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750 mètres par seconde. L'effet calorifique est proportionnel au carré de la vitesse; en adoptant pour équivalent mécanique de la chaleur, le nombre trop faible 365, Mayer trouve que la masse d'un kilogramme, tombant avec la plus grande des deux vitesses, produira 55 millions de calories. Le nombre correspondant à la plus petite est 27 millions. Un astéroïde, en tombant sur le soleil, produit 4,600 à 9,200 fois plus de chaleur que la combustion d'une masse égale de charbon, en sorte que, pour réparer les pertes dues au rayonnement, il suffit qu'à chaque minute la masse du soleil s'accroisse d'une quantité comprise entre 94,000 et 188,000 billions de nos kilogrammes. La masse de la lune, équivalente à 90,000 trillions de kilogrammes, pourrait, en tombant sur le soleil, l'alimenter pendant un an ou deux, celle de la terre, soixante fois plus forte, réparerait les pertes de soixante à cent vingt années. Si l'on rapporte la masse trouvée à la surface du soleil, il suffit d'admettre, pour chaque mètre carré de celle-ci, une chute de 15 à 20 grammes par minute équivalant à peu près à celle que verse à la surface de la terre la pluie d'un violent orage; un tel accroissement, sur un globe tel que le soleil, doit, pendant bien longtemps, rester inaperçu, et, pour accroître d'une seule seconde la grandeur du diamètre apparent, il faudrait 33,000 à 66,000 années.

La masse du soleil, en s'accroissant sans cesse, doit exercer sur les planètes une plus grande attraction, dont l'effet calculé serait de diminuer de 3/4 à 3/8 de seconde la durée de l'année; cette diminution, il faut l'avouer, ne s'accorde pas avec les observations astronomiques, et c'est la seule difficulté qui subsiste dans le système si bien construit de Mayer.

M. Thomson cependant, qui, sans avoir connaissance des calculs de Mayer sur cette importante question, les a repris dans un mémoire fort intéressant, arrive à la même difficulté et y répond d'une manière plausible. Les astéroïdes qui tombent sur le soleil circulaient près de lui avant leur chute, et ils exerçaient à peu près sur les planètes la même action qu'après leur réunion à l'astre central, et l'accroissement de sa masse ne doit, par conséquent, changer que fort peu la durée des révolutions planétaires.

M. Thomson va plus loin, et dans la chute continuelle des asté roïdes il voit en même temps la cause de la rotation du soleil et le moyen de déterminer avec quelque vraisemblance l'époque à laquelle elle a commencé. Tous les petits astres qui, chaque jour, tombent sur le soleil après avoir circulé autour de lui forment, conformément aux suppositions de Robert Mayer, l'anneau lumineux et allongé connu sous

le nom de lumière zodiacale. La rotation, au moment de la chute, est dans le même sens que celle du soleil, mais incomparablement plus rapide, et le choc, tout en produisant de la chaleur, doit accroître incessamment la vitesse de rotation. Le moment du mouvement de rotation, ou, comme l'aurait dit Poinsot, le couple qui anime le soleil est le produit du tiers de la masse par son rayon et par la vitesse des points situés à l'équateur, et il est par conséquent le même, comme le montre un calcul très-facile, que celui d'une masse uniformément répartie sur l'équateur solaire et 650 fois moindre que la sienne propre. Cette masse, d'après les calculs de M. Thomson, représente à peu près la quantité de substance météorique qui, pour entretenir la chaleur solaire, a dû tomber sur lui depuis vingt-cinq mille ans. Vingt-cinq mille ans forment donc le temps qu'il faudrait au soleil pour acquérir son mouvement actuel de rotation par l'incorporation des météores circulant, suivant les lois admises, dans le plan même de l'équateur. Mais le tourbillon des météores réduit à l'état de vapeur s'incorpore probablement à lui en se condensant sur toute la surface, et la vitesse tangentielle de ce tourbillon est vraisemblablement, sur chacun des parallèles du globe solaire, peu différente de celle d'une planète dont l'orbite aurait pour grand axe le diamètre de ce parallèle, et, s'il en était ainsi, les principes les plus simples de la mécanique conduisent à élever jusqu'à trente-deux mille ans la période qui, dans la première supposition, était de vingt-cinq mille seulement. Le peu d'inclinaison du plan de l'équateur solaire sur celui de l'orbite des planètes et de l'anneau zodiacal donne à cette hypothèse un certain degré de vraisemblance. La masse de météores qui forme la lumière zodiacale n'a pas, jusqu'ici, troublé par sa présence l'exactitude des calculs astronomiques, et M. Thomson croit pouvoir en conclure, un peu arbitrairement, il faut l'avouer, que la masse totale ne surpasse pas la cinquantième partie de celle du soleil. La masse des météores tombant dans l'espace de trois mille années, d'après l'intensité actuelle, évaluée par lui à de la masse du soleil, il en conclut qu'en trois cent mille ans la matière météorique sera épuisée et qu'il ne faut pas compter sur une plus longue durée de la lumière solaire. La vitesse de rotation ira d'ici-là sans cesse en s'accroissant, chaque année lui ajoutant de la valeur présente, ce qui correspondrait à une diminution d'une heure en cinquante-trois ans, qui, d'après le peu de précision que comporte une telle mesure, ne pourra devenir apparente qu'après un grand nombre de siècles.

