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veillés s'empressèrent de reconnaître et d'exalter la vertu et la gloire « du Bouddha 1. »

Le Bouddha reste assez longtemps à Kapilavastou, menant la vie de religieux mendiant, excitant l'admiration de tout le monde, et ne cessant de faire des conversions, parmi lesquelles il peut compter celles de son père et de tous ses parents. Puis il retourne à Radjagriha, d'où il sort chaque année pour aller prêcher dans les contrées voisines.

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La chronique birmane donne quelques détails assez nouveaux sur le caractère d'Ananda, et sur ses hésitations à continuer la vie religieuse, qu'il avait embrassée à l'exemple de son cousin.

« Le Bouddha résidait dans le magnifique monastère de Djétavâna, qu'on venait de lui offrir, quand Ananda fut violemment tenté de dé« serter le couvent et de retourner dans le monde. Il s'en ouvrit à quel«ques-uns de ses frères, et il leur dit qu'il avait promis à sa jeune épouse Djanapadakalyanî, de revenir bientôt; et que, se souvenant de « cet engagement, il avait le plus vif désir de le remplir, en rentrant immé «diatement dans son palais et en reprenant son ancien genre de vie. Go<«<tama fut bientôt informé de cette velléité d'Ananda; et, afin d'y couper « court, voici l'expédient dont il s'avisa. Il prit Ananda par le bras, le « fit monter avec lui dans les airs, et il le conduisit sur le chemin du palais des génies (nats). Pendant cette course, le Bouddha, usant de « son merveilleux pouvoir, fit paraître aux regards de son compagnon «une forêt immense consumée par un incendie. Sur le tronc tout brûlé d'un arbre, il lui montra une guenon horriblement mutilée, dont la « queue, les oreilles et le nez avaient été coupés. A cet aspect repous «sant, Ananda, dégoûté, détourna les yeux. Quelques instants après, le « Bouddha lui donna le spectacle ravissant et séducteur d'une multitude de «jeunes beautés incomparables, qui, au nombre de cinq cents, venaient «offrir leurs hommages à Çâkya. Ananda les contemplait en silence; mais « son cœur était enivré. Le Bouddha lui dit alors: «Crois-tu que ces « beautés égalent ta femme Djanapada? Elle est aussi loin de ces « beautés, répondit Ananda, qu'est loin d'elle la guenon que nous ve«nons d'apercevoir. — Eh bien, ajouta le Bouddha, je te donnerai toutes ces beautés célestes, pourvu que tu consentes à demeurer « encore quelques années dans notre couvent.— - J'accepte la condition avec grand plaisir, répondit Ananda; et je resterai au monastère ainsi « que vous le voulez. »

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« Les religieux, qui étaient membres de l'assemblée, surent bientôt

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« ce qui s'était passé entre le maître et le disciple; et ils ne manquèrent « pas de railler Ananda sur les filles des génies (nats). Ananda, très-hon<«<teux lui-même de sa faiblesse, se retira dans la solitude. Il s'y livra « tout entier à la méditation et aux actes méritoires de la pénitence; et «il parvint enfin à éteindre tous les mauvais désirs de sa passion. Quand « le trouble intérieur qu'il ressentait fut calmé et que la paix fut revenue <«en son cœur, il reparut en présence du Bouddha; il lui exprima sa « ferme intention de rester à jamais dans le monastère et d'y mener la « vie religieuse; en même temps, il lui rendit la parole qu'il avait reçue en • ce qui concernait les beautés célestes. Le Bouddha, enchanté de cet « heureux changement, dit à l'assemblée des religieux : « Avant tout ceci, << Ananda ressemblait à une maison mal couverte, dont le toit aurait laissé « passer la pluie des passions; mais maintenant c'est un édifice à cou❝verture solide; et il est si bien protégé contre les passions mondaines « qu'il montre comment il faut s'y prendre pour empêcher qu'elles ne « pénètrent en vous. Puis le Bouddha, pour compléter cet enseigne«ment, raconta l'histoire d'Ananda dans une existence antérieure.

