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en même temps fourni préalablement la semaille. Hiouen-thsang atteste aussi qu'aux gués des rivières et aux barrières des chemins, on avait établi des perceptions qui étaient pour le trésor royal une source de revenus. L'administration, d'ailleurs, ne commandait jamais un travail sans le payer équitablement; et les enrôlements des soldats étaient volontaires, l'appât des récompenses qu'on leur offrait suffisant pour les attirer et les retenir dans les rangs de l'armée. Tous les employés de l'État, à tous les degrés, vivaient du produit des terres qui leur étaient assignées pour le salaire de leurs services.

Le chapitre de l'agriculture, quoique peu développé, est très-curieux. Hiouen-thsang énumère les principaux arbres fruitiers que l'on cultive, les céréales, les légumes et plantes potagères. Il énumère aussi les principaux aliments, végétaux ou animaux, dont les Indiens se nourrissent, les viandes qui sont permises et celles qui sont proscrites, les boissons, les ustensiles de cuisine et de table, etc. Il remarque que les Indiens ne se servent de cuillers que quand ils sont malades, et que d'ordinaire ils mangent avec leurs doigts.

Enfin, Hiouen-thsang dit quelques mots des métaux précieux que l'Inde, selon lui, produit en abondance, et à la tête desquels il place l'or et l'argent, qui servent de monnaie courante dans les échanges et dans les transactions commerciales, où l'on admet aussi comme monnaie des perles et des coquilles à perles.

Tel est l'ensemble des matières traitées avec plus ou moins d'étendue et d'exactitude dans la Notice sur l'Inde, qui ouvre le deuxième livre des Mémoires; et l'auteur, avant de poursuivre son récit, sent le besoin de se résumer et de rappeler à ses lecteurs le but qu'il s'est proposé en leur présentant ces récits si divers et, parfois, un peu incohérents. Cette précaution de l'auteur chinois, que, d'ailleurs, ce soit Pien-ki ou bien Hiouen-thsang, est certainement fort louable; et à elle seule elle suffirait pour indiquer une grande habileté de composition et de style. D'après l'analyse que je viens de faire de sa Notice sur l'Inde, et que j'ai tenu à montrer dans toutes ses parties, on doit voir assez nettement quel est le procédé de l'auteur chinois et quel est son mérite. Au fond, la manière de comprendre les choses et de les présenter est tout à fait analogue à notre propre manière; et un voyageur de nos jours qui irait explorer l'Inde pour la décrire sous tous ses aspects ne pourrait adopter une autre méthode. Il en est même plus d'un sans doute qui n'adopterait pas une méthode aussi claire et aussi sûre que celle de Hiouen-thsang; et je ne crois pas faire tort aux touristes de notre temps en disant que tous n'ont pas l'esprit aussi juste et aussi

droit. Rien n'est approfondi, j'en conviens, dans les recherches du pèlerin chinois; mais tout y est indiqué et tout y est rangé dans un ordre convenable. C'est beaucoup; et, quoique la science avec ses exigences actuelles puisse trouver à redire à bien des choses, c'est un phénomène très-curieux que ce talent d'exposition d'auteurs chinois du vir° siècle de notre ère. A cette même époque, personne, en Europe, n'eût peutêtre été capable de faire de tels livres; et j'ai voulu signaler encore une fois ce singulier mérite des écrivains de la Chine, dont, en général, on ne se doute guère.

Je vais maintenant poursuivre avec Hiouen-thsang son intéressant voyage, tel qu'il se présente dans ses Mémoires, à partir du royaume de Lampâ.

BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE.

(La saite à an prochain cahier.)

RECHERCHES Expérimentales sUR LA VÉGÉTATION, par M, Georges Ville (Paris, librairie de Victor Masson, place de l'École de médecine, 1853, VIII et 133 pages, 2 planches et figures dans le texte). Examen précédé de considérations sur différents ouvrages d'agriculture et sur différentes recherches relatives à l'agriculture et à la végétation des XVIII et XIXe siècles.

SEPTIÈME ARTICLE 1.

SENEBIER.

Mémoires physico-chimiques sur l'influence de la lumière solaire pour modifier les êtres des trois règnes de la nature, et surtout ceux du règne végétal, 3 volumes in-8°, chez Barthélemy Chirol, libraire, 1782.

