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Liv. IV. l'on demandoit à Dieu par ces prieres dont parle Origene, & dont il leur CH. IV. renouvelle la mémoire: ce qui leur y remettoit toutes les expreffions des Perpétuit. Liturgies, qui marquent fi bien la préfence réelle, que les Miniftres n'ont tom. 2. point trouvé d'autre fecret d'en empêcher l'impreffion, que de les abolir autant qu'ils ont pu, comme nous l'avons remarqué ailleurs.

Aubert. P. 361.

Mais, dit Aubertin, le moyen qu'Origene ait pu dire en ce lieu, que le pain eft fait, par la priere, le corps fubftantiel de Jefus Chrift; puisqu'au même temps qu'il écrivoit ces lettres contre Celfe, il écrivoit auffi fes Livres fur S. Matthieu, où il dit que le pain est fait typique ?

La réfolution de cette difficulté eft fort aisée.

C'eft premiérement, qu'Origene ne dit point ce qu'il fuppofe qu'il a dit. Il appelle bien dans fes Livres fur S. Matthieu l'Eucharistie, corps typique, comme tous les Peres l'ont appellé antitype (a), fans faire aucun préjudice à la réalité, comme nous l'avons montré: mais il ne dit point que le pain eft fait un corps typique, comme Aubertin le lui fait dire. Or il y a quelque différence entre ces deux expreffions. Mais quand il fe feroit fervi de la derniere, cela fignifieroit feulement, qu'il auroit été fait facrement du corps de Jefus Chrift; & il resteroit à voir fi Origene feroit demeuré dans la fignification littérale du mot de facrement, ou s'il n'y auroit point fuppléé. Or nous avons montré qu'on doit croire qu'il l'a fait.

On ne doit pas mettre entre les paffages qui ne déterminent la fignification des mots de pain & de vin, que par des épithetes qui fiffent reffouvenir les fideles de la créance de l'Eglife, celui de l'Auteur de la difpute contre Arius, qui fe trouve parmi les Œuvres de S. Athanafe: car il ne fe contente pas de dire de Jefus Chrift, qu'il nous a présenté une table; c'est-à-dire, le faint Autel, & qu'il y a mis le pain célefte, incorruptible, qui donne la vie à tous ceux qui y participent ; ce qui feroit du genre dont nous parlons: mais il ajoute expreffément, que ce pain eft fon faint & trèsSacré corps: ce qui eft précis. Ni celui de Julius Firmicus, qui nous exhorte à chercher le pain de Jefus Chrift, le calice de Jefus Chrift, afin que méprifant les chofes terreftres & fragiles, la fubftance de l'homme foit nourrie par cet aliment immortel. Car il ne fe contente pas auffi de nous faire connoître ce que c'eft que ce pain, par ces mots aliment immortel, qui ne lui conviennent que par ce que c'eft le corps de Jefus Chrift; mais il ajoute expreffément dans la fuite, que ce pain eft celui dont il eft dit, fi vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, & ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie.

(α) Καὶ ταῦτα μὲν περὶ τὸ τυπικὸδ καὶ συμβολικού σώματος,

Tous

Tous ces paffages, & plufieurs autres qu'on pourroit alléguer, font voir Liv. IV. fi clairement en quel fens les Peres ont appellé l'Eucharistie pain & vin, Сí. V. qu'il eft inutile de s'arrêter en particulier à quelques-uns, où ils n'ont point ajouté ces éclairciffements. Car il ne faut, pour en reconnoître le vrai fens, que fe fouvenir de ce principe, que ce que les Peres ont exprimé en divers lieux de leurs ouvrages comme leur foi & celle de l'Eglife, ils l'ont toujours eu dans l'efprit lors même qu'ils ne l'ont pas exprimé : qu'ainfi il eft permis de l'entendre par leurs expreffions; & par conféquent, qu'on doit fuppofer, que, quand ils nous parlent de pain & de vin, ils entendent ces mots d'un pain changé & converti au corps de Jefus Chrift; d'un pain qui n'est plus ce que la nature a formé, mais ce que la bénédiction a confacré, & enfin d'un pain qui n'eft plus pain, quoique les yeux & le goût le jugent tel; mais le corps de Jefus Chrift.

