Images de page
PDF
ePub

Koreïchites retournait de Syrie à la Mecque`, entre Médine et la mer; il prit la résolution de l'attaquer, mais le chef de la caravane, informé des desseins de Mahomet, envoya en toute hâte à la Mecque pour demander des secours; les Mecquois allèrent au secours de la caravane, ils étaient environ mille hommes et cent chevaux. Mahomet n'avait avec lui que trois cent quatorze hommes n'ayant pour monture que soixante-dix chameaux, c'est-à-dire un chameau pour trois, quatre ou cinq personnes qui montaient le chameau tour à tour; il n'y avait dans cette troupe que trois chevaux, dont les noms ont été conservés, ainsi que les détails les plus minutieux de cette entreprise. Malgré l'infériorité du nombre, Mahomet attaqua les Koreïchites à Bedr et les mit en déroute après un engagement assez chaud de quelques heures. Ce combat eut lieu le 16 de ramadhan de la deuxième année de l'hégire. Les musulmans, étonnés de leur victoire, l'attribuèrent au secours des anges qu'ils disaient avoir vu combattre contre les idolâtres, et Mahomet dit expressément dans le Koran (III, 119, et VIII, 9) que Dieu avait envoyé à son secours trois mille anges. Au commencement du combat, Mahomet se tenait dans une cabane et adressait des prières ferventes à Dieu; mais dès que l'action devint générale il en sortit, et, se mêlant aux combattants, lança sur les ennemis une poignée de sable. Ce trait est compté parmi les miracles opérés par Mahomet.

La caravane, informée des mouvements de Mahomet, évita Bedr et se rapprocha de la mer, continua sa route vers la Mecque; et Mahomet, n'espérant plus l'atteindre, rentra à Médine avec des prisonniers Koreïchites et les dépouilles de l'armée; à part l'exécution prompte et sommaire de quelques Koreïchites qui avaient autrefois insulté Mahomet et tourné sa mission en ridi'cule, tous les autres prisonniers n'eurent qu'à se louer de l'humanité des musulmans. Ces prisonniers furent rachetés par les Mecquois au bout de six semaines. Les Mecquois, loin de se décourager par la défaite de Bedr, résolurent de la venger, et consacrèrent la moitié du gain réalisé par la caravane sauvée à l'équipement des troupes; en même temps ils envoyèrent des émissaires pour exciter les tribus arabes à la guerre contre Mahomet. Ils eurent bientôt réuni trois mille combattants, parmi lesquels il y en eut un certain nombre qui emmenèrent leurs femmes chargées de frapper sur des tambours de basques, de chanter des chants en l'honneur des guerriers tués à Bedr, et d'animer par leur présence l'ardeur de leurs maris. L'armée Koreïchite s'avança d'abord vers Médine, puis la dépassa pour prendre position au nord-est de cette ville, auprès du mont Ohod.

Mahomed sortit de Médine à la tête de mille hommes pour attaquer les Koreïchites; les musulmans puisaient leur confiance dans le souvenir du succès de Bedr, les Koreïchites dans leur nombre et dans leur haine ; leur chef avait emporté avec lui deux idoles

