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Nouvelles recherches sur la DIVISION de l'année

DES ANCIENS ÉGYPTIENS, par M. Henri Brugsh. Berlin, 1856.

DEUXIÈME ARTICLE1.

Les renseignements que je vais rapporter sur les mouvements périodiques du Nil, sont tirés de la relation d'un voyage effectué dans la haute et la basse Égypte pendant les années 1672-1673 par le père Vansleb, religieux dominicain2. L'auteur est plutôt curieux que savant. Mais il avait déjà une première fois parcouru l'Égypte comme simple particulier. Il y avait acquis la connaissance et l'usage de la langue arabe. Dans ce second voyage, entrepris sous la protection de la France, il eut toute liberté de se transporter où il lui plut, et de voir ce qui pouvait l'intéresser. Le caractère dont il était revêtu lui permit d'entrer en relation très-intime avec les moines coptes, de prendre les informations les plus détaillées, sur leur condition, leurs rites, les traditions qu'ils conservaient, et d'apprécier la part officiellement fort restreinte, mais non sans influence, qu'ils avaient encore dans l'administration du pays. «Quoique les coptes, dit-il, ne soient en aucune «< estime auprès des mahométans, ils ne laissent pas d'être encore en «< crédit parmi eux pour ce qui regarde le calcul du temps; parce que, << dans toutes leurs actions, soit privées, soit publiques, ils ne se servent «pas de leur propre calcul, mais de celui des coptes, comme plus «juste, et plus propre à leurs affaires. Par exemple, ils ne disent pas « que la goutte céleste, qui est censée provoquer la crue du Nil, tombe « tel ou tel jour de leur mois, mais tel jour du mois des coptes 3.» Vansleb ne cherche point, et probablement ne voit pas la raison de cette pratique. Elle tient évidemment à ce que les mois mahométans, qui sont lunaires, ne peuvent pas donner, sans calcul, la date d'un phénomène fixe dans l'année solaire, comme l'est le commencement de la crue du Nil; tandis que cette date se trouve toujours répondre à un même jour du calendrier copte, qui est ou est censé réglé fixement sur cette forme d'année. Vansleb décrit ce calendrier, dont les mois conservent leurs anciennes dénominations égyptiennes; et la transformation qu'il fait de leurs dates juliennes initiales en grégoriennes, d'après

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1 Voyez, pour le premier article, le cahier d'avril, page 221.- Nouvelle relation, en forme de journal, d'un voyage fait en Égypte, etc. Paris, 1698. - 3 Ibid., page 31.

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les indications qu'il a recueillies, montre son identité avec l'alexandrin fixé par Auguste, conformément à ce que l'on savait déjà. Tout ignorants que pouvaient être alors les prêtres coptes, il est présumable que ce sont eux qui ont instruit Vansleb de ces concordances, dont il ne fait pas honneur à son propre savoir. Car s'ils ne les eussent pas connues et appliquées à leur ancien calendrier, ils se seraient trompés de dix jours sur leurs prédictions des mouvements du Nil, ce qui les aurait complétement décrédités. Vansleb ajoute qu'ils partagent l'année en quatre saisons de trois mois, qu'ils appellent l'automne, l'hiver, le printemps, l'été, conformément au mode de division julien; et ils comptent les années à partir de l'ère dite de Dioclétien, ou des martyrs 1.

Venant aux particularités qu'il a apprises sur le régime du Nil, Vansleb dit que la première, c'est qu'il commence de croître, et aussi de décroître, à un jour précis; sauf les faibles modifications que peuvent y apporter occasionnellement les vents locaux 2.

Suivant les prêtres coptes, la chute de la goutte céleste qui présage et annonce son accroissement, a lieu le douze de leur Paoni, 17 juin grégorien, jour où ils célèbrent la fête de l'archange saint Michel. Cette date initiale précède donc de cinq jours le solstice d'été 3.

