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sur un cheval pris dans ses écuries et qu'avaient désigné les prisonniers dans leurs aveux, fut soupçonné, mais ne fut pas cette fois poursuivi. On le crut complice de la conspiration sans pouvoir le prouver1. Ses coffres qu'on fouilla, les papiers de la Renaudie, pris sur son secrétaire La Bigne, qui, pour se sauver, livra tous les secrets de la conspiration, ne fournirent aucun témoignage direct contre lui. Il fit lui-même trèsbonne contenance, et déconcerta ses ennemis en les bravant. Peu de temps après, le jeune François II ayant été conduit par la reine mère à Chenonceaux, le prince de Condé s'approcha de lui, et, en présence des princes lorrains ses oncles, des chevaliers de l'ordre et d'une cour nombreuse, il le supplia de vouloir bien l'écouter un moment. Après avoir rappelé sa naissance, les services qu'il avait rendus, le peu d'égards qu'on montrait pour lui, et avoir laissé entendre que les affaires du royaume seraient aussi sûres dans ses mains que dans celles des Guise, il ajouta : « J'ai su qu'on dit à la cour que j'étais le chef des conspira«teurs contre la personne du roi mon souverain seigneur. Jamais rien « de pareil ne m'est entré dans la pensée, et je déclare, avec la per« mission du roi, que qui que ce soit qui l'a dit en a méchamment et faussement menti. Je m'offre à le maintenir contre quelque personne « que ce soit, grande ou petite, sauf le roi et ses frères, et, pour ce cas << seulement, je renonce à ma qualité, qui me sépare de celui qui ose«rait soutenir le contraire 2. »>

Pendant qu'il prononçait fièrement ces paroles, écrit l'ambassadeur d'Espagne à Philippe II, le cardinal de Lorraine troublé tenait les yeux fixés en terre, et ne dit pas un seul mot. Le duc de Guise répondit au prince qu'il ne pensait pas que Sa Majesté très-chrétienne eût une telle opinion de lui, et que tout le monde devait se réjouir du témoignage qu'il donnait lui-même de ses bons sentiments. Cet acte d'audace, ajoutait Chantonnay, les uns le prirent pour une justification, les autres pour une bravade 3. Il grandit beaucoup le prince de Condé dans l'opinion de ses ennemis comme dans celle de ses partisans.

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François II disait lui-même, dans sa lettre du 9 avril au roi de Navarre, que les prisonniers avaient déclaré que son frère, le prince de Condé, connaissait depuis longtemps toute l'entreprise et qu'il était de la partie. Mais, ajoutait-il, « je me doublay incontinent que, ou ces belistres-là disoient telles choses pensant prolonger leur vye, ou bien que cela leur avoit esté donné à entendre par Maligny, qui « n'est pas plus homme de bien qu'eux. » (Mémoires de Condé, t. I, p. 398 à 402.) Ces mots, que rapporte Chantonnay dans sa dépêche du 10 avril à Philippe II, sont à peu près semblables à ce que font dire à Condé les historiens contemporains. Mais le récit de l'ambassadeur, dans ce qui suit, diffère de celui de la plupart des historiens. (Papiers de Simancas, B. 11, no 122.) —3. El cardenal estava presente te

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Telle fut la conduite et l'issue de cette conspiration, justement appelée le tumulte d'Amboise. Comme conjuration, l'entreprise n'était pas assez restreinte; comme agression, elle n'était pas assez bien concertée. Il fallait ou surprendre les Guise sans qu'ils fussent prévenus, ou les attaquer sans qu'ils pussent se défendre. Pour la surprise, un secret inviolable était nécessaire; pour l'attaque, une force irrésistible. Participant à la fois de la conspiration et de la guerre, l'entreprise manqua et de secret et de puissance. La conspiration fut découverte, l'attaque fut déconcertée. Comment en eût-il été autrement? D'une part, comment conspirer en France, en Suisse, en Allemagne, sans que ceux contre lesquels on conspirait en fussent instruits; et de l'autre, comment tirer de tant de lieux une armée véritable, la conduire à travers la France sur les bords de la Loire, l'y faire arriver avec assez de précision, l'y faire agir avec assez d'ensemble, pour déjouer les précautions infailliblement prises, et vaincre de haute lutte des ennemis préparés et disposant, pour se défendre, de toute la puissance royale? Le succès de l'agression n'était pas plus présumable que le succès de la surprise, puisque le complot ne comportait point la possibilité du secret, ni l'attaque la possibilité du concert. L'entreprise échoua donc également par la divulgation inévitable du projet, et par la confusion non moins inévitable de la tentative.

