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moigné combien il était regrettable que des détails de construction, qui nous auraient pu décéler l'intention de ces tableaux, peut-être leur application occasionnelle, n'eussent été que vaguement aperçus. A Denderah, disais-je, comme dans le palais de Rhamsès II à Thèbes, les plafonds et les parois des chambres intérieures, se montrent fréquemment percés de soupiraux coniques, systématiquement disposés pour faire arriver la lumière du ciel ou celle du soleil, suivant des directions déterminées, et la projeter sur certaines portions spéciales des tableaux astronomiques. Hamilton les a remarquées, et Denon a donné un dessin, où l'on en voit plusieurs converger sur le corps d'une déesse Ciel, étendu horizontalement. M. Prisse m'a confirmé l'existence de ces particularités. Mais elles n'ont pas été regardées par des yeux qui sussent en apercevoir l'usage. Depuis que le temple de Denderah a été reconnu d'époque moderne, un voyageur de quelque mérite aurait cru compromettre sa réputation d'antiquaire en accordant son attention à de tels détails.

Maintenant je transcris la réponse que M. Caussin de Perceval vient de m'adresser.

:

« Voici le passage de Makrizi que vous désirez connaître je le tra« duis aussi littéralement que possible.

« Au nombre des merveilles de l'Égypte est le temple de Denderah. « C'est un temple étonnant. Il a cent quatre-vingts ouvertures. Le soleil <<< entre chaque jour par une de ces ouvertures, puis par la seconde, «jusqu'à ce qu'il arrive à la dernière. Ensuite il revient en sens con« traire, au point où il a commencé.

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« Ce passage se trouve dans le premier volume du grand ouvrage de «Makrizi, intitulé: Kitab el Mawaed oua litibar, qui contient une description topographique et historique de l'Égypte, particulièrement du

<< Caire.

« La Bibliothèque impériale possède quatre exemplaires manuscrits « de ce premier volume. Je les ai examinés tous les quatre. Ils n'offrent << aucune variante de rédaction. Tous, notamment, indiquent le nombre « de cent quatre-vingts ouvertures 1. »

Égypte, occupant

Makrizi était né au Caire. Il a passé toute sa vie en des emplois administratifs ou religieux, mais surtout voué par passion aux études historiques et aux recherches d'antiquités. Sa description his

' Voir les manuscrits arabes de l'ancien fonds: n° 673, A, fol. 20, v°; no 673, C, fol. 25, v°; n° 676, fol. 22, vo; n° 797, fol. 22, r°. (Note de M. Caussin de Perceval.)

torique et topographique de l'Égypte, a dit M. de Sacy, est une mine inépuisable de documents relatifs à l'administration, aux coutumes, aux mœurs, des nations diverses qui peuplaient ce pays, ainsi qu'aux monuments, aux édifices tant anciens que modernes, qui en décoraient le sol. On pourrait avec raison, ajoute-t-il, appeler l'auteur de cet ouvrage, le Varron de l'Égypte musulmane1. Ne sont-ce pas là des titres suffisants pour attirer l'attention et l'intérêt des archéologues sur une construction aussi évidemment appartenante à l'astronomie d'observation que celle qu'il signale dans ce passage? Puisse cette citation, rapprochée des témoignages postérieurs que j'ai rapportés, dissiper enfin le préjugé, qui a, pendant si longtemps, frappé de réprobation l'étude des monuments égyptiens d'époques grecque ou romaine! Ce sont précisément ceux-là qui peuvent nous servir comme d'interprètes pour comprendre les représentations mystérieuses que nous offrent les monuments des Pharaons. Qu'un archéologue intelligent se dévoue aujourd'hui à explorer l'intérieur du temple de Denderah, avant que la main du temps et celle de l'homme aient achevé de le détruire. Qu'il relève avec soin les places, les orientations, les formes, les directions de celles de ces ouvertures qui subsistent encore. Qu'il fasse dessiner avec fidélité les scènes astronomiques sur lesquelles chacune projette la lumière, sans omettre les légendes hiéroglyphiques dont elles sont accompagnées. Qu'il joigne à cela les dessins, non pas de tous les autres tableaux astronomiques dont les murs du temple étaient recouverts, ce serait un travail immense; mais au moins de ceux qui étaient tracés sur les parois des étages supérieurs, principalement autour de la chambre du zodiaque, et de celles, tant couvertes que découvertes, qui lui étaient contiguës. Cet ensemble de documents nous fournirait sur les procédés d'observations et le symbolisme de l'ancienne astronomie égyptienne, infiniment plus de données instructives qu'on n'a pu, jusqu'à présent, en recueillir.

