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qui furent publiés dans le cours du vir° siècle. En 606, c'est une description statistique de quarante-quatre royaumes, rédigée d'après un décret impérial, par Feï-kiu, en trois livres. Elle est intitulée : Mémoires sur les contrées situées à l'occident de la Chine, avec des cartes géographiques. Vers la même époque, on publia encore une Description statistique des contrées occidentales, en trois livres, et un Mémoire sur les distances itinéraires des pays occidentaux, en trois livres également. Ces trois ouvrages appartiennent à la dynastie des Souï. La dynastie des Thang, dits les grands Thangs, qui monta sur le trône en 618, provoque et favorise les recherches de statistique et de géographie avec une ardeur qui ne se ralentit pas. En moins de cinquante ans, il paraît cinq ouvrages: un Routier des contrées occidentales, par Tching-sse-tchang; une Relation d'un voyage dans les contrées occidentales, par Weï-hong-ki. Dans l'an 648, l'empereur envoie dans l'Inde un des hauts fonctionnaires de l'empire, nommé Wang-youen-tse, qui, à son retour, publie un Mémoire sur son voyage dans l'Inde centrale. Un ouvrage beaucoup plus important que tous ceux-là, à ce qu'il semble, c'était la Description géographique et statistique des contrées occidentales, avec des cartes. Terminé en 658, il fut présenté cette même année à l'empereur. Il comprenait quarante livres. Enfin, huit ans plus tard paraissait un autre ouvrage qui était le résumé et le complément de tous les précédents. «La perte la plus dé«plorable, dit M. Stanislas Julien, est certainement celle de la Descrip«tion des contrées occidentales, en soixante livres, avec quarante livres « de dessins et de cartes, qui, rédigée en vertu d'un décret par plusieurs « écrivains officiels, d'après les mémoires des voyageurs religieux et « laïques les plus célèbres, parut, en 666, aux frais de l'État, avec une <<< introduction de l'empereur Kao-thsong 1. >>

Il serait facile, je crois, à l'érudition de M. Stanislas Julien, de multiplier ces indications; et il semble même espérer qu'on retrouvera bientôt en Chine de nouveaux monuments de cet ordre, différents de ceux que je viens d'énumérer d'après lui.

Ceux-là suffisent pour montrer que la science statistique et géographique de Hiouen-thsang n'est pas un fait isolé, et qu'il prend sa part dans un mouvement très-actif d'études et de recherches analogues aux siennes. Ce qui l'attire dans l'Inde et ce qu'il y voit surtout, ce sont les monuments de la foi bouddhique. D'autres vont y observer les productions du sol, la situation politique des royaumes et des peuples,

1

M. Stanislas Julien, Histoire de la vie de Hiouen-thsang et de ses voyages, préface, p. 1 et suiv., et p. LXXIX; el Mémoires de Hiouen-thsang, p. xx.

leurs moyens de défense, ou leurs moyens d'échanges, leurs mœurs et leurs besoins. Mais tous ces voyages, quel qu'en soit l'objet, attestent, de la part de la Chine une grande préoccupation; et c'est un phénomène assez remarquable que ces relations, si actives dans les premiers siècles, se soient plus tard tellement ralenties, et qu'elles aient complétement cessé, longtemps même avant l'occupation de l'Inde par les Anglais. Il est vrai qu'une fois le bouddhisme solidement établi dans l'Empire du Milieu, il a été moins nécessaire de remonter à la source d'où il était sorti, et les pèlerinages ont été d'autant moins fréquents que le Bouddha était plus honoré, si ce n'est mieux compris, par ses sectateurs chinois.