Tout n'était cependant pas fini. Les protestants de France, que depuis lors on appela huguenots, à cause des huguenots de Genève, qui avaient eux-mêmes reçu ce nom lorsqu'ils avaient été admis parmi les eidgenossen ou confédérés de la Suisse, les protestants de France ne furent pas disposés à accepter leur défaite et à subir sans résistance de nouvelles persécutions. Le roi, ayant dit dans les lettres du 31 mars qu'il avait adressées au parlement sur la conjuration d'Amboise, que cette conspiration, naguères découverte, avait été, par la bonté de Dieu, soudainement rompue, ils réfutèrent ces lettres en les attribuant au cardinal de Lorraine. «L'orateur s'abuse, dirent-ils, cuidant que l'entreprise (qu'il

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niendo los ojos en tierra, sin hablar palabra, mostrando solamente descontentamiento de lo que passava. Mons. de Guisa respondio al principe que él no pensava que Su Magestad christianissima tuviesse tal opinion del y que todos se devian holdel testimonio que dava de su buen animo. Muchos de los que estavan presentes notaron la propuesta del principe y lo que se le respondio. Algunos toman este hecho del principe por justification, otros por fiero y por manera de buscar occa«sion de mas dessabrimiento si alguno respondiera o hiziera cosa contra el principe, viendo su parentela, la amistad y deudo que tiene con el condestable y la sazon "presente que qualquier cosa bastaria para levantar nuevas rebueltas y alteraciones. (Papiers de Simancas, B. 11, n° 122.)

<< appelle conspiration) ait esté soudainement rompue. Car tant que le «roy sera en bas aage et ne gouvernera son royaume par soy mesme, << ni par légitime conseil, ceste entreprise ne sera rompue, ains taschera«<t-on tousjours de faire justice de la tyrannie, cruauté, rapacité, des« loyauté, ambition, orgueil insupportable et avarice insatiable de ceux << de la maison des Guise. » Ce qu'ils annonçaient, ils le firent, et, après avoir échoué dans une conspiration contre la cour, ils essayèrent d'un soulèvement dans le royaume.

(La suite à un prochain cahier.)

MIGNET.

Nouvelles recherches sur LA DIVISION DE l'année des anciens ÉgypTIENS, par M. Henri Brugsch. Berlin, 1856.

QUATRIÈME ARTICLE1.

Dans les articles précédents, nous avons établi tous les caractères numériques et physiques de l'ancienne année égyptienne, telle que l'histoire et les monuments nous l'ont transmise. Nous connaissons le nombre de jours qui la composent; sa subdivision en 12 mois de 30 jours complétés par cinq épagomènes; la notation symbolique attachée à ces mois, laquelle, à certaines époques périodiquement distantes, les met en exacte concordance avec la série annuelle des phénomènes météorologiques et des travaux agricoles qui est propre au climat de l'Égypte ; tandis que, dans les intervalles de ces époques, les mêmes relations, toujours exprimées, ne subsistent plus que par souvenir. Enfin, nous avons reconnu que ce calendrier, assemblage unique d'éléments chronométriques et d'indications phénoménales, s'est invariablement conservé en Égypte pendant une longue suite de siècles, sous la double autorité du gouvernement et de la religion. Il faut maintenant chercher s'il a été primitivement institué dans l'état complet sous lequel il nous est parvenu, ou si les cinq épagomènes qui sont en dehors de la nota

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1 Voyez, pour le premier article, le cahier d'avril, page 221; pour le deuxième, celui de mai, page 288; pour le troisième, celui de juin, page 353.

tion des mois, n'auraient pas été postérieurement ajoutés à une année de 360 jours d'abord en usage. Enfin, dans l'obscurité absolue ou l'histoire nous laisse relativement à son origine, il faut tâcher de découvrir par nous-mêmes, jusqu'où on peut la faire remonter.

