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SUR LA

LANGUE FRANÇOISE

PAR

VAUGELAS

NOUVELLE ÉDITION

COMPRENANT LE TEXTE DE L'ÉDITION ORIGINALE
DES REMARQUES INÉDITES

UNE CLEF INÉDITE DE CONRART

TOUS LES COMMENTAIRES DU XVII SIÈCLE

DES NOTES NOUVELLES

UNE INTRODUCTION ET UNE TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES

PAR

A. CHASSANG

Docteur ès-lettres, Lauréat de l'Académie française
Inspecteur général de l'Instruction publique

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SVR

LA LANGVE FRANÇOISE

DAUTANT QUE, pour PARCE QUE.

Ie ne croyois pas faire cette remarque, comme la jugeant inutile, et m'imaginant qu'il n'y auoit que les Imprimeurs qui missent vne apostrophe à d'autant que, quand il signifie parce que mais voyant que cette erreur se rend commune, et comme vniuerselle, il est necessaire d'en donner auis pour empescher qu'elle ne s'establisse tout à fait; Car encore qu'il semble que cela importe peu d'y mettre vne apostrophe, ou de ne l'y mettre pas, si est-ce que si l'on se relasche tantost en vne chose, tantost en vne autre, pour petite qu'elle soit, à la fin, comme je l'ay desja dit ailleurs, tout sera corrompu. Outre que je ne demeure pas bien d'accord, que ce soit si peu de chose que d'empescher vne equiuoque, d'autant que, auec vne apostrophe voulant dire toute autre chose, comme chacun sçait, que dautant que, ainsi orthographié. Quand je diray donc, d'autant que je suis heureux d'vn costé, je suis malheureux de l'autre, en l'escriuant ainsi, ce d'autant que, est vn terme de comparaison entre le bonheur que j'ay d'vn costé et le malheur que j'ay de l'autre ; C'est pourquoy si je veux dire d'autant que, pour parce que, et que j'y mette vne apos

VAUGELAS. II.

trophe, ceux qui liront d'autant que je suis heureux d'on costé, ne sçauront en quel sens le prendre, sans estudier ce qui va deuant et ce qui va apres pour s'en esclaircir. Sur quoy il faut alleguer l'Oracle de Quintilien fulminant contre les equiuoques, quels qu'ils soient sans exception, et prier le Lecteur de s'en vouloir ressouuenir en tous les endroits de ces Remarques, où ce vice est condamné. Vitanda, dit-il, in primis ambiguilas, non hæc solùm de cujus genere suprà dictum est, quæ incertum intellectum facit, vt Chremetem audiui percussisse Demeam; sed illa quoque, quæ etiamsi turbare non potest sensum, in idem tamen verborum vitium incidit, vt si quis dicat visum à se hominem librum scribentem; nam etiamsi librum ab homine scribi pateat, malè tamen composuerat, feceratque ambiguum quantùm in ipso fuit.

T. C. Il est difficile que d'autant que fasse jamais d'équivoque, puisqu'il n'y a presque point d'occasions, où on le puisse employer au commencement de quelque phrase dans le sens qui lui fait donner une apostrophe. L'exemple que rapporte M. de Vaugelas n'est point une façon de parler naturelle. On dira, je suis aussi malheureux d'un costé, que je suis heureux de l'autre, et non pas, d'autant què je suis heureux d'un costé, je suis malheureux de l'autre. J'ai mesme observé, que les bons Auteurs ne se servent plus de dautant que, dans la signification de parce que, et qu'ils l'ont entierement banni du beau stile.

Après ce que dit ici M. de Vaugelas, qu'il faut éviter les équivoques, quelles qu'elles soient sans exception, je m'étonne qu'il n'ait préféré quoy qui arrive, à quoy qu'il arrive, dont il a parlé dans la Remarque qui porte ce titre, pour dire, quelque chose qui arrive, puisque, quoyqu'il arrive, peut faire une grande équivoque. Si je dis, on m'a appris que mon ennemi doit estre à Paris demain, et qu'il y vient pour me nuire; quoy qu'il arrive, je ne m'en veux point inquieter; on ne sçait si je veux dire, quoique mon ennemi arrive, ou, quelque chose qui arrive; et il n'y auroit aucune équivoque, si je disois, quoy qui arrive.

A. F. La distinction que M. de Vaugelas apporte dans cette Remarque est tres bonne, quand il fait voir qu'il ne faut pas dire, il recompensa ses serviteurs qui l'avoient bien

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