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de ses lettres. En élevant les enfants, les Talapoins payent en partie leur dette à la société et lui rendent ce qu'elle leur donne en les faisant vivre. Ceci ne veut pas dire, d'ailleurs, que l'instruction soit poussée fort loin; elle ne va guère jusqu'à la grammaire, que les maîtres ne savent pas plus que les élèves; mais, à certains égards, les méthodes sont assez bonnes pour enseigner l'alphabet birman, lequel est emprunté en prestotalité à l'alphabet sanscrit et est aussi compliqué1.

que

Une autre occupation des Talapoins, non moins louable, mais qui n'est pas non plus fort bien remplie, c'est de copier les livres sacrés, soit pour leur usage personnel, soit pour accroître la petite bibliothèque du monastère. C'est un labeur très-honorable et qui attire la plus grande considération à ceux qui s'y livrent, en même temps qu'il est recommandé par les règlements de la corporation. Mais malheureusement ces prescriptions excellentes ne sont pas fort exactement suivies, et les manuscrits sont toujours excessivement rares, et, par suite, excessivement chers.

Le reste du temps des Phonguis est consacré à réciter des formules destinées à rappeler combien les choses de la vie sont instables et changeantes, douloureuses et vaines. Ce pourrait être un texte fécond de méditations; mais il n'est pas sûr que tous les Talapoins soient capables d'une attention aussi soutenue. Voici la formule qu'ils doivent répéter au moins 120 fois par jour, concernant les quatre choses les plus nécessaires à la vie : « Je mange ce riz non pour complaire à mes goûts, mais « pour apaiser le besoin de la nature. Je porte cet habit non par un sen<«<timent d'orgueil, mais pour couvrir ma nudité. J'habite ce couvent (kiaong) non pour m'en faire gloire, mais pour me mettre à l'abri «< contre les intempéries du temps. Je bois cette médecine uniquement « pour recouvrer la santé, qui me permettra de remplir avec plus de « dévouement tous les devoirs de ma profession2. >>

G

L'influence qu'exercent les Phonguis au Birman est exclusivement religieuse, mais elle n'y est pas moins immense. Il est peu probable qu'à aucune époque ils se soient occupés des affaires de l'État; mais, depuis cent ans que la dynastie d'Alomphra est sur le trône, il est certain qu'ils n'y ont jamais été mêlés. Imitateurs et successeurs du Bouddha, c'est sur eux que repose l'édifice tout entier de la religion, qu'ils maintiennent par leurs exemples et par l'enseignement dont ils sont les seuls à disposer. En dehors de la société par la vie austère qu'ils mènent, supérieurs aux passions qui agitent et égarent le reste des hommes, maîtres The life or legend of Gaudama, etc. p. 522. L'alphabet sanscrit, comme on sait, compte jusqu'à 47 lettres. - Ibid. p. 523.

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questions qu'on adresse au catéchumène ont pour unique objet de constater son identité; mais il n'y a pas le moindre examen ni la plus légère épreuve pour s'assurer de ses dispositions, de sa capacité et de sa science. On ne recherche même pas sa conduite antérieure; il est admis sans autre difficulté, du moment qu'il consent à prendre le vêtement jaune. C'est bien de lui qu'on peut dire en toute vérité que l'habit fait le moine. Mr Bigandet cite l'exemple d'un vieux domestique qu'il avait depuis deux ans et qui était à peu près stupide. Un beau jour, son serviteur le quitta pour aller se faire Phongui, et il fut reçu sur-le-champ dans la confrérie. Il résulte de cette facilité d'admission de grands inconvénients, comme on peut le croire. Ce ne sont pas seulement des ignorants qui se font Talapoins; ce sont surtout des paresseux, qui deviennent d'autant plus fiers de leur haute situation, qu'ils la méritent moins. Quelques Phonguis ont une opinion fort exagérée de leur propre mérite, et leur suffisance est bien souvent intolérable; ce sont les adeptes partis de plus bas qui ont les prétentions les plus ridicules et les moins justifiées. La faculté intellectuelle qu'on exerce le plus dans les couvents, c'est la mémoire, et l'on apprend par cœur des livres entiers; la plupart des Phonguis récitent des morceaux d'une longueur interminable en pali, mais ils n'en comprennent pas un seul mot1.

