Images de page
PDF
ePub

un nouveau courant d'idées, qui avait sa source dans le monde byzantin, avait commencé à répandre, comme un flot immense, le christianisme grec dans la Grande Arménie. Ce fut un événement fortuit, ou, pour parler comme nos historiens, miraculeux, qui fit jaillir ce courant et lui donna une subite et rapide impulsion.

ÉD. DULAURIER.

·(La suite à un prochain cahier).

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT IMPÉRIAL DE FRANCE.

ACADÉMIE FRANÇAISE.

M. Sainte-Beuve, membre de l'Académie française et l'un des auteurs du Journal des Savants, est décédé à Paris, le 13 octobre 1869.

LIVRES NOUVEAUX.

FRANCE.

Syntaxe nouvelle de la langue chinoise, fondée sur la position des mots, etc. par M. Stanislas Julien, de l'Institut, premier volume, in-8°, x-422 pages. (Imprimé à

Vienne, imprimerie de la Cour et de l'État.) - Ce n'est point, à proprement parler, une grammaire chinoise complète qu'a voulu donner M. Stanislas Julien; c'est plutôt un supplément à toutes celles qui ont paru jusqu'aujourd'hui. Il a donc laissé de côté les deux cent quatorze clefs ou radicaux de la prononciation, les quatre tons, les signes de pluralité, les genres, les noms propres, les noms de nombre, les pronoms, les conjonctions, etc. Ce sont là des parties élémentaires qu'on trouve dans toutes les grammaires et que possèdent à fond les étudiants avancés auxquels s'adresse particulièrement notre grand sinologue. Il s'est attaché surtout aux règles de position, qui forment à elles seules ce qu'on doit nommer la syntaxe; et, de là, le titre spécial du nouvel ouvrage. Marshman, dans sa fameuse grammaire publiée en 1814, avait entrevu et énoncé ce principe; mais il ne l'avait pas développé, et il n'en avait tiré aucune conséquence. Au contraire, M. Stanislas Julien en a fait depuis quarante ans la base solide de tout son enseignement. A la suite de la syntaxe, l'auteur a donné ce qu'il appelle des Monographies, c'est-à-dire des descriptions spéciales des mots qui jouent un rôle important dans la langue chinoise. Ces Monographies sont complétées par un recueil étendu d'idiotismes. Enfin M. Stanislas Julien a donné de nombreux spécimens d'explications mot à mot, tirés de fables, de légendes et des lettrés, du v au vin siècle de notre ère, ont traduits du sansd'apologues, que krit en chinois. L'étude attentive de cette chrestomathie suffirait pour initier promptement les élèves au mécanisme de la langue.

La publication de cette Syntaxe nouvelle est un événement considérable dans la sinologie; nous comptons nous en occuper prochainement, et nous ferons comprendre au public savant tout l'intérêt qui s'attache à cette rénovation des études chinoises. C'est un travail d'un genre entièrement neuf, qui ne ressemble en rien aux grammaires publiées jusqu'ici.

Nouvelles études morales sur le temps présent, par E. Caro, membre de l'Institut. Paris, imprimerie de Ch. Lahure, librairie de L. Hachette et C, 1869, 1 vol. in-18, de vi-373 pages. Ce volume se rattache, par un titre pareil et une intention commune, à celui par lequel l'auteur, en 1855, inaugura sa carrière de moraliste et de critique. Déjà, en 1852, par son Essai sur le mysticisme au XVIII' siècle, SaintMartin, le philosophe inconnu, il avait préludé aux beaux livres qui, en 1864, 1866, 1868, lui ont assuré parmi les philosophes de notre temps un rang si honorable, l'Idée de Dieu, la Philosophie de Goethe, le Matérialisme et la Science. Dans ces divers ouvrages, auxquels les récompenses de l'Académie française n'ont pas plus manqué que les suffrages de l'Académie des sciences morales et politiques, M. Caro s'est montré, en outre, un très-habile écrivain. Sa nouvelle production ne le cède point aux précédentes pour l'élévation et la solidité des pensées, la finesse des vues, la verve spirituelle et élégante du style. L'hygiène morale, ses principes et ses règles, le suicide dans ses rapports avec la civilisation, les mœurs littéraires du temps présent, tels sont les sujets des principaux morceaux qui y sont rassemblés. Dans d'autres, d'un intérêt à la fois très-sérieux et très-piquant, sont étudiés, d'après leurs correspondances, deux hommes dont, selon ses expressions, la personnalité expressive a été profondément mêlée à la vie intellectuelle et morale de notre temps, Lamennais et Henri Heine. Lui-même fait remarquer qu'un seul morceau, La direction des âmes et lu vie intérieure au XVII' siècle, s'écarte du programme marqué par le titre du volume. Mais c'est, dit-il, comme contraste avec la vie contemporaine qu'il offre cette étude sur une littérature oubliée et sur des mœurs disparues.

