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(I)

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PRÉFACE.

Omme tous les hommes ne font pas également éclairés en toutes chofes, & qu'ils ne regardent pas tous les mêmes objets par les mêmes faces, il eft vifible qu'on ne fauroit les contenter tous en quoi que ce foit; puifqu'il faut en agissant se réduire à une certaine maniere, & qu'il eft comme impoffible que cette maniere s'accommode à tant d'inclinations différentes.

C'est la fource ordinaire des plaintes que chacun fait contre les Auteurs qui ne fuivent pas la voie qu'il auroit voulu prendre, & qu'il juge la meilleure par rapport à sa disposition particuliere; & je ne doute point que plufieurs perfonnes n'aient attaqué par-là les deux Tomes de la Perpétuité qu'on a déja publiés, & n'aient trouvé à redire à l'ordre & à la méthode qu'on y a fuivie. Mais on a répondu à ces plaintes par cette raison d'équité, qu'étant impoffible de contenter tout le monde, on ne peut faire autre chofe dans les Livres que de choisir l'ordre le plus naturel en foi, & le plus conforme à la difpofition la plus commune: ce qu'on prétend avoir fait.

On est bien aise néanmoins, en produisant le troifieme Volume de cet Ouvrage, de pouvoir encore fe défendre fur ce point d'une maniere dont on croit que plus de gens feront fatisfaits.

Car encore que les plaintes qu'on a pu faire contre la méthode des deux premiers ne foient pas tout-à-fait juftes, par la raifon que je viens de dire, elles font pourtant fondées fur une imperfection de cette méthode, inévitable à la vérité, mais réelle, qui eft qu'elle n'eft pas conforme au goût & à l'inclination de toutes fortes d'efprits.

Il y en avoit qui auroient voulu qu'on eût commencé par les preu ves qui font contenues dans le fecond Volume; c'est-à-dire, qu'après avoir établi la vérité de la doctrine de l'Eglife par l'examen des passages de l'Ecriture, on paffàt enfuite à celui de la créance des Peres des fix premiers fiecles, pour finir par la difcuffion de la foi de toutes les Eglifes du monde depuis le fixieme fiecle.

D'autres n'étant retenus dans le parti des Calviniftes que par certains paffages difficiles, auroient voulu qu'on fût entré d'abord dans la dif cuffion de ces paffages, qui les ont tellement frappés, qu'ils font inPerpétuité de la Foi. Tome III.

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capables d'écouter toutes les autres raifons qu'on leur peut alléguer, tant que celles-là fubfiftent dans leur efprit.

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On n'a pas cru néanmoins devoir fuivre ni l'un ni l'autre de ces deux ordres, par les raifons qu'on a marquées dans les Volumes précédents; & on a jugé qu'il étoit tout autrement naturel de commencer par ce qu'il y a de plus clair & de plus incontestable, qui eft la doc trie de toutes les fociétés chrétiennes depuis mille ans pour paffer enfuite à ce qui étoit plus combattu', qui eft celle de l'Eglife des fix premiers1 fiecles cand sunt el Medist on 100 op vlivu PokerSt Mais quoique cette derniere méthode ait affurément quelque avantagel fur ces deux autres qu'on auroit pu fuivre, on avoue qu'elle ne les fut paffe pas en tout; puifqu'elle n'eft pas proportionnée aux perfonnes dont nous avons parlé, qui fe feroient mieux accommodés des autres : & ainfi après l'avoir gardée par néceffité dans le cours de cet Ouvrage, on eft bien aise préfentement qu'il est achevé, d'en pouvoir laiffer le choix aux Lecteurs qui n'auront qu'à difpofer ces trois Tomes felon la méthode qui fera la plus à leur goût.

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*S'ils ainrent cet ordre de nature & de raffon, qui conduit l'efprit des chofes claires à celles qui le font moins, ils n'ont qu'à fuivre celui auquel on a publié ces Volumes; fans y rien changer.

S'ils font attachés à Pordre chronologique, & qu'ils ne trouvent' pas bon qu'on ait commencé l'examen de la Tradition de l'Eglife fur 4'Eus chariftie par les derniers temps, ils ont moyen de contenter leur inclination, en faisant du fecond Volume le premier, du troifieme le fecond, & en finiffant ainfi par le premiery whip B022 shy kunda 2018 Enfin ceux qui ont fouffert lavec peine qu'on ait différé, jusqu'à ce troifleme Volume, l'éclairciffement de certaines difficultés & de certains paffages qui les arrêtent, ont moyen maintenant de fatisfaire leur in patience, en fe faifant un nouvel ordre, qui feroit de prendre ce der nier Volume pour le premier, & de donner aux deux autres tel rang & tel ordre qu'il leur plaira. up

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Je fais bien que ces autres ordres n'étant pas celui auquel on s'eft attaché, ne feront pås fi juttes ni fi fuivis que le premier; & que Pon n'y trouvera pas toutes chofes traitées dans leur place naturelle. Je fuis perfuadé néanmoins que cela ne va pas bien loin, & qu'ils pourront fort bien fuivre dans la lecture de cet Ouvrage, l'ordre qui fera le plus conforme à leur inclination; d'autant plus que les citations qui font à la marge', '& la table qui réunit tous les trois Volumes en un corps, les avertir de ce qui pourroit être traité dans un autre Volume que celui qu'ils auront entre les mains..