D'ailleurs, la reconnaissance des bouddhistes de la Chine n'a pas été moins vive que leur dévotion. De très-bonne heure, les fidèles, pour montrer combien ils appréciaient les services rendus à leur foi, songèrent à consigner d'une manière authentique le souvenir de ces services, en écrivant la biographie des religieux les plus illustres. La bibliothèque de Saint-Pétersbourg, qui peut aisément s'enrichir par la mission de Péking, ne possède pas moins de huit grands ouvrages de biographies sur les bouddhistes célèbres, et quelques-uns de ces vastes ouvrages ont des vingtaines de volumes in-4°. La plus ancienne de ces biographies remonte au vr siècle de notre ère, et elle est, par conséquent, antérieure de cent ans environ au voyage de Hiouen-thsang. La plus récente est presque de nos jours, puisqu'elle est de la fin du siècle dernier. Ainsi Hiouen-thsang pouvait trouver, dans l'estime publique dès longtemps acquise aux religieux aussi courageux et aussi dévoués que lui, une incitation puissante à son audacieuse tentative; et son zèle, tout désintéressé qu'il était, pouvait se laisser séduire par l'espoir d'une récompense aussi délicate.

Mais je laisse de côté tous ces faits, qui sont en partie connus, et que j'ai déjà rappelés dans une autre occasion. Si j'ai cru devoir y revenir de nouveau, c'est qu'ils m'ont paru une introduction utile aux Mémoires de Hiouen-thsang, que je vais maintenant aborder.

BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE.

(La suite à un prochain cahier.)

NOUVELLES Recherches sur LA DIVISION de l'année DES ANCIENS ÉGYPTIENS, par M. Henri Brugsh. Berlin, 1856.

TROISIÈME ARTICLE1.

Boileau, dans une de ses lettres à Racine, déclare que les transitions lui paraissent le plus difficile chef-d'œuvre de la poésie. Elles ne sont guère moins difficiles à ménager dans la simple prose; et elles deviennent d'une impossibilité presque absolue, quand on doit traiter avec suite un même sujet, dans des articles disjoints, qui se succèdent à un ou plusieurs mois de distance. Tel est le cas où je me trouve aujourd'hui. Ne voyant donc pas moyen d'en sortir par quelque artifice littéraire, j'admettrai résolûment que le lecteur se souvient encore des questions que je lui ai proposées à la fin de l'article précédent; et, partant de là, je n'aurai plus qu'à les lui faire résoudre.

La première consiste à chercher après quels intervalles de temps, la notation figurée de l'année égyptienne revient en concordance avec les phases solaires, de manière à reprendre son application physique.

Ceci est un problème d'arithmétique très-simple; surtout quand on suppose que l'année solaire comprend juste 365, comme l'ont fait tous les écrivains de l'antiquité, à l'exception de Ptolémée; même, après qu'Hipparque eut prouvé que cette évaluation était trop forte d'environ de jour. Il faut donc nous placer d'abord dans leur préjugé, pour nous rendre compte des résultats qu'ils ont obtenus.

300

L'année solaire étant supposée de 365, chaque année égyptienne de 365 retarde sur elle de de jour. Pour savoir après combien d'années pareilles ce retard sera égal à une année solaire entière, il faut diviser 365 par de jour. Le quotient est 1461 années égyptiennes de 365, pendant lesquelles il aura dû s'écouler un nombre d'années solaires moindre d'une unité, conséquemment 1460. En effet, ces deux multiples des deux années supposées sont égaux en durée l'un à l'autre, comme comprenant le même nombre de jours, ce qu'il est facile de constater. Tel sera donc l'intervalle des concordances, dans les conditions de calcul que nous avons admises. C'est ce que dit Géminus, et ce qu'ont répété après lui tous les auteurs anciens qui ont parlé des

1

Voyez, pour le premier article, le cahier d'avril, page 221, et, pour le deuxième, celui de mai, page 288.

évolutions de l'année égyptienne dans l'année solaire'. Les nombres 1461 et 1460 sont devenus pour eux des types consacrés.

Le mode de calcul est exactement le même, quand on l'applique à la véritable durée de l'année solaire; mais les résultats sont différents. Cette durée varie quelque peu avec le temps, à cause des inégalités de diverses sortes qui affectent le mouvement apparent du soleil. En l'évaluant d'après les formules de la Mécanique céleste, pour les époques anciennes que nous avons ici à considérer, si l'on compte le temps en années juliennes à partir de l'ère chrétienne, comme le font les chronologistes, en désignant par le signe - celles qui sont antérieures à cette ère, on lui trouve les valeurs suivantes :

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Toutes les époques auxquelles nous devrons l'appliquer étant comprises entre ces deux dates, nous pouvons sans scrupule lui attribuer pour valeur moyenne 365,2425. En outre, dans tout cet intervalle de temps, 1506 années égyptiennes de 365 jours ont été équivalentes à 1505 années solaires, à de jour près, en plus ou en moins, comme je le montre ici en note2. Nous pourrons donc employer cette équivalence comme tout à fait exacte, dans les énoncés d'intervalles pareils.

