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Ainsi que l'établit l'agnomen de Plautus et conformément à ce que j'ai remarqué plus haut, les noms rejetés après l'indication des parents se retrouvent pour la plupart ailleurs usités comme prænomen ou comme nomen, ce qui vient confirmer mon observation que ce ne sont pas là des surnoms, des sobriquets, mais des noms additionnels empruntés à une autre personne.

Quoique l'agnomen termine presque toujours la série des noms, il y a des exceptions dues à ces interversions déjà signalées. Parfois même on énonce le nom avant le prénom, comme nous le faisons aujourd'hui dans l'enregistrement des personnes. Nous en avons la preuve palpable dans l'inscription n° 2104, qui se lit: Larthi(a) Geisi(a) Ceises Vel(i)as Velsinas Raunth(i)as sech. avils sas. amce. Uples.

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:

c'est-à-dire Larthia Cesia, fille de Caesius Velius Velsina Rauntius (forme dérivée d'Aruntius), âgée de six ans. Upilius l'a enterrée (amicuit):

Or le nomen de cette petite fille étant Cæsia, le nomen de son père était Cæsius; donc on aurait dû écrire suivant le système ordinaire : Velius Cæsius. Et, en effet, Velius est un prénom très-usité. On notera ici que le père porte trois nomina, c'est-à-dire qu'il a deux agnomina. Ce n'est pas seulement le nom de famille qui se double par l'addition de l'agnomen, on voit en certains cas deux prénoms donnés à la même personne; ainsi, un des sarcophages de la sépulture de la gens Thormenia porte (n° 1333), Au. Cai. Thurmna. Se. Raplial. (: ANOIAVA JAIJ1A9:32), c'est-à-dire Aula. Caia Thormenia Se(iâ) Rapiliâ (nata). On a regardé quelquefois, il est vrai, le second prénom comme appartenant au gentilitium1, mais, ici, la preuve que le second prénom Caia ne faisait pas partie du nomen nous est fournie par l'inscription de l'urne voisine ainsi conçue (no 1334) Ar. Thurmna. Se. Raplial (AMMIVO.¶A JAIJ1A9:32), c'est-à-dire Aruntius Thormena Sei(á) Rapiliâ natas, laquelle doit être l'épitaphe du frère de la précédente. La même sépulture nous offre une Lartia Caia (IA AJ) (n° 1339). L'usage de ces doubles prénoms tenait vraisemblablement à ce qu'à l'époque romaine les Étrus

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Ainsi M. A. Fabretti reconnaît dans le nom de Tite (3+1+), placé parfois à la suite d'un prænomen, non pas le prænomen Titus, mais une forme abréviative de Titie (tt); il le rattache alors au nomen et le qualifie de gentilitium. Je ne nie pas qu'il n'en soit parfois ainsi, mais je crois que, dans plusieurs des exemples qu'il cite, Tite répond à Titus et est un second prænomen.

ques, comme le montrent les inscriptions bilingues, avaient en latin un prénom souvent différent de leur prénom national. Ces deux prénoms se sont naturellement réunis 1.

Maintenant se présente une question plus obscure et dès lors plus délicate à résoudre. Les épitaphes de femmes mariées ou veuves portentelles l'indication du nom de leurs maris? Et, s'il en est ainsi, à quelle forme, à quels caractères peut-on la reconnaître ?

Une remarque doit d'abord être faite. On rencontre un certain nombre d'inscriptions funéraires de femmes qui ne renferment que leur nom suivi d'un nom d'homme au génitif. Est-ce celui de leur père ou celui de leur époux? Pour répondre à cette question, rappelons qu'il est établi par une foule d'épigraphes que le nom au génitif dénotait la paternité; car des sépultures dans lesquelles on lit, comme aux n° 13641367, l'épitaphe de plusieurs personnes, hommes et femmes, dont les noms sont suivis du même nom au génitif (Marcnas, dans l'exemple cité), montrent suffisamment que ce génitif représentait non le nom d'un

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Ce double prénom a pu aussi provenir de l'usage qui s'introduisit de désigner la personne à la fois par son prénom et par le nom de sa mère. Les prénoms étant constamment les mêmes dans une famille, cette distinction servait à éviter les confusions. Je crois en trouver la preuve dans les épitaphes de la gens Thormenia. On y voit une femme (n° 1336) appelée :

Larthia Rapilia Thurmenæ (filia) Petrua (Petronia).