« Un marchand, appelé Kappaka, avait un âne qui lui servait à « transporter ses marchandises de lieux en lieux. Arrivé un certain jour « sur une place couverte de grands arbres, le marchand débarrassa son <«âne du fardeau qu'il portait, afin de lui procurer un peu de repos et de « lui permettre de brouter l'herbe. Cependant une ânesse se trouvait non a loin de là, paissant aussi le gazon. L'âne de Kappaka la sentit bientôt; « et, quand le moment du départ fut arrivé, attiré par la femelle, il se mit à ruer furieusement contre son maître; il ne lui permit pas de replacer la charge sur son dos. Le marchand, irrité de cette révolte <«< inattendue, commença à menacer la bête récalcitrante et à la frap"per à grands coups de fouet aussi rudement qu'il put. A la fin, le pauvre animal, qui ne pouvait soutenir plus longtemps l'assaut « de ces coups furieux, avoua à son maître la cause réelle de sa conduite « extraordinaire. Kappaka lui dit que, s'il voulait continuer le voyage, « il lui donnerait au bout de la route plusieurs belles ânesses très-supé<«<rieures à celle qu'il désirait en ce moment. La proposition fut acceptée; «< et, à la fin du voyage, Kappaka dit à la bête : « Je te tiendrai la promesse «que je t'ai faite; mais je dois t'avertir aussi que ta nourriture de chaque ❝ jour ne sera pas augmentée, et que tu devras la partager désormais avec a ta compagne. Dans la suite, tu auras aussi à nourrir et à élever tes petits, « sans que ta ration journalière soit augmentée en quoi que ce soit; tu << travailleras toujours autant pour moi; et tu devras, de plus, subvenir à << tous les besoins de ta famille. » Après quelques instants de réflexion,

« l'âne jugea qu'il lui valait encore mieux rester tel qu'il était; et, à «partir de ce jour, il fut absolument guéri de son penchant fatal. "En finissant ce récit, le Bouddha ajouta : l'âne était jadis celui qui <«< maintenant est Ananda; l'ânesse est Djanapadakalyanî; et Kappaka, le <«<marchand, est l'excellent Bouddha, qui aujourd'hui est le précepteur « des humains, des génies et des brahmanes. >>

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Voici, d'après l'auteur birman', quel était à peu près l'emploi des journées du Bouddha, durant la saison des pluies, le varsha, c'est-àdire pendant le temps qu'il habitait les vihâras. « La journée était divisée « en cinq parties; et chacune d'elles avait son occupation spéciale. Le <«< Bouddha se levait de bonne heure et peu après le jour; il se lavait la figure, se rinçait la bouche et s'habillait. Il se retirait alors dans un ap«<partement séparé. Là, de ses yeux qui peuvent tout voir, il observait <«< tous les êtres sans exception, pour peser avec soin leurs mérites et leurs « démérites et la nature de leurs véritables dispositions. Ce qui faisait <«< qu'il portait ainsi sa surveillance sur toutes les créatures, c'était le désir « de s'assurer de leurs sentiments et de voir celles qui étaient prêtes à en«tendre la prédication de la vérité, en les distinguant de ces autres «< créatures qui, à cause de leurs démérites, étaient hors d'état de pouvoir << recevoir pour elles-mêmes une si grande faveur. Cela fait, il mettait son << vêtement complet de religieux, et, prenant le vase du mendiant sous « son bras, il s'en allait en quête de sa nourriture du jour. Il dirigeait <«< invariablement ses promenades vers les lieux où il était assuré que ses « prédications seraient les plus fructueuses. Parfois il allait tout seul; « d'autres fois il se faisait accompagner par un certain nombre de ses disciples. Sa manière d'être témoignait d'une sincère modestie2 et « d'une douceur incomparable. Dans quelques circonstances, il faisait « éclater des prodiges autour de lui. Ainsi des instruments de musique, produisant les sons les plus harmonieux, révélaient aux peuples l'ap<< proche du Bouddha, réjouissaient les cœurs et les disposaient aux plus

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The life or legend of Gaudama, etc. p. 190 et suivantes. C'est là un des mor ceaux que Me Bigandet a trouvés dans le second de ses manuscrits. C'est une addition très-heureuse; et, sans que les détails qu'elle contient soient très-neufs, ils servent très-certainement à nous faire connaître la discipline observée par les religieux bouddhiques dans leurs couvents. On peut voir, par quelques-uns des incidents racontés un peu plus haut, que la modestie n'est pas la vertu dominante du Bouddha; dès le premier moment de sa naissance jusqu'à sa mort il ne laisse pas échapper une occasion de montrer combien il est supérieur aux brahmanes et à tous les dieux du Panthéon populaire. Mais sa douceur est réelle, si sa modestie ne l'est pas; et l'on ne saurait citer, dans toute sa longue existence, une seule circonstance où il ait manqué à cette aimable vertu.