Pour entrer directement dans cette recherche, sans y mêler d'hypothèses, je prends l'année vague égyptienne, telle qu'elle est écrite, et qu'elle nous est parvenue; puis je la reconduis en arrière, suivant ses propres lois, indépendamment des applications physiques ou religieuses qu'on a pu en faire, et je l'emploie comme une échelle numérique de temps, qui peut être identifiée dans toutes ses parties avec notre calendrier moderne par les éclipses que Ptolémée nous a transmises datées en jours égyptiens. Remontant alors à l'aide du calcul, le cours des années et des siècles, je vais examiner s'il s'est opéré dans le ciel quelques concordances phénoménales, spécialement remarquables pour l'Égypte, dont les traces seraient empreintes dans le calendrier vague, ou s'y trouveraient rattachées par des traditions incontestables; de sorte qu'on dût en conclure qu'il a été institué, ou qu'il était déjà employé, aux époques où elles se sont accomplies.

Si l'on considère d'abord la notation figurée des mois, qui est si intimement adaptée à la succession annuelle des opérations agricoles et des circonstances physiques propres au climat de l'Égypte, on peut, je crois, regarder comme infiniment vraisemblable qu'elle a dû être imaginée et établie à une époque où elle avait son application actuelle. Car alors elle était seulement l'expression naïve de ce que l'on avait sous les yeux; tandis que, dans tout autre temps, sa conception purement spéculative, et sans but présent, n'aurait été qu'un caprice d'esprit, difficile à motiver, et plus difficile encore à réaliser en dehors des faits, avec la justesse d'application que la notation nous présente. C'est donc particulièrement à ces époques rares et remarquables, où elle s'est trouvée en concordance avec les phases solaires, que nous pouvons espérer d'y découvrir des conditions d'origine. Il s'est rencontré seulement trois époques pareilles dans les 30 siècles antérieurs à l'ère chrétienne. En voici les dates que nous avons déterminées précédemment. Je les remets sous les yeux du lecteur. Quand nous aurons étudié les particularités qui s'y rapportent, nous verrons s'il est nécessaire de remonter plus haut.

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La plus récente de ces concordances celle de―275, ou de Nabonassar 476, s'est opérée sous les Lagides, et sa date calculée répond à la x'année de Ptolémée Philadelphe, le grand restaurateur des monuments égyptiens. Elle ne put manquer d'être remarquée. Car on dut la prévoir longtemps à l'avance, par l'acheminement lent mais continu de la crue du Nil et des autres phénomènes naturels vers les dates figurées qui les désignaient dans la notation; comme aussi, lorsque, après un concours plus ou moins prolongé, cet accord vint à se désunir, ce fut avec une lenteur qui dut en prolonger la mémoire. Admettons que, pour le peuple, la discordance ne dût être sensible qu'autant qu'elle s'élevait à une dizaine de jours en avant ou en arrière. Sa progression étant à peu près d'un jour en quatre ans, il y aura eu un intervalle de 80 années, pendant lequel la notation écrite des mois, leurs symboles figurés et leurs divinités protectrices, se seront trouvés avoir une application actuelle, qui était depuis longtemps perdue, et devait se perdre de nouveau pour longtemps. Ce dut être là un événement mémorable aux yeux du peuple et de la religion. C'est à cet intervalle de temps que Champollion rapporte la construction ou l'achèvement du temple d'Edfou si riche en sculptures relatives à l'astronomie religieuse, et sur lequel se trouve en particulier le tableau figuré des douze mois égyptiens, tout pareil à leur représentation antique dans le Rhamesseum de Thèbes. Mais ce monument si important des Lagides n'a pas trouvé grâce devant les préjugés de nos antiquaires, et on ne l'a qu'à peine regardé.

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Ne pouvant voir ici qu'une continuation et non pas une origine, il nous faut remonter aux concordances précédentes, celles de 1 1780 et de 3285. Sans rien préjuger sur ce que la première de ces deux pourra nous apprendre, je passe tout de suite à la plus ancienne. Elle nous présente une particularité astronomique extrêmement remarquable.

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