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Ce tableau suggère quelques réflexions.

On voit que les cinq planètes sont partagées en deux groupes. Les trois que nous appelons supérieures et qui font le tour entier du ciel, sont qualifiées en commun par le nom de la grande divinité Horus, associé à des attributs qui les distinguent. Mars est spécialement appelé Horus le Rouge à cause de sa couleur, ce qui rend l'identification indubitable. Les deux que nous appelons inférieures, Mercure et Vénus, qui ne s'écartent jamais indéfiniment du soleil, n'ont pas de nom commun. Toutes les cinq sont désignées collectivement par l'épithète de dieux voyageurs. Mars l'est particulièrement comme marchant tour à tour en avant et en arrière. Cette indication paraît se rapporter, à la marche apparente dans le ciel stellaire, tour à tour directe, rétrograde, puis de nouveau directe, que présentent les trois planètes supérieures, Saturne Jupiter et Mars, lorsque la terre est amenée, chaque année, dans la portion de son orbite qui se trouve comprise entre chacune d'elles et le soleil. Ce phénomène astronomique est à peine sensible aux yeux pour Saturne. Il l'est un peu davantage pour Jupiter, beaucoup plus pour Mars, qui se trouve bien plus près de la terre que les deux autres, aux époques où s'opère cette interposition. Il est donc tout naturel que des observateurs attentifs, l'aient remarqué et signalé pour lui, à titre de fait.

Connaissant ainsi les noms hieroglyphiques par lesquels les Égyptiens désignaient les cinq planètes, on pourra constater désormais leur présence sur les monuments où ils les ont figurées. Cela fournira un indicateur précieux, pour interpréter les représentations où on les verra intervenir, et pour pénétrer le secret des idées astrologiques, astronomiques ou religieuses qui peuvent y être cachées. Voilà, sans doute une des applications les plus importantes, que nous devrons à la découverte de M. Brugsch.

Les éloges nombreux et sincères que M. de Rougé a donnés à son travail, même dans les occasions rares où il s'écarte en quelques points de son sentiment, me dispensent de lui en adresser d'autres qui, de ma part, seraient sans autorité. Mais il me reste à remplir un autre devoir. Indépendamment de ces curieuses recherches sur les tablettes planétaires dont je viens d'entretenir nos lecteurs, l'ouvrage de M. Brugsch en

que l'auteur des tablettes en voulait faire, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'il eût écrit le symbole même, cursivement reproduit. Or c'est bien en effet ainsi qu'il a remplacé le capricorne grec dans ses listes de dodécatémories; et l'identification abrégée qu'il en fait avec le signe hieroglyphique de la croix ansée, ne semble pas douleuse, indépendamment de la justesse de l'application.

contient d'une nature différente, objet d'une dissertation spéciale, qui tendraient à infirmer la relation que Champollion a découverte entre l'ancienne notation figurée des mois égyptiens, et les phases de l'état physique ainsi qu'agricole de l'Égypte, dans le cours d'une année solaire. Des objections du même genre, fondées sur des arguments analogues, ont été aussi élevées à diverses reprises par d'autres érudits non moins distingués. Or, comme toutes me paraissent provenir de ce que ces savants ont pris, au sens absolu, la notation égyptienne qui est astronomiquement révolutive, je crois utile de revenir sur ce sujet dans un article spécial qui suivra prochainement celui-ci.

J. B. BIOT.

MÉMOIRES POUR SERVIR À L'histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE DE peinture et de SCULPTURE, depuis 1648 jusqu'en 1664, publiés pour la première fois par M. Anatole de Montaiglon. Paris, 1853, 2 vol., chez Jannet, libraire, rue des Bons-Enfants, no 28, Bibliothèque Elzévirienne.

MÉMOIRES INÉDITS SUR LA VIE ET LEs ouvrages DES MEMBRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DE PEINTURE, ET DE SCUlpture, publiés d'après les manuscrits conservés à l'École impériale des beaux-arts, MM. Dussieux, Soulié, de Chennevières, Mantz et de Montaiglon. Paris, 1854, 2 vol. in-8°, chez Dumoulin, libraire, quai des Augustins, no 13.

par

TROISIÈME ARTICLE1.

II.