pour animer le courage de ses troupes. Le combat fut tres-acharné; déjà Mahomet se croyait vainqueur, lorsqu'une partie de ses troupes, en poursuivant l'ennemi en fuite, se jeta sur les bagages pour les piller; les Koreïchites se rallient et chargent les musulmans. Mahomet est renversé dans un ravin et reçoit un coup de pierre qui lui casse une dent; néanmoins il crie à ses compagnons : « Qui donnera sa vie pour moi? Celui qui mêle son sang avec le mien ne sera pas atteint par le feu de l'enfer. » Il est secouru, mais quelques-uns de ses plus braves compagnons sont tués, et les musulmans se retirent dans un défilé où les Koreïchites ne les poursuivent plus. La journée d'Ohod est perdue, on se donne de part et d'autre rendez-vous pour l'année suivante à Bedr. Dans le Koran, Mahomet a eu soin d'attribuer la défaite d'Ohod à la trop grande confiance des musulmans dans leur nombre, et à l'avidité avec laquelle ils s'étaient jetés sur le butin. C'est dans cette occasion que Mahomet défendit de transporter les morts du champ de bataille pour les enterrer ailleurs, il défendit même de laver leur sang, en disant que les martyrs paraîtront au jour de la résurrection avec leurs blessures saignantes et exhalant l'odeur du musc; il recommanda seulement une prière sur les corps des morts. Ce serait excéder les limites de cette notice biographique, que de raconter en détail les expéditions, les courses et les combats que Mahomet eut à soutenir contre les idolâtres et contre les juifs dans les années qui suivirent les combats de Bedr et d'Ohod. Nous nous bornerons à un récit très-succinct de ces luttes. Les Koreïchites ne se présentèrent pas l'année 4 de l'hégire au rendez-vous de Bedr donné l'année précédente; mais en revanche il se forma contre Mahomet une coalition de tribus arabes et juives, principalement à l'instigation des juifs de Médine formant la tribu de Koraïza. Cette coalition aboutit au siége de Médine, et comme les musulmans creusèrent aux trois côtés de Médine un fossé, cette guerre est connue sous le nom de la guerre du fossé. Cet événement eut lieu dans la cinquième année de l'hégire (627 de J.-C.), et c'est à cette coalition que se rapporte le chapitre du Koran intitulé Al-ahzab, les confédérés (XXXIII). Plusieurs combats eurent lieu sur ce fossé entre les assiégeants et les assiégés; le siége dura environ un mois, mais la jalousie suscitée parmi les juifs et les Arabes, par des amis secrets de Mahomet qui se trouvaient dans le camp ennemi, ne tarda pas à amener la dissolution de la coalition qui comptait dix mille hommes, et le siége fut levé. Mahomet alla à la tête de trois mille hommes se venger sur les juifs de la tribu de Koraïza et les assiégea dans leurs forts; les Koraïza, privés de vivres, se rendirent au bout de quelque temps à discrétion. Mahomet fit égorger tous les chefs et partagea entre les musulmans leurs femmes, leurs enfants et toutes leurs propriétés mobilières et immobilières. Dans la sixième année de l'hégire, Mahomet entreprit tant

en personne que par ses lieutenants plusieurs expéditions contre diverses tribus arabes qu'il soumit d'abord; elles embrassèrent sans peine l'islam. C'est à cette époque qu'on rapporte un trait d'humanité de Mahomet envers les Koreïchites idolâtres. Des tribus nouvellement converties ayant refusé d'approvisionner la Mecque, souffrant alors de la disette, Mahomet leva cette prohibition. C'est aussi à la suite d'une de ces expéditions, de celle contre les Mostalik, qu'eut lieu l'aventure d'Aïcha, femme de Mahomet, accusée par la rumeur publique d'avoir eu des relations coupables avec un jeune musulman. La révelation contenue dans le chapitre XXIV est consacrée non-seulement à laver Aïcha des calomnies répandues contre elle, mais encore à régler à l'avenir la procédure relative aux cas d'adultère. Dans la sixième année de l'hégire, Mahomet et les musulmans qui n'avaient pas fait depuis leur fuite de la Mecque le pèlerinage du temple sacré, regardaieut comme un devoir de s'en acquitter. Mahomet en envoya demander la permission aux Koreïchites protestant de ses intentions pacifiques, soit qu'il n'eût réellement pas d'autres intentions, soit qu'en accomplissant ce pèlerinage à la tète des musulmans, auxquels des Arabes idolâtres seraient venus se joindre, il comptât profiter de quelque incident favorable pour s'emparer de la Mecque. Mais les Koreïchites ne se laissèrent pas facilement persuader d'accorder cette permission, et toutes les démarches que fit Mahomet aboutirent seulement à la conclusion d'une convention qui pouvait être regardée comme une défaite morale. Cette convention portait : 1° une trêve de dix ans sera fidèlement observée entre les musulmans et les Koreïchites; 2° tout individu qui abandonnerait les Koreïchites pour passer à Mahomet sans la permission de ses chefs, sera rendu aux Koreïchites; 3o ceux qui passeraient du parti de Mahomet à celui des Koreïchites, ne seraient pas rendus; 4° les tribus arabes seront libres de s'allier aux Koreïchites ou aux musulmans; 5° Mahomet et les siens quitteront sur-le-champ le voisinage de la Mecque; 6o l'année prochaine ils pourront visiter la Caaba, mais ils n'y séjourneront que trois jours et ne porteront avec eux que leurs sabres qu'ils ne tireront pas du fourreau. Cette convention irrita les musulmans, mais Mahomet fit obseryer surtout, à propos des articles 2 et 3, que Dieu n'abandonnerait pas ceux qui seraient livrés aux Koreïchites, et quant à ceux qui passeraient aux idolâtres, la défection ouverte de quelques faux frères serait plutôt un bien qu'un mal. Cette convention eut lieu à Hodaïbiïa.

