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refusé cette permission, et que j'ai retenu le livre. Je prévois que les plumes se préparent de tous côtés à écrire des choses dangereuses. Je supplie Votre Sainteté de me donner les lumières et les moyens qu'elle jugera à propos, afin que de ma part je puisse aller au devant des plus grands scandales qu'il y a à craindre en cette ville et dans ce diocèse. Je ne puis m'empêcher de donner encore avis à Votre Sainteté de l'usage de la communion journalière, introduit ici parmi les laïques même mariés, qui, sans faire paroître aucun avancement dans la vie spirituelle, comme ils le devroient néanmoins en s'approchant si souvent de la sainte table, non-seulement ils ne donnent aucune édification, mais au contraire beaucoup de scandale. Aussi Votre Sainteté ne peut-elle ignorer ce qu'elle a ordonné dans son décret général, recommandant particulièrement aux confesseurs, au jugement desquels doit être réglée la communion journalière des laïques, qu'en la permettant ils se souvinssent surtout de faire voir la grande préparation et la grande pureté que l'ame doit apporter au saint banquet. Et néanmoins l'expérience ne fait voir que trop, que sans avoir aucun égard aux pieux avertissemens de Votre Sainteté, la plupart des laïques fréquentent tous les jours la sainte communion; dont je me sens obligé de faire ma plainte à Votre Sainteté, comme d'un abus manifeste, auquel je la supplie de me prescrire un remède convenable avec ses ordres particuliers que je suivrai, comme la guide qui me doit conduire en toute sûreté dans le gouvernement des ames. Au reste je baise très-humblement les pieds de Votre Sainteté.

Signé, le Cardinal CARACCIOLI.

LETTRE

LETTRE CIRCULAIRE

De M. le cardinal Cibo, écrite de Rome le 15 février 1687, à tous les Potentats, Evêques et Supérieurs de la chrétienté, par l'ordre de la Congrégation du saint Office; traduite de l'italien.

ILLUSTRISSIME et révérendissime Seigneur et Confrère. La sacrée Congrégation ayant été informée qu'en divers lieux d'Italie on voit s'élever insensiblement, et que même il y en a déjà d'établies, des écoles où compagnies, des confréries ou assemblées, et encore sous d'autres noms, dans des églises, dans des oratoires et dans des maisons particulières, sous prétexte de conférences spirituelles, les unes de femmes seulement, d'autres d'hommes, ou mêlées des deux sexes; dans lesquelles certains directeurs, sans aucune expérience des voies de Dieu fréquentées par les saints, et peutêtre même malicieux, feignant de conduire les ames à l'oraison, qu'ils nomment de quiétude ou de pure foi et intérieure, et encore sous d'autres noms : quoiqu'ils semblent d'abord, par leurs principes mal entendus et très-mauvais dans la pratique, ne proposer autre chose que la perfection la plus haute en toute manière; néanmoins ils insinuent peu à peu dans les esprits simples des erreurs très-grièves et très-pernicieuses, qui enfin aboutissent à des hérésies manifestes et à des abominations honteuses, avec la perte irréparable des ames qui se mettent sous leur conduite par le seul désir de servir Dieu, comme on ne sait que trop qu'il est arrivé en quelques endroits. Les cardinaux inquisiteurs généraux BOSSUET. XXVII.

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et

mes confrères, ont jugé qu'il étoit à propos, avant toute chose, de vous charger par cette lettre circulaire, adressée à tous les évêques d'Italie, de faire une recherche exacte de toutes les nouvelles associations semblables à celles-ci, et différentes de celles qui se sont établies ci-devant, et ont été de tout temps fréquentées par les Catholiques; afin que s'il s'en trouve de cette sorte, vous ayez à les rompre incessamment, qu'à l'avenir vous ne permettiez l'établissement d'aucune: recommandant particulièrement aux directeurs des consciences de marcher le grand chemin de la perfection chrétienne, sans aucune singularité; et ayant surtout un très-grand soin qu'aucune personne suspecte de ces nouveautés ne s'ingère dans la direction des religieuses, ni de vive voix ni par écrit, de peur que cette peste venant à gagner dans les monastères, ne porte la corruption parmi les épouses du Seigneur. En remettant le tout à votre prudence, nous ne prétendons point, par cette ordonnance provisionnelle, nous ôter la faculté de poursuivre, par les voies de la justice, ceux que l'on découvrira coupables de ces erreurs insupportables. Cependant on ne cesse de travailler ici à éclaircir cette matière, afin qu'en son temps on soit en état de faire connoître aux chrétiens les erreurs qu'ils auront à éviter. Je vous souhaite toute sorte de prospérité. A Rome, ce 15 février 1687. Votre confrère très-affectionné, Signé, le cardinal CIBO.

