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(Arabes assimilés aux Arabes); ce sont les descendants d'Ismaël, fils d'Abraham; ils se sont établis dans le Hedjaz (Arabie Déserte), et se sont successivement répandus dans toutes les autres parties de l'Arabie; ce sont les Arabes tertiaires ou Ismaélites. C'est à cette race qu'appartiennent les Arabes établis depuis un temps immémorial autour de la Mecque, et en particulier la famille des Koreïchites, au sein de laquelle naquit Mahomet. Bien que les Arabes aient de tout temps apporté le plus grand soin à conserver leur généalogie, tous les efforts des historiens arabes ont été infructueux pour établir la descendance directe depuis Ismaël jusqu'à Mahomet, à travers l'espace d'une vingtaine de siècles; mais on s'accorde généralement sur sa généalogie jusqu'à Adnan, qui passe pour un descendant d'Ismaël. En comptant trente-trois ans par génération, on arrive à fixer l'époque d'Adnan à environ cent trente ans avant Jésus-Christ, en sorte qu'il ne resterait que quelques noms mentionnés par les historiens pour remplir tout le temps écoulé entre Ismaël, fils d'Abraham, et Adnan, personnage si voisin de notre ère.

Quelque grande que soit cette lacune, rien n'autorise à révoquer en doute la généalogie de Mahomet; deux considérations semblent plutôt militer en sa faveur. Ce sont d'abord plusieurs passages de la Bible, depuis les livres de Moïse jusqu'aux prophètes, qui s'accordent à regarder les Arabes de l'Arabie Déserte (du Hedjaz et de la Mecque) comme des Ismaélites, et ensuite la vénération que les tribus arabes ont conservée pour la mémoire d'Abraham. En effet, selon la tradition antérieure à Mahomet, le fameux temple de la Caaba, but des pèlerinages des Arabes, et beaucoup plus ancien que la ville de la Mecque même, aurait été construit par Abraham pendant son séjour en Arabie; un endroit dans le clos de ce temple porte jusqu'à ce jour le nom de la station d'Abraham; et enfin, dans ce même temple devenu une sorte de panthéon des Arabes, on voyait du temps de Mahomet une figure représentant Abraham, jadis fondateur du culte unitaire, placé à côté des divinités arabes ou des saints du christianisme. Fondée ou non, très-ancienne ou très-rapprochée du temps de l'islam, cette filiation de Mahomet joue un rôle important dans sa mission, et elle n'aura pas peu contribué à son succès. Au commencement surtout de son apostolat, lorsqu'il s'agissait de détacher les Arabes du culte des idoles, Mahomet puisait un grand appui pour la religion qu'il prêchait dans l'exemple. d'Abraham, et la plaçait pour ainsi dire sous les auspices d'un personnage dont la mémoire était universellement vénérée parmi ses compatriotes.

La ville de la Mecque n'a été construite que dans le cinquième

'Genèse, XXXVII; Juges, VI, VIII; Isaïe, XXI; Ézéchiel, XXVII.