CHAPITRE V.

Abus qu'Aubertin & M. Claude font d'un passage de Clément d'Alexandrie, & d'un autre d'Origene.

O

N a fujet de craindre que les perfonnes judicieuses ne trouvent, qu'on s'eft trop arrêté à la réfutation des conféquences, que les Miniftres tirent des paffages où les Peres donnent à l'Euchariftie les noms de pain & de vin, & qu'ils ne jugent qu'une objection fi foible ne méritoit pas d'être repouffée avec tant de foin. Néanmoins, comme il y a des gens qui s'imaginent toujours que c'eft par fineffe qu'on ne rapporte pas certains passages tout au long, & qu'on n'y répond qu'en gros, je veux bien leur faire voir que l'on ne se dispense de le faire, que pour éviter la longueur extrême de cette méthode ; & que, fans cet inconvénient, qui rendroit les ouvrages inutiles au commun du monde, on y auroit encore plus d'avantage qu'en

aucune autre.

C'est ce qui paroîtra clairement par l'examen que nous allons faire d'un paffage de Clément d'Alexandrie, que les Miniftres alleguent d'ordinaire comme un des plus forts & des plus précis qu'ils aient fur cette matiere.

M. Claude le cite trois fois pour fa part, dans le Chapitre quatrieme de la deuxieme Réponse. Le voici dans toute fon étendue. De quelle forte croyez-vous qu'a bu le Seigneur, qui s'est fait homme pour notre falut? Croyez-vous que ce fût avec les mêmes emportements que nous ? N'étoit-ce pas, au contraire, avec une nodération extraordinaire & une extrême honnêPerpétuité de la Foi. Tome III. E e

LIV. IV. teté! Car vous devez favoir qu'il a ufé de vin auffi-bien que nous, puisqu'il CH. V. étoit homme comme nous; & ce fut du vin qu'il bénit lorfqu'il dit: Pre

nez, buvez; ceci est mon fang: ce qu'il difoit du fang de la vigne, cette liqueur de joie, qui fignifie le Verbe répandu fur plufieurs pour la rémission des péchés. Or que nous foyons obligés de garder la fobriété dans l'usage du vin, cela paroît clairement par les inftructions que Jefus Chrift donnoit dans les feftins: car il ne les eut pu donner s'il eut pris du vin avec excès.

Il a fait voir auffi, que c'étoit du vin que ce qu'il bénit, en difant à fes difciples, JE NE boirai plus du fruit de cette vigne jusqu'à ce que j'en boive avec vous au Royaume de mon Pere. Et pour montrer auffi que Jefus Chrift buvoit du vin, il ne faut que confidérer ce qu'il dit de lui-même, en reprochant aux Juifs leur dureté : le Fils de l'homme, leur dit-il, eft venu, & ils difent: c'eft un homme qui aime à manger, c'est un buveur de vin, un ami des Publicains. C'eft ce que nous établissons contre les Encratites.

M. le Cardinal du Perron avoit répondu très-judicieufement à ce paffage, que le but de Clément d'Alexandrie n'étoit aucunement de juftifier, en ce lieu-là, que ce qui étoit dans le calice après la confécration étoit du vin, mais que c'étoit du vin avant la confécration, & non de l'eau pure. Car, dit-il, il difputoit contre les Encratites, qui abhorroient Pufage du vin, comme impur & pollu en toutes chofes; & pour les réfuter, il agiffuit par deux arguments: l'un, que Notre Seigneur avoit bu lui-même du vin; & cela il le vérifie non par l'Euchariftie, mais par les reproches de ceux qui Pappelloient buveur de vin: l'autre, qu'il avoit béni & confacré du vin ; & cela il le prouve par l'Euchariftie, & allegue les paroles que cite le fieur du Pleffis, pour montrer que c'étoit du vin, & non de l'eau pure qu'il bénit. Aubertin entreprend de réfuter cette réponse; & il le fait par quantité de fuppofitions, ou fauffes, ou incertaines, ou vaines, comme nous l'allons

montrer.