Mahomet dut renoncer cette année-là au pèlerinage de la Mecque, et même lorsque quelques instants après la conclusion de la convention, un Koreïchite vint embrasser l'islam et fut réclamé par ses chefs, Mahomet s'empressa de le livrer, au grand mécontentement des musulmans; mais il se prévalut du silence de la convention au sujet des femmes, lorsque plusieurs femmes

après avoir quitté la Mecque vinrent dans son camp embrasser l'islam, et il ne les rendit pas à leurs maris qui venaient les réclamer. Cette même année (sixième de l'hégire), Mahomet envoya un ambassadeur au roi de Perse pour l'engager à embrasser son culte. La lettre qu'il envoya à Cosroës commençait par ces mots Mohammed, fils d'Abdallah, envoyé de Dieu à Kesra (Cosroës), roi de Perse. On conçoit avec quel mépris elle dut être reçue par les Perses, qui regardaient tous les Arabes comme un peuple grossier et barbare, et en partie soumis à la domination de la Perse. Le roi des rois déchira la lettre de Mahomet; celui-ci l'ayant appris s'écria: « Que Dieu mette en pièces son empire!» Et cette malédiction fut interprétée comme un présage certain de la chute prochaine de la monarchie persane. Elle ne se réalisa cependant que dans la dix-huitième année de l'hégire, sous le khalifat d'Omar.

D'après les historiens musulmans, les ambassades envoyées par Mahomet au roi d'Abyssinie et au gouverneur de l'Égypte, furent accueillies avec respect. L'année vII de l'hégire fut marquée par une victoire importante, celle sur les juifs de Khaïbar, ville protégée par plusieurs forts et située à trois ou quatre journées de marche de Médine, au milieu d'un pays très-fertile. Mahomet se mit en marche vers Khaïbar, à la tète de quatorze cents hommes dont deux cents cavaliers; le siége dura environ douze jours; les musulmans y éprouvèrent une résistance vigoureuse; mais après plusieurs combats acharnés, dans lesquels se distingua Ali, gendre de Mahomet, tous les forts furent enlevés l'un après l'autre, et la puissance des juifs de Khaïbar fut anéantie. Mais comme ils tenaient à leur pays, ils en conservèrent la possession, non plus comme propriétaires, mais comme fermiers des musulmans, en vertu d'une convention conclue avec Mahomet. Cette défaite des juifs inspira à une juve, femme de Mahomet, le désir de venger ses compatriotes; elle lui fit avaler un morceau de brebis qui était empoisonné, et ce ne fut qu'avec peine qu'il échappa à la mort. La conquête de Khaïbar fut suivie de celle de Fadak, bourg dépendant de Khaïbar; Fadak devint la propriété particulière de Mahomet, et passa à sa fille Fatima, mariée à Ali. Les juifs de Wadi-l-kora subirent le même sort, et ceux de Taïma, sur les confins de la Syrie, jugèrent prudent de prévenir une destruction inévitable, et envoyèrent faire leur soumission à Mahomet. C'est dans cette même année que le nouveau prophète envoya un ambassadeur auprès de l'empereur Héraclius, qui se trouvait alors en Syrie, au retour de sa campagne de Persc. Héraclius accueillit, dit-on, avec distinction l'envoyé musulman; mais les ambassades que Mahomet envoya auprès de deux princes arabes ghassanides, feudataires de l'empereur romain, furent reçues avec indignation et mépris; dans ses lettres, Mahomet les conviait à embrasser l'islam.