XPHEMOI EIBTAAIAKOI.- Oracula Sibyllina, editio altera ex priore ampliore contracta, integra tamen et passim aucta multisque locis retractata, curante C. Álexandre,

82.

Instituti Gallici in eoque Academiæ inscriptionum et literarum socio. Paris, imprimerie de Lainé, librairie de Firmin Didot frères, 1869, in-8° de XLVII-419 pages. — L'important recueil des Oracles sibyllins, publié avec de nombreuses dissertations par M. Alexandre, de 1841 à 1856, a valu au savant éditeur son entrée à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, et a donné l'impulsion, en France et surtout en Allemagne, à de sérieux travaux sur le même sujet. Le succès de l'ouvrage, aujourd'hui presque épuisé, a déterminé M. Alexandre à en donner une seconde édition, qu'il a abrégée pour en rendre l'usage plus commode, mais qui est néanmoins complète, et offre sur quelques points des modifications et même des additions notables. La préface placée en tête du volume a principalement pour objet de répondre à des observations critiques qui avaient été faites, à l'occasion de la première édition, par quelques érudits allemands, notamment par M. H. Ewald. Cette nouvelle et intéressante publication de M. Alexandre mérite à un haut degré l'attention des savants, et nous regrettons de ne pouvoir que l'annoncer sommairement ici. Nous pensons qu'elle sera prochainement l'objet d'un compte rendu détaillé dans ce journal.

Glossæ hibernicæ veteres codicis Taurinensis, edidit Constantinus Nigra. Nogent-leRotrou, imprimerie de A. Gouverneur, Paris, librairie de A. Franck, 1869, in-8° de XXXII-73 pages. Les importantes fonctions diplomatiques qu'il remplit depuis longtemps n'ont point empêché M. le commandeur Nigra, cette publication en est une preuve, de se tenir au courant des progrès de la philologie comparée des langues aryennes, et de devenir lui-même un celtiste des plus distingués. On sait que les gloses ajoutées à des manuscrits latins par des moines irlandais du continent aux VII, VIII et Ix siècles, forment la meilleure partie des monuments qui nous restent de l'ancienne langue irlandaise. Le manuscrit que vient de publier M. Nigra avait appartenu à la célèbre abbaye de Bobbio, et est conservé aujourd'hui dans la bibliothèque de l'Athénée de Turin. Il consiste en un fragment du commentaire de saint Jérôme sur l'Évangile de saint Marc, transcrit au commencement du 1x siècle par une main irlandaise, et accompagné de gloses, tantôt interlinéaires, tantôt marginales, en irlandais entremêlé quelquefois de mots latins. M. Nigra a reproduit le texte sur les pages du verso de son livre; les gloses correspondantes occupent le recto. Un autre celtiste éminent, M. Whitley Stokes, avait déjà publié et traduit ce fragment dans ses Goidilica, or notes on the Gaelic manuscripts preserved at Turin, Milan, Berne, etc. imprimées à Calcutta en 1866; mais cette publication, faite loin du manuscrit, et accompagnée d'un commentaire fort court, n'empêche pas celle de M. Nigra d'offrir un très-grand intérêt. Non-seulement elle diffère de la première sur plusieurs points de lecture et d'interprétation, mais la préface et les amples annotations dont le nouvel éditeur l'a enrichie y ajoutent beaucoup de prix, malgré le doute modeste qu'il exprime (p. xxIx). Une préface, écrite dans un latin élégant, nous donne, après des considérations générales sur les langues celtiques, un excellent résumé (en dix-huit pages) de la phonétique de l'ancien irlandais, travail où rien d'essentiel n'est omis, et où M. Nigra trouve l'occasion de proposer plusieurs rapprochements philologiques nouveaux et ingénieux, mais peut-être un peu hardis parfois. Sous le titre d'Adnotationes in glossas, il donne la traduction et l'analyse grammaticale des phrases irlandaises, en citant souvent à l'appui des exemples empruntés aux gloses du manuscrit de Milan. Cette analyse, jointe à la phonétique dont nous avons parlé plus haut, nous semble présenter la meilleure introduction possible à l'étude de l'ancien irlandais. Signalons encore un appendice à la préface, où le savant éditeur s'attache à établir l'origine celtique, difficilement contestable aujour