Recherches sur l'influence de la lumière solaire pour métamorphoser l'air fixe en air pur par la végétation avec des expériences et des considérations propres à faire connaître la

1 Voyez, pour le premier article, le cahier de novembre 1855, page 689; pour le deuxième, celui de décembre, page 767; pour le troisième, celui de février 1856, page 94; pour le quatrième, celui de mai, page 286; pour le cinquième, celui de juin, page 360; et, pour le sixième, celui d'août, page 473.

nature des substances aériformes, par J. Senebier. Genève, Barthélemy Chirol, 1783, partie chimique de la Physiologie végetale de l'Encyclopédie méthodique, 1791. Physiologie végétale, par J. Senebier. Geneve, Paschoud, 1800, 5 volumes in-8°. Expérience sur la germination des plantes, par E.-A. Lefebure, à Strasbourg, de l'imprimerie de Louis Eck, rue des Frères, no 2, an IX.

Memoire sur l'influence de l'air et des différentes substances gazeuses dans la germination de différentes graines, par les citoyens J. Huber et J. Senebier, 1 volume in-8°, an ix (1801).

On a vu les difficultés qu'il a fallu surmonter avant de parvenir à formuler, en termes précis, l'amélioration par les végétaux de l'air que la respiration et la combustion des combustibles carburés ont vicié.

Nous avons cherché à faire la part de Priestley, d'Ingen-Housz et de Senebier, dans les travaux et les découvertes dont l'article précédent est le résumé. Il n'aura pas paru trop long, nous l'espérons du moins, à ceux qui pensent que l'exposé d'une branche des connaissances humaines, quelque simples qu'on en suppose les ramifications, pour être complète et parfaite, doit comprendre l'histoire critique des travaux qui ont fait cette branche ce qu'elle est au moment où on veut la con

naître.

Mais, en attribuant à Senebier la part qu'il a prise à la découverte du grand fait physiologique dont nous avons tracé l'histoire, nous nous sommes abstenu des détails, les ayant réservés pour cet article, dont une grande partie sera consacrée à l'ensemble de ceux des travaux de ce savant qui rentrent dans l'histoire chimique des corps vivants.

Exposé des travaux de Senebier concernant les relations de l'acide carbonique avec la végétation.

Senebier fit, en 1782, une observation capitale lorsqu'il constata l'influence exercée par l'air fixe sur la quantité et la qualité de l'air déphlogistiqué qui se dégage des feuilles exposées dans l'eau à l'action du soleil, et encore des parties vertes de l'écorce et des fruits qui ne sont pas mûrs soumises à la même influence1, mais dater de cette époque même la découverte de l'origine du carbone fixé dans les végétaux, parce que, dirait-on, cette fixation est la conséquence du dégagement de l'oxygène de l'acide carbonique, serait une incontestable erreur. On en sera convaincu, si on se rappelle que Senebier, comme Priestley, professait la théorie du phlogistique, et que celle-ci ignorait la vraie nature de l'air fixe.

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Selon Priestley, l'air fixe, uni à l'air déphlogistiqué de l'atmosphère, s'en précipitait, lorsque cet air déphlogistiqué s'unissait au phlogistique; de là l'origine de l'air fixe qui apparaissait dans la combustion du bois, du charbon, de la cire, du suif et dans la respiration. Enfin, l'air déphlogistiqué, après avoir enlevé le phlogistique aux combustibles que nous venons de nommer, était-il absorbé par les végétaux, il leur cédait ce même phlogistique, et, redevenu libre, se dégageait dans l'atmosphère. Voilà l'explication de Priestley.

Senebier concevait les choses différemment; l'air fixe, selon lui, formé d'air pur et de phlogistique, une fois absorbé par les plantes, subissait une décomposition sous l'influence du soleil; l'air pur se dégageait du végétal, tandis que le phlogistique s'y fixait. L'air pur, une fois répandu dans l'atmosphère, s'y phlogistiquait de nouveau, et, redevenu air fixe, en vertu de la pesanteur (densité) il descendait sur la terre et les eaux où vivent les plantes, et contribuait, sous cette forme, à leur accroissement. L'air pur était donc, dans la pensée de Senebier, un véhicule qui transmettait le phlogistique de l'atmosphère aux végétaux, tandis que, dans la pensée de Priestley, l'air fixe était indépendant de l'air pur qui se dégageait des feuilles et du phlogistique qui se fixait dans la plante.