On se souvient qu'en 1582 Henri III avait confirmé et renouvelé les priviléges de la maîtrise2. Jamais la protection et la condescendance

1

Voyez, pour le premier article, le cahier de novembre 1856, page 641, et, pour le deuxième, celui de décembre, page 735. Les lettres patentes sont du 22 septembre 1582. Elles ont été enregistrées au parlement le 27 juillet sui

n'avaient encore été portées si loin. Défenses, injonctions, menaces, pénalités, rien n'était épargné pour assurer aux maîtres l'exploitation du monopole le plus exclusif et le plus absolu. Mais, en 1588, après le départ du roi, tout fut mis en question. La ligue triomphait; les lois n'ayant plus d'empire, l'autorité de la maîtrise ne fut pas ménagée plus que les autres pouvoirs; l'anarchie pénétra dans les corps de métier comme au cœur même de l'État. Tant que Paris fut sous la main des Seize, ouvrit boutique qui voulut; le premier venu se fit maître, sans être même apprenti; il suffisait qu'il fût ligueur. Puis, lorsque la royauté fut rentrée dans son Louvre, Henri IV eut toujours trop d'affaires pour se mêler de celles de la maîtrise; il prit grand souci des arts, eut soin de ne pas trop s'entourer d'étrangers, fit beaucoup travailler les maîtres parisiens, mais ne s'embarrassa pas de restaurer leurs priviléges.

Aussi, quand il mourut, le règlement de 1582 était-il presque oublié, ou tout au moins mal observé. De flagrantes usurpations se commettaient chaque jour, et la justice incertaine était molle à les réprimer. Les jurés cependant ne perdirent pas courage et firent procès sur procès. Dès la fin de 1610, six mois après la mort du roi, on voit les assignations pleuvoir. Dans toutes ces procédures, la maîtrise, sans essuyer de gros échecs, ne remporte que des demi-victoires, de ces succès qui perdent une cause. Ainsi un nommé Yvoire, peintre verrier brevetaire, s'avise de vendre des vitraux peints; poursuivi et saisi à la requête des jurés, la chambre civile le condamne : il lui est interdit de se qualifier peintre, et de vendre ses œuvres à l'avenir, mais on ne valide pas la saisie1. Une autre fois, c'est un marbrier chez qui ont été surprises des pièces de marbre sculptées; sentence est rendue contre lui; l'honneur du principe est sauf, mais les marbres lui sont restitués, on ne confisque que le mortier destiné à les assujettir2.

Ce furent sans doute des faits de cette sorte qui émurent la maîtrise et lui inspirèrent le dessein de raviver ses statuts, en sollicitant du roi de nouvelles lettres patentes. Les jurés rédigèrent eux-mêmes les additions qu'ils croyaient propres à raffermir les juges et à fixer la jurisprudence. Une série de trente-quatre articles fut présentée au roi en son conseil3, et, le 16 janvier 1619, le roi, avant de se prononcer, ren

2

1 Sentence du 13 novembre 1609. Autre sentence contre le même Yvoire concluant comme la première, 22 février 1611. Sentence rendue contre Sain, marbrier, le 23 janvier 1625, confirmative des sentences des 10 novembre 1610, 16 août 1611, et 14 janvier 1612. - 3 Articles que les maistres et gardes jurez de l'art de peinture et sculpture de la ville et banlieue de Paris entendent adjouter avec les

voya les demandes de la maîtrise à son prévôt et au procureur du Châtelet, pour qu'ils eussent à lui donner leur avis par écrit sur la commodité ou l'incommodité d'icelles. La réponse se fit longtemps attendre, environ deux années, ce qui n'étonne pas quand on lit ces articles. Ils innovaient sur trois points:

D'abord ils réservaient exclusivement aux maîtres le droit, non-seulement de faire des tableaux, mais d'en vendre. A cette fin, il était interdit à toute personne de quelque condition qu'elle fût, de faire venir aucun tableau de Flandres ou d'ailleurs1; le temps de la foire Saint-Germain et des autres foires de faubourgs était seul excepté, mais avec des précautions infinies, tendant à soumettre les marchands forains à la visite et aux droits de la jurande, à les contraindre d'emporter leurs tableaux non vendus aussitôt les foires terminées, ou de les laisser dans des boîtes à deux clefs, et sous le sceau de la maîtrise2; défense était faite encore, soit aux sergents-priseurs chargés des ventes à la criée après décès ou autres, soit aux fripiers et revendeurs, merciers et parfumeurs, lingers et miroitiers, tabletiers et plombiers, de vendre en ville ou dans leurs maisons, sous quelque prétexte que ce fût, un objet peint ou sculpté, sans l'autorisation d'un maître3.

