d'habiter comme jusqu'alors les maisons disséminées. Ceci se passait dans la septième année de la mission de Mahomet.

Cet état d'hostilité dans les familles koreïchites, musulmanes et non musulmanes, se prolongea jusqu'à la dixième année de la mission; alors on résolut d'amener une réconciliation, mais un jour, pendant qu'on délibérait sur cette affaire, Abou-Talib, oncle de Mahomet, se présenta et annonça aux Koreïchites idolâtres que Mahomet venait d'apprendre par une révélation que Dieu avait livré aux vers l'acte de la ligue déposé à la Caaba. On s'y rendit et on trouva, disent les historiens, le parchemin rongé tout entier par les vers, à l'exception des mots « en ton nom, ô Dieu, » qui se trouvaient en tête. L'acte se trouvant annulé, la ligue fut dissoute, et les familles excommuniées reprirent à la Mecque leurs anciennes demeures. Il ne paraît pas cependant que ces prétendues preuves de la mission divine de Mahomet aient frappé les idolâtres au point de leur faire embrasser l'islam. Mahomet, toujours rebuté dans sa ville natale, se rendit à Taïf, ville rivale de la Mecque; mais ses prédications y rencontrèrent tout autant d'opposition, d'insultes et de haine. Mahomet retourna à la Mecque et mit plus de réserve dans sa conduite; il ne prêcha plus en public et s'abstint d'insulter et de railler les idoles. Son séjour à la Mecque devenait de plus en plus insupportable, surtout lorsque par la mort d'Abou-Talibet de Khadidja, en 619 ou 620 de J.-C., il se trouva privé de leur appui. Il importait beaucoup à Mahomet, dans une situation aussi précaire, de trouver quelque autre ville qui pût être un centre pour son action. Il le trouva à Yathrib. Cette ville était habitée principalement par deux tribus arabes idolâtres et deux tribus juives.

Les Arabes, entendant souvent parler les juifs de l'apparition prochaine d'un prophète qui soumettrait le monde à son empire, ce qui probablement chez les juifs exprimait l'attente du Messie, se trouvèrent prédisposés à accueillir avec faveur les récits des prédications tenues par Mahomet à la Mecque. Le pèlerinage de la Mecque les mit facilement en rapport avec Mahomet, et, à la suite de quelques conversions partielles des Arabes de Yathrib, le nouveau culte y compta bientôt de nombreux sectateurs. Dans la onzième année de sa mission, douze personnages venus de Yath

'Abou-Talib protégeait son neveu à cause des liens du sang, car il était idolâtre, et ne se convertit à l'islam qu'à son lit de mort; on doute méme de sa conversion. Khadidja porte chez les musulmans le surnom de ommoul-mou minin, mère des croyants.

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rib eurent avec Mahomet sur le mont Akaba, colline voisine de la Mecque, une conférence dans laquelle il leur exposa les points cardinaux de sa religion et les exhorta à la suivre. Cette conférence est connue sous le nom de premier serment d'Akaba, parce que ces douze personnages y jurèrent de suivre les préceptes inculqués par Mahomet. A cette époque de sa mission, il ne demandait pas encore à ses adeptes de s'armer pour la défense de sa religion, mais ils ne tardèrent pas à s'y engager, et voici comment : dans l'année suivante, la douzième de la mission, (622 de J.-C.), une caravane des habitants de Yathrib se rendit à la Mecque, elle était composée de musulmans et d'idolatres. A la faveur de la nuit, lorsque les idolâtres étaient plongés dans le sommeil, les musulmans eurent une conférence secrète avec Mahomet, et là ils promirent de le soutenir, de lui donner asile et l'engagèrent même à venir s'établir parmi eux. « Si nous nous faisons tuer pour toi, lui demandèrent-ils, quelle sera notre récompense? Le paradis! répondit Mahomet. Mais si nous t'aidons au succès de ton entreprise, ne nous quitteras-tu pas pour retourner à la Mecque? Jamais je vivrai et je mourrai avec vous! » répondit-il, et en signe de serment on se donna mutuellement la main. On sait que Mahomet resta fidèle à sa promesse. Ce fut le second, le grand serment d'Akaba. Le premier, qui n'engageait pas à s'armer pour l'islam, fut depuis appelé le serment des femmes. Le pacte conclu avec les Arabes de Yathrib, de quelque mystère qu'on eût cherché à l'entourer, fut connu des Koreïchites; ils résolurent de se débarrasser de Mahomet. Dans la prévision de mesures violentes, Mahomet engagea beaucoup de musulmans mecquois à émigrer à Yathrib. Ces musulmans sont connus sous le nom de mouhadjirs (émigrés); enfin, Mahomet lui-même, en trompant la vigilance de ses ennemis, qui épiaient tous ses pas, quitta la Mecque dans la première moitié de juin 622 de J.-C. Cette fuite, hidjret, dont nous avons fait hégire, est l'ère des mahométans; mais elle n'a été instituée que dix-sept ans plus tard, sous le khalife Omar. Dans sa fuite, Mahomet fut accompagné par Aboubekr; poursuivis dans toutes les directions par un parti de Koreïchites, les deux fugitifs se réfugièrent dans une grotte du mont Thour, situé à trois mille au sud de la Mecque; déjà les Koreïchites qui les poursuivaient se disposaient à y pénétrer, lorsqu'ils s'aperçurent qu'à l'entrée de la caverne une colombe avait déposé ses œufs et une araignée avait étendu sa toile; ils en conclurent que personne ne pouvait avoir pénétré récemment dans la grotte, et s'éloignèrent2. Ma

