Images de page
PDF
ePub
[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

A MONSIEUR

ÉMILE BOUTROUX

ANCIEN MAÎTRE DE CONFÉRENCES A L'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE, PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES LETTRES DE PARIS,

HOMMAGE

DE RECONNAISSANCE RESPECTUEUSE ET DE DÉVOUEMENT

L'objet de ce livre est de critiquer le droit de l'esprit humain à concevoir, en face de l'universel phénoménisme où il semble qu'aucune limite ne puisse subsister, ni même exister.

C'est un fait ou, si on veut, un phénomène, que l'esprit humain ne se laisse pas persuader aisément à ce phénoménisme et qu'il imagine toujours, pour expliquer les choses changeantes, des éléments ou des essences stables.

Ce fait se vérifie dans l'histoire de l'esprit humain, c'est-à-dire de la religion, de la science et de la philosophie.

Il m'a donc fallu d'abord parcourir cette histoire de manière à y montrer l'évidence de ce fait.

Pour cela, je n'ai pas essayé d'énumérer les concepts à l'aide desquels l'esprit humain, à chaque moment de l'histoire, s'est forgé une explication des choses. Autant vaudrait compter les grains de sable des grèves de la mer. Il m'a paru que pendant certaines périodes, qui se présentaient comme distinctes, il y avait quelques conceptions vraiment principales d'où toutes les autres ont découlé ainsi que des conséquences et j'ai signalé expressément,

chapitre par chapitre, ces concepts premiers ou générateurs.

J'y ai rattaché, comme à leurs principes, les conceptions particulières qui se sont produites dans la pensée humaine, les systèmes des philosophes et même les quelques formes différentes qu'a traversées l'organisation sociale.

De tout cela aussi, j'ai tâché de ne prendre que l'essentiel, c'est-à-dire ce qui me paraissait suffisanţ pour caractériser le procédé par lequel l'esprit humain conçoit synthétiquement et l'effort qu'il fait pour accorder l'organisation et la conduite de la vie avec ses conceptions. Ce procédé participe éminemment de la liberté de l'esprit et il la manifeste, non seulement dans les conséquences éloignées, mais déjà dans les conceptions encore proches des principes. On le voit dans les systèmes des philosophes. C'était assez pour moi de retracer ce que ces conceptions ont eu d'original, de donner, des systèmes typiques, une image ressemblante en raccourci, m'arrêtant au moment de descendre à leurs détails inutiles à mon dessein, et, pour les autres systèmes, ne leur empruntant que le nécessaire ou les négligeant complètement, quand cela était possible.

Ces systèmes omis attestent, eux aussi, que les concepts principaux de l'esprit sont féconds en conséquences secondaires et variées, mais ils n'attestent pas cette fécondité supérieure des concepts premiers qui est de s'engendrer les uns les autres; et, la méthode de conception de la pensée étant établie

« PrécédentContinuer »