La seconde innovation concernait les brevetaires; défense leur était faite de travailler en chambre ou autrement, même chez les maîtres, à moins d'avoir justifié par certificat suffisant que le brevet était réel et non pas honoraire, c'est-à-dire qu'ils touchaient véritablement les gages de l'office qu'ils s'attribuaient, et qu'ils étaient en conséquence inscrits à la cour des aides sur le rôle des officiers commensaux, ou du roi, ou de la reine, ou de monsieur, ou de mesdames ou des princes du sang. Ces justifications faites, ils n'en devaient pas moins souffrir et payer les visites des gardes, comme les maîtres eux-mêmes, mais sans ouvrir boutique, attendu qu'étant assujettis par le fait de leur charge à suivre en tous lieux le roi ou les princes dont ils dépendaient, ils ne pouvaient avoir résidence fixe à Paris".

Enfin les derniers articles déterminaient à nouveau le temps de l'apprentissage et du compagnonnage, multipliaient les moyens d'action et d'autorité déjà réservés aux maîtres pour maintenir à leur service leurs

ordonnances et statuts de leur dit art, sous le bon plaisir du roi. On pourra lire ces articles in extenso dans le volume in-4° imprimé, en 1698, aux frais de la maîtrise, et intitulé: Statuts, ordonnances et règlements de la communauté des maîtres de l'art de peinture et sculpture, gravure et enluminure de cette ville et fauxbourgs de Paris, etc., etc. Paris, Louis Colin, 1698. — Article 1. —2 Article 1. 3 Articles III, IV, V,

XII, XIII.

-Articles vi et vii.

1

2

élèves et leurs serviteurs, puis rappelaient, en les fortifiant, toutes les prescriptions, défenses et prohibitions des anciens statuts.

Après deux ans de réflexion, ou peu s'en faut, le 2 octobre 1620, les deux magistrats chargés de donner leur avis déclarèrent que les nouveaux articles leur semblaient bons et raisonnables, qu'ils pouvaient être autorisés, et que, s'il plaisait à Sa Majesté d'ordonner qu'ils fussent ajoutés aux anciens statuts, le public n'en recevrait ni incommodité ni dommage.

Le roi et son conseil hésitèrent néanmoins. Ils étaient assaillis de réclamations et de plaintes. Les prétentions de la maîtrise n'étaient plus un secret et soulevaient contre elle, d'abord ses ennemis naturels, les artistes de contrebande, puis tous les marchands, tous les corps de métier que menaçaient les nouveaux articles. Parmi les boutiquiers, ceux qui faisaient à proprement parler le commerce de tableaux et de statues étaient en petit nombre, mais tous vendaient une foule d'objets où la peinture et la sculpture entraient comme accessoires. Ils jetaient feu et flamme et se disaient ruinés, si le roi consentait aux articles: aussi ce fut pour les maîtres un rude assaut que d'emporter la signature royale; elle leur fut accordée en avril 1622 il y avait plus de trois ans qu'ils avaient déposé leur requête.

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Mais, après la signature du roi tout n'était pas fini; il fallait faire passer les lettres au parlement. Or c'est là que la lutte allait recommencer aussi vive que jamais; elle dura dix-sept ans, c'est tout dire. La sentence définitive qui vérifia, entérina et homologua ces fameux articles, est de 1639.

La maîtrise, après son succès, ne goûta pas un long repos. Elle respira pendant trois ou quatre ans. Ses adversaires, encore meurtris, usaient sans doute de prudence, du moins, pendant ce temps, il n'est plus guère question d'actions judiciaires sérieuses et répétées. Mais ce n'est qu'une trève. Un nouveau règne, une régence, un certain goût de nouveautés et de cabales qui se répandaient dans Paris, les approches de la Fronde, en un mot, ne promettaient pas des jours sereins à la maîtrise. Soit que le danger lui apparût et qu'elle pensât s'en garantir à grands renforts d'audace, soit que la tête lui eût tourné depuis son dernier triomphe, on la vit tout à coup, vers 1646, reprendre l'offensive et afficher des prétentions bien autrement hautaines qu'en 1619. Cette fois encore c'était aux brevetaires qu'elle s'attaquait, mais à tous sans exception; elle ne distinguait plus; brevets réels, brevets de complaisance, elle voulait tout détruire, ne respectant pas plus les titres sérieux, émanés de volontés augustes, que les fraudes et les fictions. Au

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