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DE MONSEIGNEUR L'ARCHEVÊQUE DE PARIS.

L'EXPÉRIENCE nous apprend, aussi bien que l'Ecriture, que le démon a ses profondeurs comme Dieu, mais qu'elles sont d'une nature bien différente. Les conseils de Dieu étant conduits par une sagesse toute sainte et toute puissante, tendent toujours à tirer le bien du mal même, au lieu que les artifices du démon ne vont qu'à tourner le bien en mal: lorsqu'il ne peut éloigner les ames du bien où la grâce les attire, il en fait un mal par le poison qu'il y répand. C'est ce qu'il fait sur la matière de l'oraison depuis quelques années surtout. Comme il sait que la prière est le grand moyen de le désarmer, et de tout obtenir de Dieu; ou il en dégoûte entièrement par le mépris qu'il en inspire aux enfans du siècle, et par les vaines craintes qu'il donne aux ames timides; ou il la corrompt par l'illusion. Il y a fait tomber plusieurs personnes, qui faute d'humilité ont donné dans le piége; l'orgueil les a séduites, et leur a fait enseigner une nouvelle spiritualité que les saints n'ont point connue ; elles se sont flattées de pouvoir, par des méthodes de leur invention, rendre faciles et communs à tout le monde, les dons les plus précieux et les plus rares que le Saint-Esprit n'accorde qu'à quelques ames choisies que Dieu veut favoriser d'une manière particulière, sans manquer à ce qu'il a promis pour le salut des autres. Il faut donc faire connoître la fausseté de leurs maximes, et les abus où elles jettent: il faut expliquer les mystères les plus profonds de l'amour divin, que l'Eglise ne découvre qu'avec

les

réserve et à proportion de ses besoins, parce que ames sensuelles n'en sont pas capables; mais elle le fait toujours sans dissimulation et sans artifice, parce qu'elle n'enseigne rien que de saint et qui ne soit digne de Dieu.

Il falloit pour traiter une matière si difficile et si délicate une main aussi habile que celle du grand prélat qui a composé cet ouvrage. Son nom seul porte avec soi son approbation et son éloge: car qui ne connoît sa profonde érudition, son zèle pour la vérité, son application continuelle à combattre les erreurs, et les autres qualités épiscopales dont Dieu l'a rempli? On en trouvera de nouvelles preuves dans ce livre, comme dans les autres excellens ouvrages qu'il a donnés au public. Ainsi ce n'est point assez de dire que nous n'y trouvons rien de contraire à la foi ni à la morale chrétienne : nous exhortons de plus les ames véritablement pieuses de le lire avec attention, et de se servir des pures lumières qu'elles y trouveront pour éviter les routes égarées de la fausse spiritualité, et pour marcher toujours dans la voie droite de la perfection. Donné à Paris dans notre palais archiepiscopal, le douzième jour du mois de février, l'an de grâce mil six cent quatre-vingt-dix-sept.

Signé LOUIS ANTOINE, archevêque de Paris.

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DE MONSEIGNEUR L'ÉVÊQUE DE CHARTRES.

J'AI lu l'excellent livre intitulé, Instruction sur les états d'Oraison, où sont exposées les erreurs des faux mystiques de nos jours, avec les actes de leur condamnation. L'erreur des quiétistes y est démasquée, désarmée et invinciblement confondue. Monseigneur l'Evêque de Meaux, toujours attentif à défendre l'Eglise contre toute nouveauté, fait voir clairement où tendent leurs principes et le sens pernicieux de leurs maximes. Ils ont pensé ce qu'ils ont écrit, ce qu'ils ont tant de fois répété, ce qu'ils se sont efforcés de prouver, ce qu'ils ont expliqué par des comparaisons trèssensibles, ce qui forme leur systême, et ce qui est le sens de tous leurs ouvrages.

Qu'ils ne tentent donc plus de rappeler ici en leur faveur la fameuse distinction du droit et du fait; ce ne pourroit être qu'un artifice pour éluder les condamnations de l'Eglise, dans une occasion où les écrits condamnés parlent si clairement et d'une manière si peu équivoque.