Il nie premiérement, que le deffein de Clément fût de réfuter les Encratites; parce, dit-il, qu'il n'en eft point parlé dans tout le refte du Livre. Mais il fuffit qu'il en foit parlé dans ce paffage, où il eft parlé de boire du vin. Or Clément dit expreffément, qu'il établit ces maximes contre les Encratites. Il les y veut donc réfuter. Il eft vrai qu'il ne les réfute qu'incidemment. Mais ce n'eft auffi qu'incidemment qu'il établit que Jefus Chrift a bu du vin. Sans cette vue il l'auroit fuppofé fans preuve, puifque ce n'étoit pas une chofe conteftée entre les Catholiques.

2. Il dit que le but direct de Clément eft, d'exhorter à la fobriété. Je fais bien qu'il y exhorte en effet: mais cela n'empêche pas qu'il n'ait eu auffi en vue de réfuter en paffant les Encratites, & que ce ne foit dans cette vue qu'il s'arrête à prouver que Jefus Chrift a bu du vin : & c'est

chicaner que de n'en pas demeurer d'accord, puifque cet Auteur le dit Liv. IV. en termes formels. CH. V.

Voilà les premiers efforts d'Aubertin. Il entreprend enfuite de combattre ce que le Cardinal avoit avancé, que Clément ne prouve point par l'Euchariftie que Jefus Chrift ait bu du vin, mais feulement par les infultes de ceux qui l'appelloient buveur de vin. Mais il n'y réuffit pas mieux. Clé ment, dit-il, avoit à prouver deux chofes: l'une, que Jefus Chrift avoit bu du vin; l'autre, qu'il en falloit ufer modérément. Or il prouve le premier par l'Euchariftie. Sachez, dit-il, qu'il a ufé de vin comme nous, parce qu'il étoit homme, & que ce fut du vin qu'il bénit. Or Clément n'auroit-il pas été un ftupide, de prouver par l'Eucharistie que Jefus Chrift avoit bu du vin, s'il n'eut cru que Jefus Chrift y avoit bu du vin proprement dit? Cet argument d'Aubertin eft encore une pure illufion; & il n'est fondé que fur un faux fens qu'il donne à ces paroles de Clément : fachez que Jefus Chrift a bu du vin, en les rapportant à l'Euchariftie; au lieu qu'elles s'entendent de toute la vie de Jefus Chrift, dans laquelle Clément nous affure qu'il a bu du vin. Et quant à ces paroles: Et ce fut du vin qu'il bénit, c'eft un nouvel argument que Clément propose, qui n'eft point du tout la preuve que Jefus Chrift ait bu du vin.

Pour entendre cela, il faut fuppofer que Clément en cet endroit a deffein de réfuter en paffant l'héréfie des Encratites, comme il le dit lui-même en termes formels. Or ces hérétiques nioient le fait & le droit. Je veux dire qu'ils difoient que Jefus Chrift n'avoit point bu de vin, & qu'il n'en avoit point dû boire, parce que c'étoit un être impur & pollu. Clément foutient donc le contraire de ces deux erreurs, par deux claufes différentes. Il dit que Jefus Chrift avoit bu du vin par ces paroles: ἐν γὰρ ισε μετελαβεν οἶνε καὶ αὐτὸς καὶ γὰρ ἄνθρωπος καὶ αὐτὸς: Saches qu'il a bu auffi du vin, parce qu'il étoit homme comme nous. Et il combat le principe, qui étoit l'impureté du vin, parce que ce fut du vin que Jefus Chrift bénit. Or il n'auroit pas choifi un être impur pour le bénir. Ainfi, par la premiere raison, il détruit la pratique des Encratites par celle de Jefus Chrift; & par la feconde, il détruit le principe des Encratites par la bénédiction que Jefus Chrift fit du vin. Mais ce font deux raisons toutes différentes, & Aubertin les confond ridiculement. Quand Clément dit que Jefus Chrift a bu du vin, il entend qu'il en a bu dans le cours de fa vie. Quand il dit qu'il en bénit dans l'Euchariftie, il prouve qu'il n'étoit pas impur.