B.

Biographie universelle, article Makrizi.

ETUDE SUR L'IDIOME DES VÉDAS ET LES ORIGINES DE LA Langue SANSCRITE, par Ad. Regnier. Première partie. Paris, 1855, typographie de Ch. Lahure, grand in-4° de xvI-205 pages.

Bien que M. Ad. Régnier n'ait fait paraître que la première partie de son ouvrage, nous pouvons en juger déjà la pensée entière et le mérite. L'idiome des Védas, comparé à la langue qui l'a suivi, et qu'on trouve à de longs siècles d'intervalle dans les codes de Manou et de Yâdjnavalkya, dans les poëmes épiques et dans les commentaires, a des caractères particuliers qui le distinguent. Cet idiome primitif, tout en étant la source des progrès ultérieurs, a son originalité propre, qui le sépare de tout ce qui est venu après lui pour le compléter, l'assouplir et le changer. Quels sont les rapports du style védique avec le sanscrit ordinaire? telle est la question que s'est posée M. Ad. Régnier, et qu'il a résolue en très-grande partie dans le volume dont nous allons rendre compte. Ces rapports peuvent être considérés à trois points de vue différents d'abord les racines, tant nominales et verbales que pronominales; puis la formation des mots, flexions et désinences, affixes et suffixes; et enfin la syntaxe. Le volume que nous avons sous les yeux traite des racines et de la formation des mots; la seconde étude, que nous promet l'auteur, traitera plus spécialement de la syntaxe.

:

Pour M. Ad. Régnier, cette recherche se lie à une question plus vaste, dont il ne fait que poser ici les premiers fondements: c'est celle de la syntaxe sanscrite. Il a pensé avec pleine raison que pour résoudre ce difficile problème, jusqu'à présent à peine abordé par les philologues les plus habiles, il fallait procéder par ordre, et réunir plusieurs syntaxes partielles pour édifier le système de la syntaxe totale. Ainsi la syntaxe des Védas n'est pas la syntaxe des Brahmanas et des Oupanishads; elle est encore moins celle de la poésie, de la législation ou de la philosophie, et surtout du commentaire. Elle comporte donc des recherches qui ne s'adressent qu'à elle seule; et comme elle est la première en date, c'est elle qu'il faut interroger la première. Les documents qu'elle fournira seront à la fois les plus anciens et les plus précieux; ils seront les plus féconds, et peut-être aussi les plus clairs; en voyant le point de départ, on comprendra mieux les développements si variés et si complexes que plus tard l'esprit indien en a tirés.

Nous ne saurions trop approuver cette excellente méthode, c'est la seule qui soit vraiment scientifique et vraiment sûre; elle ne peut jamais

s'égarer, puisqu'elle ne procède qu'en s'appuyant sur les faits les plus certains et les plus évidents. Dans plusieurs passages de son livre, M. Ad. Régnier a rappelé avec un pieux sentiment de reconnaissance qu'il était l'élève de M. Eugène Burnouf, dont on ne saurait déplorer ni trop souvent ni trop vivement la perte irréparable. Mais M. Ad. Régnier ne s'en est pas tenu à cette expression d'une juste admiration : il a mieux fait que louer son maître et son ami; il est resté fidèle à ses leçons et à l'esprit de son enseignement; il n'a voulu marcher dans la carrière qu'il s'était tracée qu'avec cette exactitude et cette prudence dont Eugène Burnouf nous a offert un modèle accompli. Dans des études si belles et si neuves, le vertige a saisi plus d'une intelligence; et l'on a souvent donné à l'hypothèse et à l'imagination beaucoup plus qu'il ne fallait. Eugène Burnouf s'est toujours garanti de ces entraînements fàcheux; il a montré par tous ses ouvrages qu'on pouvait faire de très-grandes découvertes sans rien livrer au hasard, et que la science la plus réservée et la plus patiente est en même temps la plus assurée des résultats qu'elle poursuit. C'est ainsi qu'il avait procédé dans son Commentaire sur le Yaçna, dont il n'a expliqué que quelques chapitres, tout en fondant l'étude de la langue Zende, et dans ses deux admirables ouvrages, également inachevés, l'Introduction à l'histoire du Bouddhisme indien et le Lotus de la Bonne loi. M. Ad. Régnier est de cette sage école; et sa méthode, fruit d'une heureuse tradition, fait honneur à la fois au maître qui l'a inspirée et à l'élève qui a su la recueillir et la continuer.