AVIT31:MAUMIVO:NJ1A9:109AJ.

Thurmna (AHMAVO) étant le gentilitium, fournit non le nom de la mère, mais celui du père. Les inscriptions du même hypogée prouvent que Rapilia était l'épouse d'un Thormena; ce devait être la mère de cette Larthia dont le nom maternel n'est pas indiqué. L'inscription n° 1336 nous fait connaître une seconde fille de ce Thormena, appelée aussi Larthia, ce que dénote d'ailleurs l'épithète d'Etereia écrit, comme je le ferai voir dans un second article. Elle est distinguée par le second prénom de Petrui(a) (Petronia), indice qu'elle était née d'une seconde mère, appelée Pelruia, laquelle, ayant sans doute adopté la fille du premier lit, avait fait prendre à celle-ci son nom (Petrua) comme agnomen; cette circonstance tend à faire supposer que les agnomina, dont il sera parlé plus loin, ont eu des adoptions pour origine. Mais d'autres inscriptions présentant deux prénoms s'expliquent plus naturellement par la réunion des prénoms étrusque et latin. Tel est le cas pour celle-ci (no 1352): Larthia. Caia. Phuzetnas. Arnthalisa. Cafati, sec (. A109AJ 232.1A8A). AZIJAONGA. ZAHT‡‡V8. AIAƆ), c'est-à-dire Larthia Caia Phuzetna (filia) Aruntialisa Cafatiæ filia, et dans laquelle le vocable Arnthalisa paraît indiquer non la mère, qui est Cafatia, mais le prénom du père (Aruns),

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époux, mais celui du père dont ces personnes sont les enfants. On ne comprendrait pas d'ailleurs à quel signe l'épouse aurait pu être distinguée de la fille, si l'on avait adopté une commune indication pour l'une et l'autre parenté. Il faut donc admettre que l'on a simplement ici la désignation du père, suivant un système qui fut introduit par les Romains et qu'attestent des inscriptions latines de l'Étrurie.

Parmi les vocables qui suivent, comme qualificatifs, les noms de la défunte, nous trouvons souvent des mots visiblement dérivés de noms propres et terminés en esa, asa, isa, usa. Or j'ai déjà noté plus haut que la sépulture de la gens Urinatia montre l'épouse d'un Urinate qualifiée d'Urinatesa. C'est donc dans les mots présentant cette terminaison qu'il faut aller chercher le nom du mari. Ainsi, dans quatre épitaphes de femme données dans le Corpus de M. A. Fabretti (no 405408), nous voyons figurer le nom de Lecnesa (A2нɔaj), qui signifie visiblement Licinii uxor, le nom de Licinius étant rendu en étrusque par Lecne dans une inscription bilingue. Cette qualification d'épouse de tel est tantôt inscrite avant l'indication du nom de la mère, tantôt après, ou même elle n'est accompagnée d'aucune marque de filiation. On trouve pareillement l'épithète de Laucinasa (ARAHIFA) pour désigner la femme d'un Lautnius, nom d'homme fort commun en Étrurie1, celle de Velesa (A2), qualifiant l'épouse d'un Velius 2, celle d'Aulesa (A23JA), qualifiant l'épouse d'un Aulus, etc. 3

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Nous avons, au reste, une preuve manifeste que la terminaison esa indiquait bien l'union conjugale, par deux urnes découvertes près de Chiusi en 1835, et dont l'une porte la figure d'un homme, l'autre celle d'une femme, qui n'a pu être enterrée près de lui que parce qu'elle était son épouse. L'épitaphe de l'homme est ainsi conçue : Arnth Phele Pherinial (JACA, c'est-à-dire Aruntius Phelas né de Pheria ou Pherina) et celle de la femme: Thana Ancarui (a) Phelesa (A DHA AHAO) qui doit évidemment se traduire par Thana Ancaruia, femme de Phelus.

Pourtant une objection peut être faite à cette interprétation des vocables en asa, esa, isa, c'est qu'ils se présentent parfois accolés à des noms propres d'hommes ou en ayant tout l'aspect. Je ne parlerai pas de l'inscription de la collection Saracini (Corpus, n° 436 bis), dont la lecture n'est pas certaine, mais de celle-ci (n° 2573 bis):

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Corpus, n° 253. Cf. n° 402, 403, 404, 409, 410.

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Corpus, n° 234.