Erreurs principales de la nouvelle contemplation ou oraison de quiétude, aussi traduites de l'italien.

I. LA contemplation ou l'oraison de quiétude, consiste à se mettre en la présence de Dieu par un acte de foi obscure, pure et amoureuse; et ensuite sans pas

ser plus avant, et sans écouter ni raisonnement, ni image, ni pensées aucunes, à demeurer ainsi oisif: parce qu'il est contre la révérence qu'on doit à Dieu de réitérer le premier acte : lequel aussi est d'un si grand mérite et valeur, qu'il contient en soi à la fois, et même avec encore un plus grand avantage, les actes de toutes les vertus, et dure tout le temps de la vie, pourvu qu'il ne soit point rétracté par un acte contraire, d'où vient qu'il n'est pas nécessaire de le réi

térer.

2. Sans la contemplation aidée de la méditation on ne peut faire un pas à la perfection.

3. La science et la doctrine même théologique et sacrée est un obstacle et un éloignement à la contemplation, de laquelle les hommes doctes ne sont point capables de juger, mais seulement les contemplatifs eux-mêmes.

4. La contemplation parfaite ne peut regarder que la divinité: et les mystères de l'incarnation, de la vie et de la passion de notre Sauveur ne sont point des sujets propres à la contemplation, puisqu'au contraire ils l'empêchent : c'est pourquoi les contemplatifs doivent s'en éloigner beaucoup, et ne les considérer qu'en fuyant.

5. Les mortifications corporelles et la vie pénitente ne conviennent pas aux contemplatifs : la conversion doit plutôt commencer par la vie contemplative que par la vie purgative et par la pénitence : les contemplatifs doivent encore fuir, rejeter et même mépriser les effets de la dévotion sensible, la tendresse de cœur, les larmes et les consolations du Saint-Esprit, comme des obstacles de la contemplation.

6. La contemplation parfaite et véritable doit s'arrêter à la pure essence de Dieu, dépouillée des per

sonnes et des attributs : et l'acte de foi envers Dieu ainsi conçu est plus parfait et plus méritoire que celui qui le regarde avec les personnes et les attributs, étant de la manière que Jésus-Christ l'a enseigné lui-même; joint que ce second acte est un obstacle à la véritable et parfaite contemplation de Dieu.

7. Dans la contemplation déjà acquise l'ame s'unit à Dieu immédiatement : c'est pourquoi toute idée ou image et espèce y est tout-à-fait inutile.

8. Tous les contemplatifs dans la contemplation actuelle souffrent des peines et des tourmens si griefs, qu'ils égalent et même surpassent ceux des martyrs.

9. Dans le sacrifice de la messe, et aux fêtes des saints, il vaut mieux s'appliquer à l'acte de pure foi et de contemplation, qu'au mystère même du sacrifice, ou aux actions et circonstances de la vie des saints.

10. La lecture des livres spirituels, la prédication, la prière vocale, l'invocation des saints, et autres choses semblables sont un obstacle à la contemplation et à l'oraison d'affections, à laquelle on ne doit apporter aucune préparation.

11. Le sacrement de pénitence avant la sainte communion n'est pas nécessaire aux ames intérieures et contemplatives, mais seulement à celles qui sont dans la vie active, et qui s'exercent encore à la méditation.

12. La méditation ne regarde point Dieu avec la lumière de la foi, mais avec la lumière naturelle, quoiqu'en esprit et en vérité; aussi n'est-elle d'aucun mérite auprès de Dieu.

13. Les images, non-seulement intérieures et spirituelles, mais même les corporelles exposées à la vénération des fidèles, comme sont celles de Jésus-Christ et de ses saints, font un grand tort aux contemplatifs ; c'est pourquoi il faut les éviter, et même les ôter tout

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