d'hui, de la rime dans le système de versification des peuples de l'Europe moderne.

Sir Humphry Davy. - Les derniers jours d'un philosophe, ouvrage traduit de l'anglais, accompagné d'une préface et de notes, par Camille Flammarion. Paris, imprimerie de P. A. Bourdier, Capiomont fils et Cie, librairie de Didier et Cie, 1869, in-12 de xxx11-368 pages. - M. Flammarion raconte dans sa préface comment le hasard lui mit entre les mains un ouvrage fort peu connu du grand chimiste anglais, Consolations in travel, or the last days of a philosopher, et comment il lui vint à la pensée de traduire en français ce livre, où il trouvait l'expression d'opinions philosophiques et scientifiques sur plusieurs points semblables aux siennes propres. Sir Humphry Davy l'avait composé dans la dernière année de sa vie, pendant un voyage en Italie et en Suisse entrepris pour rétablir sa santé chancelante. Prenant pour cadre de ses récits les plus beaux sites de l'Italie et de l'Autriche méridionale, il y introduit, comme autant d'épisodes de ses précédents voyages, des conversations suivies avec plusieurs personnages imaginaires, où sont discutés tour à tour les plus grands problèmes de la nature et de nos destinées. Dans six dialogues intitulés, la Vision, la Religion, l'Inconnu, l'Immortalité, Apologie de la chimie ou philosophie des sciences, le Temps, l'auteur développe, au milieu de digressions variées, ses vues sur divers points d'histoire naturelle, et ses théories morales et religieuses. Matérialiste dans sa jeunesse, Humphry Davy s'était élevé plus tard à des convictions spiritualistes tres-fermes, qui trouvent leur plus complète expression dans une des dernières lignes tracées de sa main mourante: «Ma croyance est que toute théorie métaphysique sur la marche éternelle de l'univers doit, avant tout, prendre pour base la foi chrétienne (p. 359). It développe cependant avec complaisance, dans son premier chapitre, une théorie de la vie future fort opposée au dogme chrétien, la transmigration indéfinie des âmes à travers le système planétaire, théorie dont, on le sait, M. Flammarion s'est fait le propagateur enthousiaste. Cette œuvre dernière de Davy, appelée par Cuvier l'ouvrage de Platon mourant, » fera connaître l'illustre chimiste sous un jour nouveau. Il y montre les sentiments les plus nobles et les plus délicats, une imagination poétique, et y fait preuve, en plusieurs endroits, d'un véritable talent descriptif. Le public français saura gré à M. Flammarion de le lui avoir fait connaître par une traduction libre enrichie d'annotations scientifiques aussi intéressantes qu'instructives.

a

Répertoire universel de bibliographie, par Léon Techener, tome 1". Paris, imprimerie de Lainé et Havard, librairie Techener, 1869, in-8° de vi11-753 pages. Cette utile publication, dans laquelle est décrite avec le plus grand soin une collection de manuscrits, de livres imprimés, d'opuscules de tout genre et en toutes langues, classés méthodiquement d'après les divisions de la bibliographie, nous paraît appelée à rendre des services réels non-seulement aux bibliophiles, mais au public plus nombreux qui consulte les livres comme instrument de travail. Pour chaque volume important, M. L. Techener ajoute au titre, qui n'en indique pas toujours suffisamment le contenu, une note concise sur l'ouvrage, sur la biographie de l'auteur, sur les diverses éditions, l'impression, les figures. Ce répertoire peut servir à former une grande bibliothèque, dans laquelle seraient représentées toutes les branches des connaissances humaines; il fournira aussi beaucoup d'additions et de curieuses corrections au célèbre Manuel du libraire, dont tous les amis des livres connaissent le mérite incontestable et les imperfections nombreuses. Les volumes suivants serviront à augmenter, à enrichir chaque série bibliographique, des manuscrits, des livres et des opuscules qui n'ont pu trouver place dans le tome 1a.