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Corpus, n° 210.

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- Il est à noter qu'on n'observe pas de forme dérivée indi

On peut s'expliquer cette apparente anomalie en supposant qu'on a ici l'ablatif du nom de la mère; car la filiation s'indiquait quelquefois par l'ablatif1, de même qu'en latin natus reçoit pour régime indirect, tantôt le génitif, tantôt l'ablatif. Dans ce cas le nom en esa appartiendrait non à l'homme mais à sa mère, et l'inscription en question devrait être traduite par Velius Tuna, fils de Leusa épouse de Largius (Larce). Mais cette interprétation ne peut convenir à certaines épitaphes d'hommes offrant des noms en asa, isa, etc. Il faut donc chercher ailleurs le nœud de la difficulté.

Au reste, les noms matrimoniaux en asa, esa, isa, ne doivent pas être confondus avec des noms diminutifs en isla écrits parfois avec la terminaison lisa par métathèse 2, comme dans cette inscription (Corpus, n° 515):

Laris, Phrauoni (a) Velusa : Latinialisa.

AZIJAIHITAJ: AREA IHOVA98: 219AJ

Cette terminaison indique la filiation maternelle ainsi que le prouve l'inscription bilingue de Florence (n° 252).

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Conséquemment les noms finissant en lisa doivent être regardés comme jouant le même rôle que ceux qui se terminent en al. Vraisemblablement c'est là une forme diminutive qui s'est substituée au thème simple, comme cela est arrivé en italien pour les mots fratello, sorella, et, en russe, pour les mots batiouchka, père, matouchka, mère, sestritsa,

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On pourrait aussi admettre que les noms qui finissent en isla ou lisa3, au lieu d'être de purs équivalents des noms qui se terminent par al, dé

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quant l'épouse d'un Larth (ias), et qui serait Larthisa peut-être parce que ce nom d'épouse se dérivait des gentilitium seulement, et que Larthias n'en est jamais un. Ainsi, dans l'inscription n° 749 du Corpus, le mot fille (M) suit le nom de la mère, non au génitif, mais à l'ablatif (Tlesna). Corpus, no 535, 536. — 'Un de ces vocables les plus ordinaires est Larthalisa (AZIJAOJAJ), que l'on trouve aussi écrit Larthalista (AJMIJA09AJ). (Voy. Glossarium ítalidum, suhov.)

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noteraient l'arrière-descendance du côté maternel; en sorte que, dans l'inscription citée ci-dessus, on aurait voulu rappeler le nom de l'aïeule d'Aruntius Cæsius, personnage qui, suivant un usage fréquent attesté par les textes bilingues, avait échangé son prénom étrusque contre le prénom latin de Caius. En effet, il est permis de se demander pourquoi le lapicide ne s'est pas contenté d'écrire le nom de Varnal (JAH987) qu'on rencontre avec le sens de Variâ natus au lieu de celui de Varnalisla. Toutefois il y a lieu de tenir compte des usages différents qui ont prévalu suivant les temps et suivant les lieux.

Quant à la question qui nous occupe, il suffit de remarquer que la terminaison lisa était bien l'équivalent de la terminaison lista et qu'elle indiquait dès lors la filiation maternelle; car, dans l'inscription bilingue suivante provenant d'Arezzo (Corpus, no 251),

AZIJAIOGAID

Q FOLNIVS. A.F.POM
FVSCVS

nous voyons qu'un nom ainsi terminé, CIARTHIALISA, occupe la place du nom métronymiqne et a été supprimé du texte latin où il est remplacé par l'indication du prénom paternel avec addition du cognomen, selon l'usage romain, en même temps qu'on a substitué au prénom d'ALCHE celui de Quintus.

Ces observations montrent que la catégorie des noms en sa n'implique pas une idée de mariage; ce sont, au contraire, des indices de filiation. On traduira conséquemment l'inscription suivante (Corpus, no 427):

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par Larth. Vetius Aruntiâ natus, filias Larth. Vetii, line1. De même l'inscription publiée par M. Fabretti, sous le n° 422 a,

АНАФИЛА.ЭҮЭДЧИЛА

MAIAD

doit être rendue par Aruntius Vetius Aruntiâ natus, Caias.

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Nous parlerons plus tard du mot line, qui termine beaucoup d'inscriptions funéraires. Quant à thui, voyez ce qui est dit plus loin, p. 442.7

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