'Mahomet, prévenu d'un complot tramé contre sa vie, sortit de chez lui par une porte de derrière, en laissant son neveu Ali dans son lit.

Quelque minutieux ou futiles que puissent paraître ces détails et d'autres pareils, nous avons cru devoir les reproduire dans cette notice, parce qu'ils con

la

homet prit après quelques détours, au nord de la Mecque, route de Yathrib, où il arriva au commencement de juillet 622, après avoir posé la première pierre de la première mosquée musulmane à Koba, village situé à deux milles d'Yathrib.

Aussitôt après son arrivée à Yathrib, il commença la construction d'une mosquée et fixa son séjour dans cette ville, qui, à partir de cette époque, commença à s'appeler Medinet-en-nabi (ville du prophète) ou el-Médineh (la ville) Médine. Les deux tribus arabes de Yathrib, réconciliées par l'islam après des an nées de haine et de guerre, reçurent le nom des ansar (aides, auxiliaires), en sorte que les partisans de Mahomet à cette époque-là étaient les mouhadjirs (les émigrés de la Mecque) et les ansar (de Médine), tous compris sous le nom général des ashab (compagnous).

Les musulmans qui venaient ainsi s'établir à Médine ne furent pas à la merci des habitants; pour que leur sécurité fût mieux garantie, on conclut une convention qui déterminait leurs rapports mutuels et leurs droits.

En vertu de cette convention, les Koreïchites venus de la Mecque et les Arabes de Médine ne devaient désormais faire qu'une seule et même nation; un musulman ne devait pas tuer un musulman pour venger la mort d'un infidèle, ni prendre le parti d'un infidèle contre un musulman; les hommes riches et puissants devaient respecter les faibles; aucun parti de fidèles ne devait conclure la paix séparément avec les infidèles; les juifs alliés des musulmans devaient être à l'abri de toute insulte ou vexation, et pouvaient professer librement leur culte; mais ils devaient se joindre aux musulmans pour éfendre Médine contre toute aggression ou contribuer aux frais de guerre; enfin, une clause statuait que toute contestation qui pourrait surgir entre ceux qui concluaient le pacte serait déférée à la décision de Dieu et de Mahomet. Pour prévenir toute espèce de rivalité entre les Ansar et les Mouhadjirs, Mahomet institua une espèce de fraternité dans laquelle chacun des Ansar était joint à un Mouhadjir. A cette époque-là beaucoup d'institutions religieuses et de préceptes qui se trouvent dans le Koran n'étaient pas encore fixés; ainsi, par exemple, au lieu de se tourner pendant la prière du côté de la Caaba, au sud, on se tournait du côté de Jérusalem, au nord. L'edhan ou l'izan, l'appel à la prière, ne fut établi qu'après quelques mois de séjour à Médine; mais il y avait déjà une certaine organisation qui pour s'affermir avait besoin de la sanction de la victoire. Elle ne tarda pas à venir en aide à l'œuvre de Mahomet. On était au mois de ramadhan 624 de J.-C., et de la deuxième année de l'hégire. Il avait appris qu'une caravane de

stituent pour ainsi dire la mythologie musulmane, et qu'ils ont passé dans la littérature des peuples mahometan

b.

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