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CH. XXV.

LIV. VIII. croit pas? N'étoient-ils pas obligés de rendre témoignage à la vérité dans ce point, puifque ceux qui l'honorent véritablement l'honorent en tout & ne la regardent jamais comme ennemie?

Cependant qui eft le Miniftre qui ait défavoué M. Claude depuis tant de temps que cette difpute a duré, & qu'en peut-on conclure, finon qu'on n'a nul égard à la vérité dans leur parti, & que ceux qui y regnent par la créance & par l'autorité, ne fe foucient pas par quel moyen ils y tiennent les peuples attachés; que les fauffetés leur font auffi bonnes que les vérités, quand elles produifent cet effet; & que pourvu qu'un Auteur faffe du bruit, & qu'il foit capable d'amufer le monde par le fon de ses paroles, les plus intelligents d'entre les Calviniftes font bien aifes de le lailler faire, & regardent toujours comme un avantage, l'impreffion qu'ils font par-là fur le commun de leur parti.

En un mot, quand ils prétendront passer à l'avenir pour des gens qui n'ont point d'autre intérêt que celui de la vérité, & qui fuivent en tout les mouvements de leur confcience, on n'aura qu'à leur dire, qu'au vu & au fu de tous les Miniftres de France, M. Claude a foutenu pendant le cours d'une difpute de plufieurs années, que la Transfubftantiation & l'adoration du Sacrement font des chofes inconnues à toute la terre, à la réServe de l'Eglife Romaine, & que ni les Grecs, ni les Arméniens, ni les Ruffiens, ni les Jacobites, ni les Ethiopiens, ni en général aucun Chrétien, bormis ceux qui fe foumettent au Pape, ne croient rien de ces deux articles; & que bien loin que perfonne parmi eux s'y foit oppofé, c'est en publiant & en foutenant cette infigne fauffeté, qu'il a été élevé aux premiers degrés d'honneur de leur prétendue Eglife.

Mais s'ils ne fauroient fe mettre à couvert eux-mêmes des juftes reproches que l'on leur peut faire de leur peu de fincérité, il leur eft encore moins poffible d'éluder les conféquences qu'on en tire néceffairement contre leur doctrine.

Car il ne faut pas s'imaginer que M. Claude fe foit engagé fans de grandes & importantes raisons à foutenir, comme il a fait, qu'il n'y avoit que l'Eglife Romaine où ces deux articles fuffent crus. Il eft trop habile pour s'être porté gratuitement à une telle extrémité, & ce qui l'y a forcé malgré lui en cette occafion n'eft pas difficile à deviner.

Il avoit entrepris de répondre au Traité de la Perpétuité, ce qui l'obligeoit de montrer la poffibilité du changement que les Miniftres prétendent être arrivé dans l'Eglife, par le moyen de Pafchafe, depuis le neuvieme fiecle jufqu'à l'onzieme. S'il eût donc avoué qu'au fiecle de Bé renger les fociétés d'Orient faifoient profeffion des dogmes de la préfence réelle & de la Tranffubftantiation, il eût fallu dire par néceffité, que fans

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que le livre de Pafchafe eût été vu dans l'Orient, fa doctrine néanmoins Liv. VIII. s'y étoit répandue, & qu'en moins de cent cinquante ans elle s'y étoit gliffée dans tous les efprits, qu'ils l'avoient tous reçue comme l'ancienne foi, en oubliant celle dans laquelle ils avoient été élevés jufques alors; que perfonne ne s'y étoit oppofé; que perfonne n'avoit même remarqué ce changement, & qu'il avoit été embraffé univerfellement & fans contradiction par toutes ces fectes divifées depuis plufieurs fiecles de l'Eglife Romaine, & qui avoient pour fufpect tout ce qui venoit d'elle.

Cela a paru très-juftement ridicule à M. Claude, & quelque hardi qu'il foit d'ailleurs, il a bien vu qu'il ne réuffiroit pas s'il entreprenoit de faire goûter au monde une telle abfurdité. 11 a craint avec raifon que s'il réduifoit le différent à ce point, il fût trop tôt terminé, & que le fens commun ne fe déclarât tout d'un coup contre lui.

Il a donc jugé qu'il valoit encore mieux contester le fait, & nier abfolument que les fociétés d'Orient cruffent la préfence réelle; que par-là au moins la difpute ne feroit pas fi-tôt finie, que peut-être on ne s'attacheroit pas à prouver ce fait avec tant de foin, & qu'il pourroit demeurer enfeveli fous cet amas de nuages qu'il tâcheroit d'y répandre.

Il y a lieu de croire que c'est par ces vues que M. Claude s'eft porté à prendre ce parti. Si elles ne font pas d'un homme fincere, elles font au moins d'un homme habile & intelligent, & ce feroit aux Miniftres qui le voudroient condamner à nous dire auparavant ce qu'il auroit pu faire de mieux. Qu'ils le tentent s'ils en ont envie, & qu'ils fachent qu'ils y réuffiront encore plus mal. Car au moins a-t-il trouvé un grand champ à faire paroître fon efprit, & à étaler fes figures & fes hypotheses. Il a trouvé le moyen de fufpendre les efprits, & de les éblouir pour quelque temps.