La fuite du paffage fait voir manifeftement la vérité du fens que nous y donnons, & que ce font deux claufes féparées:, l'une, que Jefus Chrift a bu du vin; l'autre, qu'il a béni du vin: que l'une fe rapporte à toute la

LIV. IV. fuite de la vie de Jefus Chrift, & l'autre s'entend de l'Euchariftie. Car CH. V. après avoir propofé ces deux claufes, il les reprend toutes deux dans la fuite, quoique dans un ordre renverfé, & les prouve chacune à part, en les prenant dans le fens que nous avons marqué. Il prouve premiérement la derniere, qui eft, que c'étoit du vin que Jefus Chrift avoit béni par ces paroles, qu'il dit dans la derniere Cene: Je ne boirai plus du fruit de cette vigne jufqu'à ce que j'en boive avec vous dans le Royaume de mon Pere. Et il prouve la premiere, qui eft, qu'il buvoit du vin ordinairement, par le reproche que les Juifs lui faifoient, d'être un buveur de vin, en propofant féparément ces deux points & les preuves dont il les appuye.

Ainfi le rapport qu'Aubertin fait de ces paroles: Sachez que Jefus Chrift buvoit du vin, à l'Euchariftie, eft une pure vifion, auffi-bien que tout ce qu'il y ajoute, que Clément a voulu prouver que nous pouvons boire du vin, parce que Jefus Chrift en avoit bu dans l'Euchariftie: Qu'il falloit donc que ce fut du vin effectif qu'il y but, puisqu'autrement on ne pourroit conclure de-là que nous en puiffions boire. Car Clément n'emploie, comme nous avons dit, la bénédiction du vin que Jefus Chrift fit en confacrant l'Euchariftie, que pour montrer qu'il n'abhorroit pas le vin, puisqu'il le béniffoit: & ce raisonnement n'a point du tout befoin que Jefus Christ ait bu du vin dans l'Euchariftie.

Le troifieme avantage qu'Aubertin prétend tirer de ce paffage, eft fondé fur ce que Clément affure, que ce fut du fang de la vigne; c'est-à-dire, du vin, dont Jefus Chrift dit: Ceci est mon fang. D'où Aubertin conclut à fon ordinaire, qu'il n'a pu prendre ces paroles: Ceci est mon corps, en un fens de Tranffubftantiation. Mais nous avons réfuté d'une telle forte ce fophifme, qui n'eft qu'un argument à quatre termes, dans le fecond Tome de la Perpétuité, que je ne fais s'il prendra encore envie à quelque Miniftre de s'en fervir.

Celui qu'il prétend tirer, de ce que Clément dit, que le vin figure lè Verbe, par allégorie, eft encore détruit dans un autre lieu du même Ouvrage, où l'on montre que c'est un fophifme visible, de prendre pour une explication de cette propofition, Ceci eft mon corps, ce que les Peres difent. des raifons du choix que Jefus Chrift a fait du pain & du vin pour en faire la matiere de l'Euchariftie; parce qu'il y a une extrême différence entre marquer les rapports mystiques du pain & du vin, & de l'eau, ou au Verbe, ou au peuple & à l'Eglife, ou au fang de Jefus Chrift, & expliquer littéralement cette propofition: Ceci est mon corps.

Le cinquieme eft, dit-il, que Clément prouve que c'étoit de vrai vin, quoique confacré, que Jefus Chrift avoit bu dans la célébration de l'Eucha

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