Gwerziou Breiz-tzel. - Chants populaires de la basse Bretagne, recueillis et traduits par M. F. Luzel. Lorient, imprimerie et librairie d'Édouard Corfmat, 1868. 1 vol. in-8° de vi-559 pages. M. F. Luzel s'est d'abord fait connaître comme poëte par un volume de vers bretons extrêmement remarquables, Bepred Breizad (Morlaix, 1865), et plusieurs pièces détachées, animées d'un vrai souffle poétique aussi bien que d'un profond sentiment de patriotisme. Il s'est surtout occupé depuis à mettre au jour et à traduire divers documents pouvant servir à l'histoire de la langue et de la littérature bretonnes; en premier lieu, un drame fort intéressant intitulé Triphine et Arthur, que nous avons annoncé dans ce journal; puis le présent volume destiné à être le premier d'une série de chants populaires. On sait quel a été le succès si grand et si mérité du recueil de M. de la Villemarqué, le Barzaz Breiz, fruit de longues recherches entreprises sur tous les points de la basse Bretagne, il y a une trentaine d'années, alors que les traditions qui tendent à disparaître chaque jour étaient encore restées assez vivantes, surtout dans les parties montagneuses du centre de la presqu'île. S'il était impossible de réussir à présenter après lui un choix aussi heureux et aussi complet de poésies populaires bretonnes, il restait encore beaucoup à glaner, à moissonner même peut-être, dans ce champ fécond. On ne peut donc que féliciter M. Luzel de la pensée qu'il a eue de recueillir quel-. ques-unes de ces précieuses productions spontanées du sol breton, et souhaiter que les autres collections formées sur divers points, telles que celles de MM. de Penguern, G. Milin, Goulven-Denis, ne tardent pas longtemps à voir le jour. Les pièces du volume que nous annonçons sont en assez grande partie des variantes de pièces déjà connues. Les autres paraissent avoir peu de valeur littéraire; mais elles peuvent offrir leur intérêt comme spécimen d'une variété particulière du dialecte de Tréguier. Il est à regretter que l'éditeur ait cru devoir donner à cette collection un titre aussi général sans un sous-titre qui vint en restreindre la portée; car ce volume de gwerz ou ballades ne renferme guère que des pièces recueillies dans une partie peu étendue de l'ancien diocèse de Tréguier. Il est bien plus à regretter encore qu'il ait cru devoir se livrer fréquemment dans ses notes aux attaques les moins justifiées contre le savant éminent auquel le public doit la première révélation de la littérature populaire de la Bretagne. L'Académie des inscriptions et belles-lettres a accordé une troisième médaille à M. Luzel, pour ce volume, au concours des antiquités nationales de cette année.

ALLEMAGNE.

Ungarische Revue, 1869... Revue hongroise, rédigée, avec la collaboration de plusieurs savants spéciaux, par M. le D' Mansvet Riedl, professeur à l'Académie royale de Hongrie, etc. Leipzig et Vienne, librairie de Brockhaus, 1869, grand in-8° de XIII-216 pages. — Bien que des événements politiques contemporains, el notamment de tout récents, aient, à diverses reprises, attiré l'attention publique sur la Hongrie, ce pays, si digne d'intérêt à tant d'égards, est encore bien peu connu parmi nous. Il offre pourtant à l'historien, au philologue, à l'ethnographe, au naturaliste, aussi bien qu'aux hommes politiques et aux économistes, un champ d'études des plus vastes et des plus féconds. La principale difficulté qu'éprouveut les savants étrangers à connaître les choses de la Hongrie consiste dans l'emploi que les écrivains du pays font ordinairement, par un patriotisme très-louable d'ailleurs, de leur langue nationale. On doit donc se féliciter qu'une société de savants hon

« PrécédentContinuer »