A la fin de la septième année de l'hégire (629 de J.-C.), époque du pèlerinage de la Mecque, fixée par la convention conclue l'année précédente avec les Koreïchites, Mahomet put enfin accomplir le vœu de la visite des lieux saints, et il l'accomplit pacifiquement. Entouré de ses disciples, à pied et le sabre au côté, il entra à la Mecque monté lui-même sur sa chamelle Koswa, au milieu d'un nombreux concours d'idolâtres; il s'acquitta de tous les actes de dévotion, non-seulement de ceux qui étaient établis par l'usage immémorial et qui n'avaient aucun caractère païen, mais encore de ceux qu'il venait d'établir lui-même en sa qualité d'apôtre; les sept tours autour de la Caaba, les sept courses entre les collines de Safa et de Merwa, l'immolation des victimes dans la vallée de Mina, et la prière musulmane annoncée par son crieur particulier, tout cela se passa pacifiquement et en ordre; mais les Koreïchites insistèrent sur son départ immédiat après les trois jours de séjour stipulé par la convention, et ne voulurent pas même accepter l'invitation à un repas que Mahomet désirait leur offrir avant son départ.

A la suite de ce voyage pacifique qui ne fit que grandir Mahomet dans la considération des Arabes, et contribua beaucoup à des conversions nombreuses et importantes, le prophète des Arabes, entouré déjà du prestige d'un souverain, entreprit une expédition contre l'Empire romain, ou plutôt contre les princes arabes ghassanides tributaires de Rome, et appuyés par des troupes romaines; une armée musulmane, forte de trois mille hommes et commandée par son affranchi Zeïd, se rendit à Mouta, bourgade située sur l'extrémité sud-est de la Syrie, et là elle eut à soutenir des combats sanglants contre des Arabes et des Romains fort supérieurs en nombre. L'issue de cette guerre fut fatale aux musulmans. Après avoir perdu successivement deux généraux en chef, ils furent obligés de rentrer à Médine. Cependant cet échec n'affaiblit pas la puissance de Mahomet ; et plusieurs tribus bédouines s'empressèrent d'embrasser l'islam et de se ranger sous sa hannière; de ce nombre fut la tribu d'Abs, à laquelle avait appartenu le fameux héros Antara. Mahomet, en recevant les députés de cette tribu, leur dit que le guerrier bédouin qu'il eût le plus désiré de voir était Antara, mort depuis quelques années. Pour couronner tous ces succès en Arabie, it ne manquait plus à Mahomet que de se rendre maître de la Mecque. L'occasion favorable s'en présenta dans l'année 8 de l'hégire, lorsque la tribu de Khozaa, alliée de Mahomet dans la convention signée à Hodaïbiïa deux ans auparavant, fut attaquée par la tribu de Doïl, alliée des Mec"ois et par les Mecquois eux-mêmes. Mahomet, se voyant dégagé Coutes ses obligations, résolut aussitôt de tirer le meilleur parti clatte rupture, aussi repoussa-t-il les ouvertures des Koreïsatisfaction et un accommodement. Il partit de de la conventi ramadhan de l'an 8 de l'hégire (630 de J.-C.), à

« PrécédentContinuer »