Depuis lors, ils commencent à dire tous les jours dans leur office de matines, une oraison particulière, par laquelle ils prient Dieu de faire monter le Nil à la hauteur convenable pour inonder suffisamment les terres cultivables. Cette prière se réitère sans interruption jusqu'au 24 septembre grégorien, jour de la fête de l'Exaltation de la Sainte Croix, où la crue est censée finir. L'intervalle de la date initiale à cette époque de maximum, est donc précisément de 99 ou 100 jours *.

A cette fête de l'Exaltation de la Croix, ils ont coutume de bénir à la messe une croix qu'ils jettent dans le Nil, supposant que c'est elle qui arrête son accroissement. Autrefois leur patriarche faisait cette cérémonie en grande pompe. Mais maintenant (1672) les mahométans ne permettant plus ces processions publiques, chaque prêtre l'accomplit en secret, dans son village 5.

Après cette fête, ils continuent leurs prières jusqu'au 8 de leur Paophi, 15 octobre grégorien, époque à laquelle on commence à pouvoir ensemencer les terres que le Nil a les premières abandonnées ". Entre cette dernière date et l'initiale, le 8 Paoni précédent, il y a 122

'Relation, pages 34 et 39. 2 Ibid., page 47.

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› Ibid.,

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pages 54 et 57. Ibid., pages 57-58. — Ibid., page 57.

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jours; Vansleb dit 120, les concordances du calendrier égyptien au grégorien qu'il mentionne, n'étant pas toujours absolument rigoureuses. Ces nombres nous ramènent donc justement à l'époque solaire, où finit la tétraménie de l'inondation de Champollion; de laquelle ni Vansleb ni les prêtres coptes n'avaient assurément aucune idée.

Maintenant, si l'on veut considérer que toutes ces particularités du régime du Nil en 1672, rapportées par Vansleb: les dates annuelles, auxquelles on les observe, les phases solaires qui les ramènent, les nombres de jours qu'elles embrassent, sont exactement d'accord avec les témoignages de l'antiquité païenne comme avec les déterminations modernes de nos ingénieurs; que ces mêmes particularités ont été ainsi consacrées par des rites et par des cérémonies publiques, qui se sont continuées annuellement sans interruption, durant près de seize siècles, chez les coptes devenus chrétiens; on comprendra que les données de fait, ainsi établies, ne peuvent pas être arbitrairement niées, dédaignées, ou changées, selon le caprice des philologues; et que toute interprétation des tétraménies antiques, qui les supprime ou les altère, se montre, par cela même, contraire à la vérité.

La division de l'ancienne année égyptienne que Champollion a nommée la tétraménie de l'inondation, d'après le symbole figuratif qui la désigne, s'accorde rigoureusement avec ces données, dans tous les détails de son application physique. Elle commence au solstice d'été, à l'époque de l'année solaire où le Nil commence à croître. Dans ses 120 jours, prolongés par les cinq épagomènes, elle embrasse tout l'intervalle de temps pendant lequel le fleuve se gonfle, inonde les terres cultivables, et commence à les abandonner. Pour envisager de même les deux autres tétraménies dans leur application physique, il faut les placer à la suite de celle-là, dans l'ordre de succession où le progrès du temps les amène : c'est ce que montre le tableau ci-joint, où l'année conventionnelle de 365 jours est représentée dans trois périodes consécutives de son évolution complète, qu'il faut concevoir continuées indéfiniment.

A la tétraménie de l'inondation, considérée ici, dans la première des trois années courantes que notre tableau embrasse, succède immédiatement l'apparition des jeunes pousses de plantes nouvelles, provenant des semis artificiels effectués sur les terrains récemment découverts, ou sorties naturellement de leur sein, ce qui ouvre la saison de la végétation, dont le symbole figuratif s'applique aux quatre mois qui amènent les grains et les autres produits annuels des cultures à l'état de maturité. Alors commence la saison des récoltes, comprenant les quatre mois

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