siècle de notre ère1, mais la vallée de la Mecque était depuis les temps les plus reculés le séjour des tribus arabes qui se groupaient aux environs du temple de la Caaba, dont ils se disputaient la garde et l'intendance comme un honneur et un titre à la suprématie. Vers l'an 200 de notre ère, un des descendants d'Adnan, nommé Fihr, et surnommé el-Koreïch, devint le père de la fameuse tribu des Koreïchites, qui acquit dans la suite une grande influence à la Mecque. Kossaï, un de ses descendants à la cinquième génération, parvint non-seulement à supplanter les Khozaa, autre tribu arabe, dans l'intendance de la Mecque, mais encore, pour assurer à perpétuité ces importantes fonctions à sa famille, il persuada aux Koreïchites de bâtir à l'entour de la Caaba une ville dont les différentes parties seraient occupées par les membres de la grande tribu Koreïchite. Kossaï éleva pour luimême une maison plus imposante que les autres, et y fixa le siége du conseil, nadwa, auquel tous les Koreïchites avaient entrée, et où les affaires se traitaient en public. C'était dans cet hôtel du conseil (Dar-ennadwa) que les Koreïchites recevaient des mains de Kossaï le drapeau, quand ils allaient faire la guerre à une autre tribu. Sur l'avis de Kossaï, les Koreïchites consentirent à s'imposer une taxe, rifada (secours), qu'ils payaient à l'époque du pèlerinage à Kossaï, et que celui-ci employait à fournir gratuitement des vivres aux pèlerins pauvres pendant trois jours qu'ils passaient à Mina, à quelque distance de la Mecque. L'autorité de Kossaï s'accrut encore lorsqu'il parvint à réunir dans sa personne quelques autres charges qui se rattachaient au service de la Caaba; ces charges étaient sikaïa, l'administration des eaux et leur distribution, hidjaba, la garde de la Caaba et le service de ce temple; à ces fonctions on doit ajouter la rifada, perception de la taxe des secours, la liwa, droit d'attacher une coiffe d'étoffe blanche à l'étendard des Koreïchites allant à la guerre, et la nadwa, conseil, c'est-à-dire la présidence de l'assemblée des Koreïchites; quelques fonctions moins importantes furent abandonnées par Kossaï à d'autres tribus arabes2. On voit par ce qui précède qu'environ deux cents ans avant Mahomet (vers l'an 440 de J.-C.), les Koreïchites étaient non-seulement en possession d'une autorité régulièrement constituée à la Mecque, mais encore que leur influence et leur considération s'étendaient au dehors; que, grâce à l'affluence de pèlerins au temple antique de la Caaba, le nom de Koreïchites était connu dans toutes les parties de l'Arabie. Ils avaient en même temps acquis une certaine aisance et même des richesses considérables par le commerce qu'ils faisaient des produits de l'Arabie Heureuse (I'Yemen), en Syrie, en Mésopotamie et en Égypte, d'où ils rap

2

'Caussin de Perceval, Essai sur l'histoire des Arabes, I, p. 236.

O Caussin de Perceval, I, p. 257-240).

portaient, en échange, des étoffes, des grains et d'autres objets. Kossaï eut quatre fils, Abdeddar, Abdelozza, Abd et Abdmenaf; nous ne parlerons que de ce dernier, parce qu'il est l'aïeul en ligne directe de Mahomet. Abdmenaf fut également père de quatre fils: Abdchams, Nowfal, Hachim et Mottalib. Hachim, qui se trouva être le plus riche de tous ses frères, et par conséquent le plus capable de subvenir aux besoins des pèlerins et d'administrer les affaires de la Mecque, se trouva revêtu des fonctions les plus importantes de la communauté ; ce fut lui qui établit parmi les Koreïchites l'usage d'envoyer chaque année deux caravanes, l'une en hiver dans l'Yémen, l'autre en été en Syrie; ce fut encore lui qui le premier distribua aux Koreïchites pauvres une espèce de soupe nommée tharid, composée de bouillon et de pain émietté, et c'est à cause de cela que son nom primitif Amr fut changé en celui de hachim l'émietteur. Le nom de hachimites est appliqué à toute la ligne collatérale ascendante de Mahomet.