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Dans sa belle théorie de la transformation des forces, Robert Mayer

n'admet aucune exception; le travail nécessaire à l'accroissement des êtres organisés aussi bien qu'à l'entretien de leur vie est soumis aux mêmes lois que celui qui s'accomplit sur la matière inerte. Les plantes incessamment absorbent dans l'air de l'acide carbonique et le décomposent sous l'influence de la lumière solaire; elles produisent ainsi un travail négatif précisément égal à celui qui s'accomplirait par leur entière combustion. Le soleil en est la source unique, et, si l'on vient un jour à brûler l'arbre entier, il reproduira précisément la quantité de chaleur qui, empruntée au soleil, a servi successivement à préparer et à extraire les molécules qui le constituaient.

Les animaux, par leurs efforts musculaires, peuvent produire un travail incessant qui semble réaliser le mouvement perpétuel, ils n'échappent pas cependant à la loi commune, et le travail dépensé est dans leur organisme, comme dans toute autre machine, précisément égal au travail produit. Les éléments nécessaires à la vie ne servent seulement pas à réparer et à développer les tissus introduits dans l'estomac, ils y sont transformés, dissous, entraînés dans la circulation, et mis successivement en contact avec l'oxygène de la respiration, qui les brûle en les transformant en acide carbonique et en eau, incessamment rejetés à chaque expiration. Cette combustion produit de la chaleur et équivaut à du travail, c'est elle qui rend possible tout ce que l'animal en peut produire, Sans approfondir davantage les causes, et sans s'étendre, selon l'esprit de la méthode nouvelle, à analyser curieusement les détails, il suffit d'avoir montré, comme on le ferait pour une machine à vapeur, que le combustible consumé correspond à la grandeur du travail ob

tenu.

Cette analyse fort incomplète d'un phénomène extrêmement compliqué a obtenu, il faut le dire, dans les expériences de M. Hirn, une bien remarquable confirmation. La quantité d'oxygène absorbé par les poumons varie d'un individu à l'autre, et dépend, pour chacun, des circonstances dans lesquelles il se place. On observe cependant, à l'aide d'appareils calorimétriques, qu'à chaque gramme d'oxygène introduit dans les poumons correspond uniformément, pour un individu en repos, la production de cinq calories. Mais si, pendant l'épreuve, le sujet observé accomplit un certain travail, la quantité de chaleur pour un même poids d'oxygène absorbé diminue très-sensiblement; absolument comme, dans une machine à vapeur qui travaille, la chaleur portée au condenseur est moindre que, lorsque, avec une même dépense de charbon, on ne surmonte aucune résistance. L'oxygène, dans les deux cas, brûle les mêmes substances et en même quantité, mais l'énergie déve

loppée se transforme dans l'un entièrement en chaleur, tandis que, dans l'autre, elle doit produire en même temps du travail; mais il y a plus si le sujet soumis à l'expérience accomplit un travail négatif, c'està-dire lorsque ses efforts, au lieu d'accroître la force vive des masses sur lesquelles il agit, contribuent à la diminuer, la chaleur, toujours rapportée, bien entendu, à une même absorption d'oxygène, s'accroît au lieu de diminuer. La différence des circonstances doit paraître cependant bien insignifiante. Supposons, par exemple, que l'effort demandé consiste à exercer sur une corde une traction de vingt-cinq kilogrammes, il pourra arriver que cette traction suffise pour attirer la corde, en soulevant un poids qui lui est attaché, ou que, trop faible au contraire, elle contribue seulement à en ralentir la chute. On peut supposer enfin que, cette traction de vingt-cinq kilogrammes faisant équilibre à un poids égal, il ne se produit de mouvement dans un sens ni dans l'autre. Les mêmes muscles sont en jeu dans les trois hypothèses, et, vainqueurs ou vaincus, ils développent la même force. L'effet calorifique sur l'organisme est cependant très-différent. Lorsqu'un homme gravit une montagne, il produit, en élevant le poids de son corps, un travail positif; chaque gramme d'oxygène absorbé l'échauffe moins qu'à l'état de repos; s'il descend, au contraire, les efforts ont pour but de modérer la vitesse qu'il tend à acquérir, ils produisent un travail négatif, et la chaleur développée doit être plus grande qu'à l'état de repos.