«généreuses aumônes, en même temps qu'ils étaient préparés à écouter «la Loi. Quelques-uns de ses auditeurs devenaient Oupâsakas, d'autres « Crotâpannas, selon leurs dispositions particulières. Après cette première « sortie, le Bouddha rentrait au monastère.

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<«< A peine y était-il arrivé qu'il se lavait les pieds; durant cette ablu«<tion, il avait ses disciples assemblés près de lui, et il leur disait : Bhik« shots, mes bien-aimés, soyez vigilants et attentifs, et que votre « esprit soit toujours ouvert à la réflexion. Il est bien difficile d'obtenir « la nature de l'homme, d'entendre la Loi, de devenir parfait, d'acquérir «l'état d'arhat et de parvenir à la condition de Bouddha. » Après cette « exhortation, le Bouddha prenait la peine d'indiquer à ses disciples quelques sujets spéciaux de méditation. Alors ses disciples s'appli« quaient à ces labeurs spirituels; d'autres mêlaient le travail des mains «à celui de l'esprit; quelques-uns se rendaient dans des lieux solitaires « au pied de certains arbres et dans les grottes des montagnes voisines. «Le Bouddha prenait alors son repas et se retirait seul pour quelque « temps dans son appartement particulier. Quand il se relevait un peu «après midi, il contemplait de nouveau toutes les choses et tous les « êtres, et il fixait son attention sur les créatures qui devaient recevoir «ses enseignements. Puis il sortait et répandait ses instructions sur tous «< ceux qui se trouvaient là, de quelque côté qu'ils vinssent. Une fois <«l'instruction finie, le peuple se retirait.

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Quand la foule avait disparu, le Bouddha prenait un bain, et se promenait sous le portique tout ouvert du couvent. Il étendait ensuite « sa natte et son coussin dans un endroit convenable, et où tout le "monde avait accès. C'était alors que les arhats se hâtaient de le re«joindre et de lui communiquer le résultat de leurs pratiques mentales. << S'ils avaient besoin de quelques explications, le Bouddha les encou«rageait à lui poser des questions, auxquelles il répondait à l'instant «même; et les arhats recevaient avec respect les solutions qu'il daignait << leur donner. Ces exercices pieux duraient jusqu'à la nuit close, et les « disciples se retiraient hors de la présence de leur maître.

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Après que les arhats étaient retirés, les génies et les autres êtres «< célestes étaient reçus. Le Bouddha conversait avec eux et les instrui« sait jusqu'à minuit à peu près.

<«< Enfin le Bouddha faisait alors quelques tours de promenade pour « délasser ses jambes de l'extrême lassitude qu'elles avaient supportée, « et il allait prendre un peu de repos dans une chambre particulière. Il «< se levait de très-grand matin; et il recommençait la revue de tous les « êtres qui, durant les âges des Bouddhas antérieurs, s'étaient illustrés

« par leurs efforts dans le sentier de la vertu et des sublimes conquêtes << de l'âme. >>

Il faut voir maintenant ce que dit la légende birmane de la mort du Tathagata, des trois Conciles et de la diffusion du bouddhisme dans le monde.

BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE.

(La suite à un prochain cahier.)

LES MATHÉMATIQUES EN Chine.

Die Arithmetik der Chinesen, von Herrn Dr K. L. Biernatzki, zu Berlin. Journal für die reine und angewandte Mathematik, herausgegeben von A. L. Crelle. Tome LI.

DEUXIÈME ARTICLE.

L'empereur Kang-hi, dont la faveur pour les pères jésuites ne se démentit jamais, accueillait les savants chinois avec autant d'empressement que les étrangers. Le plus habile se nommait Mei-wuh-gan, originaire de Hwuy-tschau; encore que les pères n'en aient point parlé dans leur correspondance, il sut mériter et obtenir toute la confiance de Kang-hi, et il fut, par ses talents comme par son zèle pour la science ancienne des Chinois, un des plus redoutables adversaires des savants européens. Mei-wuh-gan ne cherchait ni la fortune ni les honneurs; patriote avant tout, il regrettait la dynastie des Ming et ne cachait pas ses sentiments hostiles à la domination étrangère des Mandchoux. Il n'accepta aucun emploi public, et, dans ses relations avec l'empereur, ne chercha que l'avantage de lui prouver le savoir ancien de sa race. Kang-hi le consultait fréquemment et favorisait ouvertement ses études sur la science, trop oubliée, des Chinois.

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1 Voir, pour le premier article, le cahier de juin, p. 317.

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