Un autre défaut des Talapoins, c'est leur paresse presque invincible, qui résulte à la fois et de la vie qu'ils mènent, et de l'influence du climat, qui rend ce vice très-habituel à tout le monde, même en dehors des monastères.

En terminant ce tableau du monachisme birman, Mg Bigandet se défend de l'avoir jugé avec la moindre malveillance ou la moindre intention de satire. Ce témoignage semble parfaitement sincère; car l'idée que le livre de M l'évêque de Ramatha nous laisse des Phonguis ou Talapoins leur est, en somme, des plus favorables; nous citerons, pour clore ces articles, la phrase par laquelle M Bigandet achève lui-même

son ouvrage :

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« L'ordre religieux auquel se rattachent les Phonguis est, après tout, le plus vaste par l'étendue des pays où il s'est répandu, le plus extraordi«naire et le plus parfait dans son institution et ses parties essentielles, <«<le plus sage dans sa règle et dans ses lois, qui ait jamais existé, soit « dans les temps anciens, soit dans les temps modernes, si l'on en ex«cepte le christianisme. »

BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE.

The life or legend of Gaudama, etc. p. 532.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT IMPÉRIAL DE FRANCE.

ACADÉMIE FRANÇAISE.

L'Académie française a tenu, le jeudi 9 décembre 1869, sa séance publique annuelle sous la présidence de M. Prévost-Paradol, directeur.

M. Patin a ouvert la séance en donnant lecture du rapport de M. Villemain, secrétaire perpétuel, sur les concours; après cette lecture, la proclamation des prix décernés et des prix proposés par l'Académie a eu lieu dans l'ordre suivant :

Prix de poésie.

PRIX DÉCERNÉS.

Le sujet du prix de poésie pour 1869 avait été laissé au choix des concurrents. Le prix a été décerné à la pièce de vers portant pour titre : Séméia, dont l'auteur est M. Édouard Grenier.

Prix Montyon destinés aux actes de vertu. - L'Académie française a décerné : Deux prix de 2,000 francs chacun : 1° à Euphrasie Coursault, à Ligueil (Indreet-Loire; 2° A Pierre Guary, à Martel (Lot).

Trois médailles de première classe de 1,000 francs chacune: 1° à Madeleine Breteau, à Lavaré (Sarthe); 2° à la dame Bouttier, à Coulans (Sarthe); 3' A Jacqueline Perret, à Scionzier (Haute-Savoie.)

Dix-sept médailles de seconde classe de 500 francs chacune à Angélique-Élisabeth Masson, à Melun; à Anne-Sylvie Lansalot, à Salies (Basses-Pyrénées); à Jeanne Lanaut, à Davenescourt (Somme); à Marguerite Veber, à Distroff (Moselle); a Jeanne Bouvier, à Angers; à Françoise-Marie Le Charpentier, à Saint-Brieuc; à la dame Laurent, à Nicey (Meuse); à Élisabeth Delmas, à Grives (Dordogne); à Éléonore Voyer, à Saint-Loup (Deux-Sèvres); à Babette Loemel, à Paris; à Marie Bourgoin, à Paris; à Joséphine Hellandais, à Landavran (Ille-et-Vilaine); à Adèle Linard, à Troyes; à Louise Palmier, à Paris; à Pierre Lapeyre, à Saint-Orse (Dordogne); à la dame Annès, à Fécamp (Seine-Inférieure); à Anne Lesprit, à Uchey (Côte-d'Or). Prix de vertu fondé par M. Souriau. — L'Académie pouvant disposer cette année de deux sommes de 1,000 francs, a décidé qu'il serait décerné deux prix : le premier est attribué à la nommée Antoinette-Éléonore Audibert, à Montrot (Haute-Marne): le second, à la nommée Honorée Pouvreau, à Saint-Philbert (Loire-Inférieure). Prix de vertu fondé par Mme Marie Lasne. Mme Marie-Palmyre Lasne a institue par son testament six médailles de 300 francs chacune, pour récompenser des actes de vertu. Elles doivent être données par l'Académie française, de préférence aux plus pauvres, et autant que possible à ceux qui auront donné de bons exemples de piété filiale.» (Termes du testament.) En 1869, l'Académie n'a pu disposer que de quatre médailles de 300 francs. Elles sont attribuées : 1° à Rose Varaud, domiciliée à