Cheïba, fils de Hachim, fut appelé aussi Abdelmottalib, parce qu'il avait été adopté par son oncle Mottallib; il succéda à son père à la Mecque dans les charges les plus importantes, celles de sikaïa et de rifada. Sa générosité et la noblesse de sa conduite lui avaient concilié l'estime générale; mais ces qualités ne lui paraissaient pas compenser aux yeux de ses compatriotes le désavantage de n'avoir qu'un seul fils, car les Arabes comme les Israélites attachaient le plus grand prix à une nombreuse postérité mâle. Ce sentiment était tellement enraciné chez les Arabes, qu'Abdelmottalib eut à essuyer un jour de la part d'un de ses compatriotes des insultes pour n'avoir eu qu'un seul fils. Dans son dépit, il fit serment que si Dieu lui accordait dix enfants mâles, il lui en immolerait un devant la Caaba. Le vœu d'Abdelmottalib fut exaucé. Depuis la naissance de son premier fils (an 528 de J.-C.) jusqu'à l'an 569 de J.-C., il eut douze fils et six filles. Un jour, décidé à remplir son serment, il rassembla les dix plus âgés de ses fils; et leur fit part du serment qu'il avait fait jadis; chacun d'eux se résigna à être la victime, et l'on se rendit à la Caaba devant l'idole Hobal pour tirer au sort. Le sort tomba sur Abdallah, celui que son père aimait le plus. Le sacrifice allait être accompli dans un lieu destiné à l'immolation des victimes, lorsque des Koreïchites accourent, arrêtent le bras d'Abdelmottalib, et lui conseillent de consulter une devineresse qui se trouvait à Khaibar, ville fortifiée, habitée par des juifs. La devine.

'Les lexicographes arabes ne sont pas d'accord sur la signification du mot koreich; il y a au moins six explications différentes de ce nom, toutes sont plus ou moins forcées. A en juger par la forme grammaticale, koreich est le diminutif de karch, qui signifie une espèce de poisson très-vorace qui dévore d'autres poissons; ce n'a donc été d'abord qu'un sobriquet devenu dans la suite le nom de toute une famille issue de Fihr Koreïch.

a.

resse demanda quelle était l'amende qui se payait pour un meurtre, et comme on lui répondit que l'amende était de dix chameaux, elle leur dit de placer Abdallah d'un côté, et de l'autre dix chameaux, ensuite de consulter le sort, et s'il tombait sur Abdallah, de recommencer, en ajoutant le même nombre de chameaux, jusqu'à ce que le sort se décidât contre les chameaux. Abdelmottalib se conforma à la décision de la devineresse, ct comme le sort fut dix fois contraire à Abdallah, son père ne racheta son serment qu'au prix de cent chameaux. Depuis ce temps le prix du sang humain fut fixé parmi les Arabes à cent chameaux. Immédiatement après cet événement, Abdelmottalib maria Abdallah à Amina, fille de Wahb, un des descendants d'Abdmenaf. C'est de ce mariage que naquit Mahomet1.

L'année de la naissance de Mahomet ne se laisse pas facilement fixer. Trois données servent cependant à la déterminer, au moins approximativement. D'après la tradition, Mahomet aurait dit : « Je suis né sous le règne du Roi juste. » Ce roi juste est le célèbre Kesra Anouchirvan (Cosroës le Grand), qui a régné quarante-sept ans et huit mois, et si l'on admet avec un historien arabe (Ibn el-Athir) que Mahomet naqur sept ans et huit mois avant la mort d'Anouchirvan, l'année de sa naissance tomberait dans l'année 570 de J.-C. D'un autre côté, la naissance de Mahomet tombe, selon la tradition, dans l'année de l'expédition du roi éthiopien Abraha contre la Mecque (voy. crap. CV du Koran, note), expédition qui se termina par la destruction complète de l'armée d'Abraha; mais les historiens arabes s'accordent si peu sur l'année de cette expédition, que la naissance de Mahomet tomberait sur la 34 ou sur la 40°, ou sur la 41°, ou sur la 42* année du règne de Kesra Anouchirvan. C'est encore une opinion généralement reçue que Mahomet est mort en 632 de J.-C., âgé de soixante-trois ans, ce qui reporterait l'année de sa naissance à l'année 569 de J.-C.; et ici se présente une nouvelle question, celle de savoir si le chiffre de ces soixante-trois années a été énoncé approximativement en années lunaires usitées chez les Arabes, ou bien en tenant compte de l'intercalation introduite, en 413 de J.-C2.