Senebier n'avait aucune idée juste de la différence existante entre l'air fixe (acide carbonique) et l'air phlogistiqué (azote), car il admettait que celui-ci ne différait de l'air fixe que par une saturation plus complète de phlogistique; aussi croyait-il que l'air fixe, en se phlogistiquant, devenait air phlogistiqué1. Il pensait encore que l'air phlogistiqué gagnait la région supérieure de l'atmosphère en raison de sa légèreté, tandis que l'air fixe en gagnait la région inférieure en raison de sa densité. Enfin, quoique Lavoisier eût démontré, en 1781, que l'air fixe a pour éléments l'oxygène et le carbone, Senebier le considérait, en 1782, comme un composé d'air pur (oxygène) et de phlogistique.

Or cette composition, formulée en ces termes, ne permettait pas qu'on se rendît compte de l'origine du carbone dans les plantes, par la raison que leur inflammabilité ne tenant pas en réalité à un principe unique, mais à deux, le carbone et l'hydrogène, l'air fixe, tel que Senebier l'envisageait, pouvait renfermer de l'hydrogène tout aussi bien que du carbone.

1

Une preuve du vague des idées de Senebier sur l'étendue de l'in

Recherches sur l'influence de la lumière solaire pour métamorphoser l'air fixe en air pur par la végétation, 1783, p. 259.

fluence de l'acide carbonique dans la végétation, est le titre même du livre qu'il publia, en 1783, comme la suite de ses trois volumes de mémoires relatifs à l'influence de la lumière solaire sur les êtres des trois règnes de la nature, imprimé l'année précédente. En effet, ce nouveau volume est intitulé Recherches sur l'influence de la lumière solaire POUR MÉTAMORPHOSER L'AIR FIXE EN AIR PUR par la végétation, avec des expériences et des considérations propres à faire connaître la nature des substances aériformes. L'auteur est donc plus préoccupé de la métamorphose de l'air fixe en air pur que de sa décomposition. Aussi dit-il : « ...Changer « en air déphlogistiqué un acide matériel, que le feu seul ne peut facilement volatiliser, opérer ce changement par le moyen d'une feuille <«< verte exposée au soleil dans une eau imprégnée de cet « acide, eût « été une transmutation aussi importante pour l'avancement de nos <«< connaissances, et aussi curieuse aux yeux de la raison que celle d'un «< corps quelconque en or ou en argent. Frappé de ces idées, je pris la peine de recommencer ces expériences... » (Page 27.

་་

Il essaye, mais en vain, de décomposer plusieurs acides, et notamment le sulfurique, par les feuilles, et, tout en avouant que ses nouvelles expériences sont contraires à ses prévisions (pages 76 et 77), cependant il n'y renonce pas absolument. Quoi qu'il en soit, il reconnaît qu'un acide, ajouté à une eau dans laquelle l'air fixe est uni à une base alcaline, telle que la chaux, favorise l'émission de l'air pur, parce qu'en saturant cette base, il met l'air fixe en liberté, et que celui-ci, en pénétrant dans les feuilles, peut y être décomposé sous l'influence de la lumière.

Enfin, une dernière preuve que Senebier n'avait, en 1783, qu'une idée bien vague de la nature de l'air fixe, c'est qu'il admet avec le comte Morozzo comme évidente la conversion de l'air fixe de la craie en air ni

treux.

Ingen-Housz n'adopta pas l'opinion de Senebier1. Selon lui, «les «< plantes absorbent continuellement, pendant le jour, une quantité très<«< considérable d'air commun; et, après en avoir pris pour leur nourri«<ture le phlogistique, le répandent de nouveau dans l'atmosphère dans «l'état d'un vrai vidange (sic) ou d'un vrai excrément, mais dans un état « propre à pouvoir alors servir à la conservation de la vie des ani

«maux 2. >>

Ce n'est qu'en 17913 que Senebier résuma de la manière suivante le rôle de l'air fixe dans la végétation, relativement au carbone. «Je crois

1

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3

1 Journal de physique, tome XXIV. Tome XXV, page 439. - Physiologie végétale de l'Encyclopédie méthodique, article Feuilles, page 96.

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