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100

Ici je ne puis me dispenser de répudier un héritage d'erreur qui s'est perpétué dans l'érudition moderne, et qui fausserait inévitablement toutes les recherches qu'elle peut avoir à faire sur les phénomènes astronomiques des temps reculés. Admettant par exemple, comme un fait assuré, que les anciens Égyptiens ont pu tout au plus connaître l'année solaire de 365, on ne veut, pour l'ordinaire, employer que celle-là, dans les études relatives à leurs traditions et à leurs monuments. C'est là une pratique très-vicieuse à deux points de vue. Car, d'abord, si, conformément au témoignage unanime des écrivains grecs et romains qui ont parlé d'eux, on accorde qu'ils ont noté et enregistré

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• Géminus, Introduction aux phénomènes, chap. VI, Des mois. - Nommons V la durée de l'année égyptienne comprenant 365 jours; et S la durée de l'année solaire vraie aux deux époques ici considérées. En attribuant à celles-ci les valeurs que j'ai rapportées dans le texte, on trouvera par le procédé de la multiplication arithmétique, les égalités suivantes :

En l'an 250; 1506 V
En 4250; 1506 V

=

1505 S+0,1880; = 1 1505 S-01130,

ce qui justifie les résultats que j'ai énoncés.

minutieusement les mouvements apparents des astres pendant de longues suites de siècles, à mesure qu'ils les voyaient s'opérer, il n'est nullement impossible que l'excès de cette évaluation, qui était d'à peu près 1 jour en 120 ans vagues, leur soit devenu sensible; et cela paraîtrait même vraisemblable si l'on osait prendre à la lettre le remarquable passage dans lequel Strabon raconte les renseignements que lui ont donnés sur ce sujet les prêtres égyptiens1. Mais en laissant ce point indécis, cela ne nous autorise aucunement à employer nous-mêmes cette fausse évaluation de l'année solaire, pour remonter aux époques véritables des phénomènes célestes sur lesquels ils ont pu établir leurs traditions, ou pour calculer les périodes d'intermittence qui les ramenaient. Ainsi, parce que Géminus, et après lui tous les auteurs anciens, nous disent que la durée de l'évolution de l'année vague dans l'année solaire, comprend 1461 années de 365 jours, ce n'est pas à nous de les suivre dans leur fausse croyance. Mais nous devons effectuer cette évaluation d'après la véritable durée de l'année solaire que j'ai tout à l'heure rapportée; car nous n'avons pas à nous inquiéter de ce qu'ils ont pu croire, mais de ce qui a eu lieu réellement.

0,2425

Raisonnant donc sur ces nombres comme nous l'avions fait tout à l'heure sur des données moins exactes, le retard de chaque année égyptienne dans l'année solaire vraie ne sera plus de jour, mais o1,2425. Ainsi, le nombre d'années égyptiennes qui rendra ce retard égal à une année solaire entière sera 35. La division effectuée donne pour quotient 1506 plus 5 ou un peu moins de 2 mois. Si nous consentons à négliger ce faible excédant, le nombre d'années solaires écoulées pendant le même temps sera 1505, puisqu'il doit toujours être d'une unité moindre que l'autre. Tel sera donc le véritable intervalle des concordances de la notation avec le ciel, fort différent de celui que nous avait donné l'évaluation inexacte de l'année solaire, admise par les anciens. Toutefois, en l'adoptant comme préférable, il ne faudra pas oublier qu'il n'est pas tout à fait rigoureux, à cause de la petite fraction que nous y avons négligée. Car il peut se présenter des occasions de recherches, où il serait nécessaire d'en tenir compte.

En multipliant le retard annuel 0,2425 par 30 et par 120, on obtient les résultats suivants :

'Strabon, liv. XI.

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