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dl-feroit à fouhaiter que cet Ouvrage, fut aufli en état d'agréer à tout le monde, à l'égard des chofes & de la maniere dont elles font traitées, qu'en ce qui regarde la méthodes Mais c'eft ce que je fuis bien éloigné de prétendre. Je reconnois au contraire, qu'à l'égard de l'un & de l'autre, il ne répondra nullement à l'idée que les personnes éclairées auront de ce qu'on pouvoit faire, & qu'ils y pourront remarquer avec justice un grand nombre de défauts. Mais afin qu'ils en puiffent mieux juger, j'expoferai implement ici les vues qui m'ont porté à le mettre dans l'état où il eft, & à le renfermer dans les barnes que je m'y fuis prefcrites. Il n'a paru que c'étoient des défauts prefque également à éviter, de straiter les matieres avec strop de brièveté, ou de les étendre trop; de fe contenter de propofer les principes, généraux, pour réfoudre les objections, ou de defcendre dans un détail qui fatigue inutilement les Lectours; d'omettre les difficultés importantes & effentielles, ou de n'en négliger aucune, pour petite & légere qu'elle foit; & qu'ainfi falloit sprendre un milieu qui pût fatisfaire les perfonnes de bonne foi, & qui ne rebutât pas le commune du monde par une longueuri ennuyeuse.

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Ileft certain, comme dit S. Auguftin, que ceux qui font inftruits De Civit. - de la vérité, n'auroient pas befoin de beaucoup de difcours pour faire Dei. 1. 2.

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^» voir la fausseté dé quelque erreur que ce foit, fi l'efprit de ceuxtà qui ils ont affaire ne refiftoit point à la lumiere de la vérité, & s'ils écantoient avec docilité la doctrine falutaire, jufqu'à ce qu'ils fuffent t guéris par le fecours de la grace qu'ils attireroient par leur foi &lour piété. Mais il eft vrai auffi, comme dit ce même Pere, que la plupart de - ceux qui font dans lerreur, ne font pas dans une difpofition fi heyreufe. Ils fuivent aveuglément leurs paffions & leurs préjugés, après même qu'on leur en a fait voir la fauffeté. Leur aveuglement les empêche de voir des chofes très-claires, & leur opiniâtreté fait qu'ils ne 25, fe rendent pas à celles mémés qu'ils ne fauroient s'empêcher de voir: 25, & c'est ce qui oblige, dit-il, de s'étendre fur des chofes qui font d'elles› mêmes claireš, afin de ne les expofer pas feulement aux yeux de ceux » qui les voudroient regarder; mais de les faire en quelque forte toucher à ceux mêmes qui ne les veulent pas voir.? Fit necessitas copiofiùs diecendi plerumque res claras, velut eas non fpectantibus intuendas, fed quodammodo tangendas palpantibus, & conniventibus offeramus.

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y en a même qui n'étant pas en une fi mauvaise difpofition, méritent encore mieux cette déférence. Car comme il y a des difficultés dans tous les myfteres, il ne faut pas tout-à-fait s'étonner que certains efprits en foient embarraffés; & la charité ne permettant pas qu'on néglige le falut de perfonne, il faut par néceffité s'appliquer à réfoudre qes

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C. I.

difficultés; puifqu'il y a peu de gens qui en trouvent l'éclairciffement dans les folutions générales.

Or pour le faire comme il faut, & ne donner pas lieu à des repliques qui portent encore la difpute à une plus grande longueur, il faut traiter les chofes exactement, & avec une étendue raifonnable; autrement on ne termine rien. Un Ecrit n'eft que la femence d'un autre, & on laiffe à ceux qui font dans l'erreur un prétexte apparent de fe flatter qu'ils ont raifon de demeurer dans leurs fentiments; puifqu'on ne les éclaircit point fur ce qui les y arrête.

C'est ce qui a obligé d'expliquer en détail ces fameux paffages de Tertullien, de S. Augustin, de Facundus, de Théodoret, de Théodotus d'Antioche, de Gélafe, de S. Ephrem, & de quelques autres Auteurs dont les Miniftres rempliffent tous leurs Livres & tous leurs discours, & dont ils font le rempart du Calvinifme, & le fondement de toutes leurs folutions.

