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DE FRANCE

DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULES JUSQU'EN 1789

PAR

M. HENRI MARTIN.

Ouvrage qui a obtenu de l'Académie des inscriptions et belles-lettres

LE GRAND PRIX GOBERT.

NOUVELLE ÉDITION

ENTIEREMENT REVUE ET AUGMENTÉE D'UN NOUVEAU TRAVAIL SUR LES
ORIGINES NATIONALES.

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DE FRANCE.

BRANCHE DES VALOIS ANGOULÊME.

:

(SUITE.)

SUITE DE HENRI III.

(1585-1589.)

(1585-1588.) Le parti protestant reçut la fatale nouvelle du traité de Nemours avec autant de douleur que d'indignation. Les réformés s'étaient habitués à considérer la liberté de conscience comme définitivement acquise le principe n'en paraissait plus contesté depuis huit ans, au moins par l'autorité royale; et voici que tout à coup renaissaient les jours de persécution, que les portes de l'exil se rouvraient, que les bûchers allaient se rallumer. Les désastres de la Réforme dans les Pays-Bas semblaient présager sa ruine en France : Bruxelles, Malines, le Brabant après la Flandre, avaient courbé la tête; Anvers, à son tour, succombait, à la suite d'un siége où l'art de la guerre avait fait de part et d'autre des efforts dont la grandeur étonne encore l'imagination, même après les guerres gigantesques de notre siècle '. Les huguenots de

'La capitulation d'Anvers est du 17 août 1585. Elle donnait deux ans auxrefor més pour vendre leurs biens et s'expatrier. - Le prince de Parine avait fait conT. XI.

France seraient-ils plus heureux que leurs frères du Nord? Leurs forces ne s'épuiseraient-elles pas dans cette lutte nouvelle et plus terrible qui s'apprêtait? Les campagnes de 1577 et de 1580 n'étaient pas d'un heureux augure. Non-seulement l'infériorité numérique des réformés était effrayante, mais ils ne suppléaient point au nombre par l'union : l'autorité du roi de Navarre était presque nulle hors de la Guyenne; ce prince avait dans son cousin, Henri de Condé, un rival plus qu'un lieutenant le prince de Condé, le vicomte de Turenne et d'autres chefs encore, vivaient, comme plusieurs des généraux de la Ligue, dans l'attente du démembrement de la France, et nourrissaient l'arrière-pensée de se cantonner dans leurs provinces en princes in dépendants, avec l'aide des Allemands et des Anglais '; en attendant, ils relâ chaient autant que possible le lien de cette espèce de république fédérative que formait le parti protestant, au risque de se perdre en perdant la cause de la Réforme.

struire deux gands forts, ceux de Sainte-Marie et de Saint-Philippe, avec une multitude de fortins et de redoutes, creuser un canal de dérivation de plus de six lieues, et construire un pont de 2,400 pieds pour barrer l'Escaut au-dessous d'Anvers, entre Ordam et Calloo. Les assiégés, de leur côté, recoururent à toutes les puissances de destruction que les éléments peuvent fournir à l'homme. Un Italien inventa pour eux les machines infernales: ils lancèrent contre le pont édifié par les Espagnols d'énormes brûlots, dont un seul tua cinq cents hommes et en blessa deux ou trois fois autant. Le pont toutefois résista; les vigoureuses attaques des escadres de Hollande et de Zélande contre les assiégeants furent repoussées, et Anvers fut enfin réduit à se rendre. Les travaux d'attaque et de défense avaient été exécutés par des ingénieurs italiens. L'Italie conservait encore sa supériorité dans cette partie de l'art de la guerre. (V. De Thou, t. IV, 1. LXXX-LXXXIII. Bentivoglio, 1. XIII. Strada.)

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La vicomté de Turenne formait une espèce de franc-aleu sur les confins du Limousin, du Périgord et du Querci: Turenne avait une grande influence dans toutes ces dontrees.at dans l'Auvergne, d'où sa famille, la maison de La Tour 'Auvergne, était originaire.

Tant de sujets de crainte jetaient dans une cruelle anxiété les hommes les plus éclairés du parti : le roi de Navarre raconta depuis à l'historien Mathieu, que, lorsqu'il apprit le traité de Henri III avec les ligueurs, « pensant à cela fort profondément, et tenant sa teste appuyée sur sa main, l'appréhension des maux qu'il prévoyoit sur son parti fut telle, qu'elle lui blanchit la moitié de la moustache (Mathieu, t. 1, p. 501). »

L'appréhension n'amena point le découragement. Henri de Navarre avait une de ces rares et admirables organisations, à la fois fortes et flexibles comme l'acier, que rien ne saurait abattre ni étonner, et qui, toujours au niveau de leur situation, déploient, à mesure que la nécessité les presse, des ressources croissantes et inépuisables. Le protestantisme, de son côté, n'avait pas perdu cette vitalité opiniâtre qui lui faisait trouver son salut dans le désespoir même. L'imminence du péril décida les chefs, sinon à accepter franchement l'unité de direction qui eût été désirable, du moins à agir partout avec énergie. La nécessité rendit au parti quelque chose de son ancienne vertu.

Le roi de Navarre s'occupa, avec une égale activité, de préparer la défense intérieure et les secours étrangers. Dès la prise d'armes de la Ligue, Henri de Navarre et son grand négociateur, du Plessis-Mornai, avaient écrit à Élisabeth et aux principaux lords anglais d'éloquentes lettres pour leur rappeler la solidarité de tous les réformés, et invoquer l'assistance des trésors et des flottes de l'Angleterre. D'autres dépêches furent envoyées en Allemagne, en Écosse, en Danemark, en Suisse. Une transaction de haute importance fut menée à bien en France, après le traité de Nemours. Le puissant maréchal duc de Montmorenci,

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