Images de page
PDF
ePub

ble à l'Espagne. Cet homme, qui a été funeste à sa patrie, soit qu'il ait été traître, soit qu'il ait été stupide, en jouant les destinées de la péninsule, soit qu'il l'ait vendue, soit qu'il l'ait livrée, est don Eugenio Izquierdo. Son nom va bien à la marche tortueuse qu'il a toujours suivie, soit par bêtise, soit par friponnerie. Mais je puis affirmer, par exemple, qu'il était fort spirituel. Oh! que cet homme a fait de mal à l'Espagne!...

CHAPITRE II.

Mon mari conçoit du prince de la Paix une opinion favorable. Portrait de la princesse des Asturies.

[ocr errors]
[ocr errors]

Curieuse origine de la faveur du prince de la Paix. Titre de prince conféré en Espagne aux étrangers seulement et aux membres de la famille royale. Appréciation impartiale du prince de la Paix. Il tient tête à l'inquisition. Junot se rend près du roi à Aranjuez. — Ma présentation. Vieux restes des coutumes féoda

[ocr errors]
[ocr errors]

les. Pont du Mançaranez. Pont de Tolède.

[ocr errors]

--

[ocr errors]

Le château de M. Aguado à Petit-Bourg. Ma toilette de présentation. Cérémonial. Proscription des gants blancs. La camareira mayor. La reine me fait le plus gracieux accueil. Son portrait. Charles IV. Ses habitudes. Détails intéressants sur sa vie privée. La reine d'Étrurie. Mon embarras. Questions nombreuses que m'adressent le roi et la reine d'Espagne.

[ocr errors]
[ocr errors]

La cour était à Aranjuez lorsque nous arrivâmes à Madrid. Junot, qui était fort pressé de parler au prince de la Paix, le vit le lendemain

de son arrivée. Le prince était prévenu qu'il avait à lui communiquer des choses importantes de la part de l'empereur Napoléon; et quoique le canon d'Austerlitz n'eût pas encore grondé, l'Espagne était l'alliée la plus fidèle de la France, autant par son intérêt que par amitié pour nous, comme on peut le croire. Mais ce mobile de fidélité est le plus puissant chez une nation comme chez un particulier; celui-là ne trompe jamais. Le prince-roi, voulant plaire à l'empereur, fut dans cette entrevue parfaitement aimable, et Junot en revint tout-à-fait captivé.

-Berthier radotait, quand il me disait du mal de cet homme-là, me dit-il à son retour. On prétend qu'il est insolent; tous les grands s'en plaignent, et moi je n'ai vu en lui qu'un courtisan, tel que je me représente les hommes de la cour de Philippe V. Par exemple, il n'aime pas le prince et la princesse des Asturies, et il m'a prévenu que nous en serions fort mal reçus. Il m'a averti que la France n'avait pas de plus grand ennemi que le prince royal.... Je suis fâché d'avoir à écrire cela... Il a ajouté que c'était sa femme, la fille du roi de Naples, qui l'aigrissait contre nous, et cela uniquement parce que la France est l'alliée de l'Espagne.

-Ah! monsieur l'ambassadeur, m'a-t-il dit,

[ocr errors]

l'Espagne aura un jour en lui un roi qui la rendra bien malheureuse!.... Cette double alliance avec la maison de Naples forme un lien qui se rattache à l'Autriche qui, de son côté, a épousé une troisième fille du roi de Naples.,,, Toutes ces femmes sont unies pour attaquer la France. Sa nouvelle gloire les offusque encore, et vous ne croiriez pas que cette ligue est formée et dirigée par la reine de Naples elle-même. Notre gracieuse souveraine, que Dieu tienne en sa garde, combat cette mauvaise influence de toutes les forces de son esprit et de son amour maternel, auprès de son fils; mais général. . . .

Et il frappait son cœur de sa main droite en secouant la tête d'un air négatif à plusieurs reprises.

-Je suis étonnée de ce que tu me dis là, disje à Junot. J'ai entendu mon oncle Démétrius me parler souvent de la princesse de Naples, qui est maintenant princesse des Asturies; il l'a connue à Naples lorsqu'il y fut envoyé en mission par le comte de Provence. Elle est charmante, à ce qu'il m'a dit; elle est belle et par, faite non seulement comme princesse, mais comme le serait une femme du monde. Elle parle sept à huit langues, est excellente musicienne, dessine, brode; enfin elle est vraiment une

personne accomplie. Tu vois bien que c'est ton prince de la Paix qui radote.

Junot se mit à rire.

Mais c'est toi qui radotes à ton tour, ma pauvre Laure.... Pourquoi donc une princesse ne serait-elle pas accomplie dans le sens que tu l'entends, et la plus méchante personne du monde ?

Parce que l'on ne peut être méchant quand on s'occupe aussi activement que le fait, dit-on, la princesse des Asturies. Bien plus, on n'en a pas la volonté. Enfin je pense ainsi. Jepuis avoir tort; mais je crois qu'une femme qui s'occupe depuis le moment de son lever jusqu'à l'heure de son sommeil, de musique, de peinture, de poésie, qui aime les beaux-arts enfin, ne peut avoir dans l'âme que des sentiments élevés. Je n'en dirai pas autant de ton prince de la Paix: on prétend qu'il sait à peine écrire.

-Oh! pour celui-là on en a menti! s'écria Junot qui était encore sous le charme. Tiens, vois, s'il est possible d'avoir au contraire une plus charmante écriture.

C'était vrai; Junot me montra un billet qu'il avait reçu du prince de la Paix le matin même. L'écriture en était espagnole, c'est-à-dire indé

« PrécédentContinuer »