Ces paffages fe trouveront traités dans ce Volume ici avec tout le foin & toute la netteté qu'on a pu; mais fur-tout avec une entiere fincérité. Il ne s'y verra point qu'on ait tâché d'éblouir le monde, en feignant de méprifer ce qu'on auroit eu peine à éclaircir. On n'a ni diɓ fimulé, ni obscurci les difficultés & les réponses ordinaires des Ministres, & on leur a donné de bonne foi toute la force qu'elles ont dans leurs Ecrits.

Il est vrai que l'ordre dans lequel elles font propofées, & les principes, de vérité qui les précedent & les environnent, en font difparoître la plupart. Mais il n'eft pas moins permis de détruire une objection par avance.,. qu'après l'avoir propofée; & ce n'eft pas ce qu'on appelle éluder une difficulté par adreffe & de mauvaise foi; c'est au contraire la diffiper par la lumiere de la vérité.

Ce font-là les raifons qui m'ont porté à m'étendre, comme j'ai fait, sur certains paffages célebres: mais j'en ai eu d'autres qui ne font pas moins confidérables, pour me renfermer dans certaines bornes, & ne pas pouffer cet examen jusqu'à un détail ennuyeux de petits paffages & de légeres difficultés, qui font fuffifamment éclaircies par la folution des autres.

Il n'y a que trop de gens qui fe plaignent déja de la longueur de ces Volumes, & qui en font rebutés. Il n'y en a que trop qui fe perdent dans ces difcuffions embarraffées, & qui n'ont ni affez de temps, ni affez de capacité pour suivre le fil de cette difpute. Que feroit-ce donc fi on les avoit voulu conduire par un chemin infini, en les accablant de la réfu tation d'un tas de vaines chicaneries, qui ne font point pour l'ordinaire ce qui attache les gens au Calvinifme?

Comme la vraie Religion n'eft que pour les perfonnes de bonne foi, ce n'eft proprement qu'à ceux-là qu'il faut fonger, en tâchant d'éclaircir ce qui les peut retenir dans l'erreur mais c'eft fe charger d'un travail également infini & inutile, que de prétendre repouffer ou prévenir tous les reproches & toutes les objections de ces fortes de gens, qui font gloire de ne fe rendre jamais à la vérité, & qui n'ont pas pour but de la trouver, mais de la combattre.

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C'est pour cette raifon que S. Auguftin déclare, «que ceux qui défen» dent la vérité, ne doivent point fe croire obligés de répondre à tout ce » qu'on peut oppofer à leurs Ecrits. Car quelles bornes, dit-il, auroient » les difputes, & quand pourroit-on ceffer d'écrire, s'il falloit toujours » répondre aux adverfaires de la vérité jufqu'à ce qu'ils ne répondissent plus? Ne fait-on pas qu'il y en a qui, par défaut d'intelligence, ou par » une averfion opiniâtre qui les empêche de fe rendre aux chofes mêmes dont ils font convaincus, ne demeurent jamais fans réponse, & ne se laffent jamais de produire de vaines objections? Que fi on les vouloit » réfuter autant de fois qu'il leur plairoit d'attaquer la vérité par ces fortes » de difcours, où fans avoir égard au bon fens, ils n'ont pour but que

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de contredire ce qu'on a dit, ce feroit fe charger d'un travail le plus

» grand, le plus pénible & le plus infructueux qu'il foit poffible de » s'imaginer.

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» Il eft aifé, dit encore ce même Pere, à ceux qui ne veulent pas fe De Civit.

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taire, de produire des Ecrits pour faire croire qu'ils ont répondu. Ne Dei. L.15.. fait-on pas que le menfonge ne tarit point? Mais s'il fait faire, quand

» il veut, plus de bruit que la vérité, il ne faut pas croire pour cela qu'il ait autant de force que la vérité". Facile eft cuiquam videri respondisse, qui tacere noluerit, aut quid eft loquacius vanitate, quæ non ideo poteft quod veritas, quia fi voluerit etiam plus poteft clamare, quam veritas?

Un homme de fens ne fe doit donc jamais promettre que fes Ecrits puiffent étouffer toutes les réponses. Ce feroit mal connoître ce que peuvent l'engagement & la paffion, Mais l'on a droit d'exiger de tous ceux qui écrivent, & principalement en des matieres importantes pour le falut, qu'il n'y ait rien que de fincere & de folide dans leurs preuves: qu'ils ne propofent jamais comme certain ce qu'ils favent leur être nié avec quelque apparence par ceux qu'ils combattent; qu'ils ne prétendent pas payer le monde de déclamations au lieu de raifons, ni cacher leur foibleffe fous une abondance de paroles inutiles; qu'ils ne fuppofent pas groffiérement ce qui eft en question, & enfin qu'ils accompagnent ce qu'ils difent de preuves affez fortes, pour en perfuader les perfonnes raifonnables; & pour faire croire au moins qu'ils en font eux-mêmes perfuadés.

C. 27.

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