Les légers correctifs qu'on y trouve quelquefois, et ceux-là même où ils semblent nier ce qu'ils assurent ailleurs, ne servent de rien leur excuse; ils se sont pour par-là préparé des évasions; ils ont dit de bonnes choses pour faire passer les mauvaises; et tout ce qu'on peut conclure de ces contrariétés, c'est qu'ils ont voulu se déguiser; mais ils ont beau faire : il y a certains endroits dans leurs ouvrages qui en sont comme les chefs et le dénouement par où ils se découvrent malgré eux. On n'a par exemple qu'à les suivre dans les différens

degrés de leur prétendue perfection, et à séparer comme ils font en chaque degré, le commencement, le progrès, et le terme; on trouvera que ce qu'ils sem blent accorder à la vérité catholique, dans le degré des plus parfaits, n'est vrai, selon eux, que pour le commencement du degré, ou tout au plus dans le progrès qu'on y fait, et que quand enfin on est arrivé à leur terme, il n'y a plus rien à faire pour la créature; qu'alors tout acte de vie chrétienne, quelque simple et délicat qu'il soit, est entièrement éteint; et voilà la mort mystique, selon eux, qui conduit à la vie parfaite; mais c'est en effet la mort de la grâce, qui mène à l'indifférence du salut et à la réprobation éternelle.

Ils ont eu la hardiesse d'appeler à leur défense les plus saints Mystiques; mais M. de Meaux a réparé l'injure faite à ces grands saints, en montrant par euxmêmes leurs véritables sentimens, et a confondu les novateurs par la foi et la tradition constante de l'Eglise.

Après les éclaircissemens de ce grand prélat, il est évident que cette nouveauté est le renversement de la foi et de la morale de l'Evangile. Luther et Calvin attaquèrent l'un et l'autre sous prétexte de réforme au commencement du siècle passé, et les faux Mystiques d'aujourd'hui attentent la même chose, sous le voile spécieux de la plus haute perfection. Il ne faut donc pas s'étonner si les Calvinistes ont fait l'apologie de Molinos, et si les Trembleurs d'Angleterre ont reçu dans leur communion les Quiétistes fugitifs d'Italie.

C'est un monstre, que des chrétiens et des chrétiennes aient pu donner de tels excès au public sous les noms de la plus parfaite piété. Ils ont réduit l'exercice de la foi à des idées si confuses de la divinité, et les pratiques de l'Evangile à une telle inaction et insensibilité, qu'un licencieux déiste, qui auroit voulu secouer le joug de la religion, et étouffer les remords de

sa conscience, n'auroit pu rien concerter de plus favorable à son libertinage.

Quelles suites d'une si énorme doctrine, et quand on ne les auroit pas prévues en seroient-elles moins à craindre? On sait quelle a été la vie de Molinos: Dieu punit souvent l'orgueil de l'esprit par les humiliations de la chair; Evanuerunt in cogitationibus suis; dicentes enim se esse sapientes, stulti facti sunt..... Tradidit illos Deus in reprobum sensum, ut faciant ea quæ non conveniunt. On doit tout craindre quand on est superbe, et l'orgueil peut-il monter plus haut en cette vallée de larmes, que de s'attribuer une justice, un désintéressement, un rassasiement, une transformation si fort au-dessus de notre état présent ?

Prétendre avoir extirpé l'amour-propre, c'est sans doute le comble de l'amour - propre, et quelle plus grande marque en peuvent donner ces ames vaines, que leur folle présomption de n'avoir plus rien à demander à Dieu. Il n'est point de chute honteuse où un tel excès d'orgueil ne puisse précipiter: et plaise au Seigneur que sous ces noms spécieux de simplicité, d'enfance, d'obéissance trop aveugle, de néant, il n'y ait rien de caché de ce que l'on a découvert ailleurs dans ces orgueilleuses et spirituelles singularités.

Après l'instruction exacte qu'on donne ici sur un sujet si délicat et si important, nous espérons que toutes les personnes de bonne foi et de bon esprit, qui se seroient laissé prévenir par l'endroit spécieux de cette nouveauté, reviendront de leurs préventions, et que les auteurs mêmes des ouvrages condamnés détesteront avec humilité et sincérité leurs erreurs, si l'infaillibilité que quelques-uns d'entre eux s'attribuent, et le mépris qu'ils font de toute la terre n'oppose pas aux remèdes de l'Eglise un orgueilleux entêtement qui rende leur mal incurable.

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