La piété musulmane ne faillit pas à ce penchant inné qui nous fait entourer le berceau des hommes extraordinaires du prestige de miracles, et de phénomènes surnaturels; elle en accueille volon

'Le nom Mahomet s'éloigne un peu de la véritable orthographe arabe. C'est Mohammed (le glorifié) qu'on devrait dire; les Turcs prononcent Méhémet, quand il est question d'un personnage vivant du nom de Mohammed, c'est au contraire l'usage en français de se servir de la forme Mohammed, lorsqu'on parle des Arabes vivants qui portent ce même nom.

2 M. Caussin de Perceval,qui s'est livré à une discussion très-détaillée sur cette question, fixe la naissance de Mahomet au 29 août 570 de J.-C. Voy. l'Essai sur l'histoire des Arabes, I, p. 268-283.

tiers les récits, sans en discuter ni la source ni le fondement; elle les propage et les érige en croyance. Selon ces récits, qu'on ne saurait passer sous silence, car ils sont toujours présents à l'esprit d'un musulman, le monde entier s'émut au moment où naquit le futur prophète des Arabes. Le palais des Cosroës, à Ctesiphon, s'ébranla, et quatorze de ses tours s'écroulerent; le 'feu sacré des pyrées s'éteignit malgré la surveillance incessante des mages; le lac de Sawa se dessécha, le grand moubed des Perses rêva l'envahissement de la Perse par les chameaux et les chevaux arabes, et Amina raconta à son beau-père que pendant sa grossesse elle avait rêvé qu'une lumière extraordinaire se répandait de son sein pour illuminer le monde; enfin, Abdelmottalib, en venant un jour voir son petit-fils, s'aperçut avec étonnement qu'il était né circoncis. L'enfant, nommé Mohammed par son grand-père (et il fut le premier qui porta ce nom parmi les Arabes), fut confié par sa mère à une nourrice bédouine, Halima, qui l'emporta au milieu de sa tribu dans le désert. Au bout de deux ans il fut sevré, mais sa présence dans la famille de Halima avait paru lui valoir tant de bonheur et d'abondance, qu'elle demanda à Amina de lui laisser élever l'enfant. La tradition raconte que celui-ci était sujet à une maladie dont on ne pouvait pas se rendre compte, mais qu'on attribuait à l'action du démon. Mahomet, en racontant plus tard à ses disciples un accident qui avait causé à sa nourrice une grande frayeur, disait que dans son enfance, lorsqu'il jouait avec ses jeunes camarades dans la plaine, deux hommes vêtus de blanc, qui étaient des anges, le renversèrent par terre, lui ouvrirent la poitrine et en retirèrent le cœur pour le laver et le purifier.

Un chapitre du Koran (ch. XCIV) commence en effet par des mots qui peuvent se traduire ainsi : N'ouvrons-nous pus, (ne dilatons-nous pas) ta poitrine; ou bien par: N'avons-nous pas ouvert ta poitrine. Et pendant que certains commentateurs n'y voient qu'une expression figurée d'un cœur disposé par Dieu pour recevoir la sagesse et la révélation, d'autres veulent y voir une allusion à l'événement rapporté par la tradition, d'après laquelle le cœur de Mahomet aurait été réellement lavé et purifié par les anges, et serait devenu ainsi dès l'enfance un vase d'élection. Ce n'est pas, du reste, le seul passage du Koran où une expression figurée ou hyperbolique ait acquis d'après la tradition une interprétation forcée, et un sens surnaturel et merveilleux (Voy. ch. XVII, LIV). A l'âge de six ans, Mahomet perdit sa mère et fut recueilli par son grand-père Abdelmottalib, qui eut pour lui la tendresse d'un père; trois ans après, cet appui vint à manquer à Mahomet, lorsque Abdelmottalib mourut âgé de plus de quatre-vingts ans.

Cette maladie pouvait être l'épilepsie. En effet, le vulgaire en Orient croit que les épileptiques sont possédés du démon.

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