Mais il n'en feroit pas ainfi de ceux qui auroient pris un autre chemin, & abandonné les fociétés d'Orient. On les auroit condamnés fur la feule propofition de ce qu'ils auroient voulu foutenir. Car qui voudroit écouter un homme qui diroit férieufement. J'avoue qu'au commencement de l'onzieme fiecle toutes les Eglifes du monde croyoient la préfence réelle; mais je prétends que c'eft le Livre de Pafchafe, qui, fans avoir été connu dans l'Orient, y a fait tous ces défordres & tous ces renversements; que c'est ce Livre qui a fait recevoir fans contradiction, fans bruit, fans difpute, la créance de la préfence réelle par les Neftoriens, les Arméniens, les Ethiopiens, les Copthes, les Grecs, & enfin par tous les Chrétiens du monde; & cela fans que perfonne fe foit apperçu qu'il changeoit de fentiments.

Qu'on ne bláme donc M. Claude que d'être Calvinifte, & d'avoir voulu

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LIV. VIII. défendre fon parti à quelque prix que ce fût, & qu'on ne dife de lui que ce que S. Auguftin dit de Faufte: Mala caufa vana te loqui coegit, fed malam caufam habere nemo te cocgit; mais qu'on reconnoiffe en même temps que c'est un étrange parti que celui du Calvinifme, puifqu'on ne le peut défendre qu'en s'engageant à foutenir des fauffetés notoires & palpables, & à nier des faits qui ont toute la certitude que des faits peuvent avoir, & par la raison & par les fens : c'est-à-dire, qu'on ne le fauroit défendre fans le détruire en même temps; puifque rien de ce qui dépend néceffairement d'une fauffeté ne fauroit être véritable..

Ainfi les livres de M. Claude, par un effet bien contraire à fon intention, peuvent être juftement appellés la deftruction du Calvinifme; puifque faifant voir qu'on ne le peut défendre avec quelque forte d'apparence qu'en foutenant que les Eglifes d'Orient ne font pas d'accord avec l'Eglife Romaine fur la préfence réelle, ils font voir auffi qu'il eft impoffible de le défendre raisonnablement, puifque ce fait eft abfolument infoutenable. C'eft la conclufion qui fe tire naturellement de toute cette difpute, & où le fens commun conduit tout d'un coup ceux qui l'écouteront tant foit peu.

Que s'il le trouve encore des gens qui ne concluent pas ainfi d'eux mêmes, ou qui rejettent cette conféquence, on les peut regarder comme ayant plus besoin de prieres que d'éclairciffements & de raifons. Quand on en eft venu dans les Ecrits jufques à contenter pleinement toutes les perfonnes de bonne foi, on peut s'arrêter là, puifque la mauvaise foi & l'opiniâtreté n'ont point de bornes. Je crois pouvoir dire qu'on y eft arrivé dans les matieres qui font le fujet de ces trois volumes, & principalement dans l'argument capital de tout cet ouvrage. Ainfi on me permettra bien fans doute de le regarder déformais comme achevé, & comme n'ayant plus befoin d'être foutenu par de nouvelles réponses contre les attaques des Miniftres. C'eft la regle que S. Auguftin donne expreffément à Marcellin, à qui il dédie les Livres de la Cité de Dieu, en lui marquant, qu'il n'y auroit pas de justice à lui demander des réponses toutes les fois qu'on verroit fes Ecrits combattus par des perfonnes opiniâtres & déraisonnables. Quamobrem nec teipfum, mi fili Marcelline, nec alios quibus hic nofter labor in Chrifti charitate utiliter ac liberaliter fervit, tales fcriptorum meorum velim judices qui refponfionem femper defiderent cum his quæ leguntur audierint aliquid contradici. Que s'il y a jamais eu lieu de pratiquer cette regle, on peut bien dire que c'est en cette occafion, & qu'on a plutôt fujet de craindre d'avoir ennuyé le monde par un trop grand nombre de preuves, que d'avoir laiffé lieu à perfonne d'en defirer davantage. Mais quoi qu'il en foit, il nous eft au moins permis, en finiffant cet ouvrage,

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d'emprunter les paroles par où ce S. Docteur finit celui de la Cité de Liv. VIII. Dieu, & de dire comme lui, que l'on croit avoir fatisfait, avec l'affistance de Dieu, par ces trois volumes de la Perpétuité de la Foi de l'Eglife Catholique fur l'Euchariftie, à l'engagement où l'on étoit entré: que l'on conjure ceux qui y trouveront de l'excès ou du défaut de le pardonner aux Auteurs, qui y ont travaillé felon la mesure de leur lumiere, qui ne s'eft pas étendue plus loin; & ceux qui en feront contents, de ne leur en rien attribuer, mais de fe joindre à eux pour en rendre graces à Dieu. Videor mihi debitum ingentis hujus operis, adjuvante Domino, reddidiffe,. quibus parum vel quibus nimium eft mihi ignofcant, quibus autem fatis eft non mihi, fed Domino mecum gratias congratulantes agant,

TABLE DES CHAPITRES,
CONTENUS DANS CE TROISIEME TOME DE LA PERPÉTUITÉ.

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Des noms tirés de la partie extérieure de l'Euchariftie.

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2[

LIVRE SECON D.

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Explication particuliere de quelques paffages où l'Euchariftie eft appellée
image, figure, myftere, &c.

Que

CHAP. I.
Ue M. Claude place en quelques lieux le mot de figure, où
Euchariftie n'eft point appellée figure; ou fi elle est appellée de ce nom,

c'est par des raisons particulieres, qui ne font rien à cette difpute. Ex-

plication du paffage de Tertullien du troifieme Livre contre Marcion. 63

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