Comment se fait-il cependant, l'objection se présente d'elle-même, qu'on arrive tout en sueur au sommet d'une montagne ? La réponse est bien simple : chaque gramme d'oxygène produit moins de chaleur, mais on en absorbe deux ou trois fois plus qu'à l'état de repos.

Les pages précédentes résument très-incomplétement le beau livre de Robert Mayer. C'est à lui, nous le répétons, qu'appartient l'honneur d'avoir affirmé et développé clairement l'ensemble de ces principes, aujourd'hui acceptés de tous. D'autres noms cependant doivent rester associés au sien et ne sauraient être omis sans injustice.

M. Seguin aîné, dans un ouvrage publié en 1839: De l'influence des chemins de fer et de l'art de les construire, avait énoncé très-nettement, mais sans rien affirmer ni rien prouver, à titre de conjecture plausible seulement, le principe fondamental de la théorie nouvelle.

La première idée qui frappe, dit-il, lorsqu'on considère la liaison des phénomènes de la génération du mouvement avec la production de la chaleur, c'est que la quantité de puissance mécanique que peut développer une masse de vapeur est relative à la différence de densité et de

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température, en la considérant dans les deux états consécutifs où elle se trouve avant et après les productions de mouvement. Cette phrase est un peu vague, mais l'éminent auteur ajoute : « Je crois avoir remarqué qu'il existe une sorte de rapport entre la quantité de chaleur néces«saire pour la faire passer de l'un à l'autre de ces deux états et la quan. «tité de force produite. Ceci reviendrait à dire que la vapeur n'est que <«<l'intermédiaire du calorique pour produire la force, et qu'il doit exis<< ter entre le mouvement et le calorique un rapport direct, indépen«dant de l'intermédiaire de la vapeur ou de tout autre agent qu'on pourrait y substituer. » Et ailleurs : «Il résulterait de la théorie géné << ralement acceptée que l'on pourrait, au moyen d'une masse finie de calorique, obtenir une quantité indéfinie de mouvement, ce qui ne « peut être admis ni par le bon sens ni par la saine logique. Comme la « théorie actuellement adoptée conduirait cependant à ce résultat, il me « paraît plus naturel de supposer qu'une certaine quantité de calorique dispa«raît dans l'acte même de la production de la force ou puissance méca <«<nique, et réciproquement; et que les deux phénomènes sont liés entre <«<eux par des conditions qui leur assignent des relations invariables. >>

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Lorsque, trois ans après avoir écrit ces lignes, M. Seguin a pu lire les premiers mémoires de Robert Mayer, il avait le droit, évidemment, d'y voir la réalisation de ses idées et l'accomplissement de son programme.

M. Helmholtz, dans un mémoire très-remarqué, publié en 1847, ac. cepte comme Mayer le principe de la conservation des forces, invoquant comme un axiome incontesté l'impossibilité du mouvement perpétuel; quoique le point de départ soit le même, la route parcourue par M. Helmholtz est opposée, pour ainsi dire, à celle de l'illustre médecin d'Heilbronn. Au lieu d'examiner comme lui les phénomènes complexes pour en éclairer l'explication ou y introduire des mesures déduites de la loi acceptée, M. Helmholtz s'efforce de remonter aux forces élémentaires dont le jeu naturel, conforme aux lois admises de la dynamique, produira les effets reconnus nécessaires, et il se pose cette question peut-être trop hardie:

Quelle doit être la loi des forces élémentaires développées entre les molécules matérielles, pour que le mouvement perpétuel soit impossible?

Le problème est malheureusement indéterminé, et l'on a depuis longtemps remarqué que toute loi d'attraction mutuelle suivant une fonction de la distance en fournit une solution. M. Helmholtz affirme, et l'on a souvent répété d'après lui, qu'il ne peut en exister d'autres. Mais la démonstration, il faut le dire, peut laisser subsister bien des doutes.

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