M. Ad. Régnier pousse même plus loin le scrupule, et il a cru devoir justifier l'entreprise qu'il tente, parce qu'à ses yeux sans doute elle peut surprendre quelques esprits par sa nouveauté et sa hardiesse. Il explique, dès ses premières pages, par quel concours de circonstances favorables les études sanscrites, commencées il y a un demisiècle, ont pu grandir si vite et si sûrement; et par là il explique aussi comment on peut de nos jours se demander déjà ce qu'est l'idiome védique, et le comparer aux autres monuments de la langue sanscrite. A considérer la chose d'une manière générale et superficielle, il est certain qu'on pourrait supposer que cette étude des Védas est aujourd'hui prématurée, et qu'il aurait peut-être mieux valu l'ajourner jusqu'à plus ample informé. Mais à y regarder de près, on se convainc que la question est mûre dès à présent et qu'on peut la traiter, si l'on a le talent nécessaire, avec toute chance de réussir, même dans un premier essai.

M. Ad. Régnier voit deux causes à cette rapidité des progrès qu'ont faits presque sous nos yeux les études sanscrites: en premier lieu, la perfection des méthodes dont peut disposer la philologie moderne, et, en

second lieu, les secours que lui ont prêtés les grammairiens et les commentateurs indiens. Ces deux causes sont très-certaines; et l'on peut affirmer que sans les études dont les langues classiques et les langues sémitiques ont été les constants objets depuis plusieurs siècles, les études sanscrites n'auraient été ni aussi faciles ni aussi fructueuses. On avait des instruments admirables dès longtemps éprouvés; on n'a eu qu'à les appliquer à une science nouvelle, tandis que nos devanciers avaient eu à se créer peu à peu ces instruments puissants et délicats. Notre âge les trouvait tout faits; il suffisait donc de s'en servir sur les trésors que l'Inde nous livrait. D'un autre côté, on peut affirmer avec non moins de vérité, que sans les secours de toutes sortes que nous offrait la philologie indigène, toujours si profonde, quoique souvent subtile et bizarre, nous eussions bien moins réussi, et nos conquêtes eussent été beaucoup plus lentes; privés des guides que l'Inde nous donnait, et qui nous conduisaient sans nous diriger, nous aurions pu nous égarer assez longtemps, ou du moins avancer beaucoup plus doucement. Ainsi, excellence des méthodes, abondance de secours étrangers, voilà ce qui a rendu si aisée et si sûre la marche de notre philologie sanscrite, et ce qui lui fera dans l'histoire de la science une part qui ne sera qu'à elle.

A ces deux raisons que donne M. Ad. Régnier, j'en ajoute une troisième, qui ne me paraît pas moins puissante : c'est la perfection inême de la langue sanscrite, la plus savante sans aucune comparaison, la plus régulière et la plus riche que les hommes aient jamais parlée ou écrite. J'ai récemment essayé de démontrer que, seul parmi tous les peuples, le peuple indien avait su composer de toutes pièces un alphabet systématique et complet, et j'ai fait voir que l'organe humain ne possédait pas une articulation essentielle que cet alphabet incomparable n'eût connue et n'eût classée, comme elle devait l'être, à son rang propre et dans ses rapports avec les autres articulations. Cette perfection que je signalais dans l'alphabet se retrouve à peu près au même degré dans toutes les autres parties de la langue; et la formation des mots, racines ou dérivés, avec toutes leurs flexions si nombreuses et si fines, est une espèce de chef-d'œuvre, dont le sanscrit a eu seul le secret. Lors donc que les philologues contemporains ont appliqué les méthodes modernes à l'étude de ce merveilleux idiome, ils se sont trouvés aux prises avec un organisme achevé dont toutes les parties se tenaient avec une prodigieuse symétrie. Il a suffi d'avoir compris à fond quelques-unes seulement de ces parties pour arriver à comprendre tout le reste. Une logique aussi simple qu'impérieuse conduisait les recherches de proche

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