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Aubenas (Ardèche); 2° A Ernestine-Marceline Massicard, à Vitry sur-Seine; 3° à Rose Tison, à la Villedieu (Charente-Inférieure); 4° à Louise Paillard, à Boulogne (Seine). Prix Montyon destinés aux ouvrages les plus utiles aux mœurs. L'Académie française a décerné deux prix de 2,500 francs chacun : 1° à M. Jules Girard, maître de conférences à l'École normale supérieure, pour l'ouvrage intitulée: Le sentiment religieux en Grèce, d'Homère à Eschyle, etc. 1 vol. in-8°; 2° à M. P. J. Stahl (Hetzel), pour l'ouvrage intitulé: Morale familière, etc. 1 vol. in-8°.

Six prix de 2,000 francs chacun : 1° à M. Th. H. Martin, pour l'ouvrage intitulé: Galilée, les Droits de la science, etc. 1 vol. in-12; 2° à M. Ferraz, professeur de philosophie à la Faculté des lettres de Lyon, pour l'ouvrage intitulé : la Philosophie du devoir, ou principes foudamentaux de la morale, 1 vol. in-8°; 3° à M. François Lenormant, sous-bibliothécaire de l'Institut, pour l'ouvrage intitulé: Manuel d'histoire ancienne de l'Orient jusqu'aux guerres médiques, 2 vol. in-12; 4° à MTM de Witt, née Guizot, pour l'ouvrage intitulé: Scènes d'histoire et de famille, 2 vol. in-12; 5° à Me Carraud, pour le livre intitulé les Veillées de maître Patrigeon, entretiens familiers, etc. 1 vol. in-12; 6° à M. le comte Anatole de Ségur, pour le poëme tragique intitulé Sainte Cécile, 1 vol. in-12.

me

Prix Gobert.

Le premier prix de la fondation Gobert est et demeure décerné à M. Dareste, doyen de la Faculté des lettres à Lyon, pour son Histoire de France depuis les origines jusqu'au règne de Louis XV, 6 vol. in-8°.

par

L'Académie a décerné le second prix de la même fondation à M. Nettement, pour son ouvrage intitulé: Histoire de la conquête d'Alger, etc. 1 vol. in-12. Prix Bordin. Le prix spécial de 3,000 francs, fondé M. Bordin, pour l'encouragement de la haute littérature, a été décerné, cette année, à M. Chassang, maître de conférences à l'École normale supérieure, pour son ouvrage intitulé : le Spiritualisme et l'Idéal dans la poésie des Grecs, 1 vol. in-8°.

Prix Lambert. L'Académie a décidé que la récompense honorifique fondée par M. Lambert serait attribuée cette année à M. François Coppée, auteur d'une œuvre de théâtre intitulée : le Passant.

Prix Halphen. Le prix triennal de 1,500 francs provenant de la fondation faite par M. Ach.-Edm. Halphen, pour l'auteur de l'ouvrage que, selon les termes du testament, l'Académie jugera à la fois le plus remarquable au point de vue littéraire ou historique, et le plus digne au point de vue moral, est attribué cette année à M. Perrens, professeur de rhétorique au lycée Bonaparte, pour son ouvrage intitulé les Mariages espagnols sous le règne du roi Henri IV, 2 vol. in-8°.

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PRIX PROPOSÉS.

Prix Thiers. L'Académie décernera pour la seconde fois, en 1871, le prix triennal de 3,000 francs fondé par M. Thiers pour l'encouragement de la littéra ture et des travaux historiques.

me

Ce prix sera décerné à l'ouvrage d'histoire, publié dans les trois années antérieures au 1 janvier 1871, que l'Académie jugerait le plus digne de cette distinction. Les ouvrages adressés pour ce concours devront être envoyés au secrétariat de l'Institut avant le 30 janvier 1871. Donation faite par Mme Landrieu. Me veuve Landrieu, décédée à Paris le 14 avril dernier, a laissé un testament par lequel elle lègue une somme de 3,000 piastres fortes, de la dette différée d'Espagne, à l'écrivain qui aura obtenu de l'Académie française un prix pour une comédie ou une tragédie en vers représentée en public dans l'année qui a précédé ou dans l'année qui suivra son décès.

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