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( à part.)

les vers.

De son goût pour les vers! mon infortune est sûre : Mais, n'importe; feignons et poussons l'aventure.

DAMIS.

Qu'est-ce donc? Qu'avez-vous? D'où vient taut d'aparté?

DORANTE.

De mon premier objet c'est trop m'être écarté.
Revenons au plaisir que de vous j'ose attendre.

DAMIS.

Parlez, me voilà prêt: que faut-il entreprendre?

DORANTE.

Donnez-moi pour acteur à mousieur Francaleu.
Je me sens du talent ; et je voudrois un peu,
En m'essayant chez lui, voir ce que je sais faire.

Venez.

DAMIS.

DORANTE.

Mon nom pourroit me nuire.

DAMIS.

Vous êtes mon ami, ce titre suffira.

Il faut le taire.

Ecoutez seulement les vers qu'il vous lira.
C'est un fort galant homme, excellent caractère;
Bon ami, ben mari, bon citoyen, bon père;
Mais à l'humanité, si parfait que l'on fût,
Toujours par quelque foible ou paya le tribut.
Le sien est de vouloir rimer malgré Minerve;
De s'être, en cheveux gris, avisé de sa verve;
Si l'on peut nommer verve une démangeaison
Qui fait honte à la rime, ainsi qu'à la raison.
Et malheureusement ce qui vicie, abonde:
Du torrent de ses vers sans cesse il nous inonde.
Tout le premier lui-même il en raille, ป en rit:
Grimace ! l'auteur perce; il les lit, les relit,
Prétend qu'ils fassent rire; et pour peu qu'on en rie,
Le poignard sur la gorge, en fait prendre copie,
Rentre en fougue, s'acharne impitoyablement,
Et, charmé du flatteur, le paye en l'assommant.

DORANTE.

Oh! je suis patient! je veux lasser votre homme,
Et que
de l'encensoir ce soit moi qui l'assomme.

DAMIS.

Pour moi, je meurs, je tombe écrasé sous le faix.

DORANTE.

Qui vous retient chez lui?

DAMIS.

Des raisons que je tais;

Et je m'y plairois fort sans sa muse funeste,

Dont le poison maudit nous glace et nous empeste... Heureux quand mon esprit vole à sa région,

S'il n'y porte pas l'air de la contagion !

Le voici. Tout le corps me frissonne à l'approche
Du griffonnage affreux qu'il a toujours en poche.

SCENE IV.

M. FRANCALEU, DORANTE, DAMIS.

M. FRANCALEU, à Damis.

PESTE Soit de ces coups où l'on ne s'attend pas !
Voilà ma pièce au diable et mon théâtre à bas.

Comment donc?

DAMIS.

M. FRANCALEU.

Trois acteurs : l'amant, l'oncle, le père, Manquant à point nommé, font cette belle affaire. L'un est inoculé, l'autre aux eaux, l'autre mort: C'est bien prendre son temps.

DAMIS.

Le dernier a grand tort.

M. FRANCALEU.

famille ;

Je croyois célébrer le retour de ma fille ;
A grands frais je convoque amis, parens,
J'assemble un auditoire et nombreux et galant;
Et nous fermons, Cela n'est-il pas régalant?

DAMIS.

Certes, les trois sujets étoient bons; c'est dommage.

M. FRANCALEU.

Quelle sérénité ! Savez-vous, quand j'enrage,
Que j'eurage encor plus, si l'on n'enrage aussi?

DAMIS.

C'est que je vois, monsieur, bon remède à ceci.
Le rôle des vieillards n'est pas de longue haleine;
Les deux premiers venus le rempliront sans peine.

Et l'amant?

M. FRANCALEU.

DAMIS, présentant Dorante.
Mon ami s'en acquitte à ravjr.

DORANTE.

Vous me voyez, monsieur, tout prêt à vous servir.
M. FRANCALEU, à Damis.

Il a d'un amoureux tout-à-fait l'encolure.

DAMIS.

Le jeu bien au-desssus encor de la figure.

M. FRANCALEU.

Mais il s'agit ici d'un amant maltraité,
Et peut-être monsieur ne l'a jamais été ;

Or il faut, quelque loin qu'un talent puisse atteindre, Eprouver pour sentir, et sentir bien feindre.

pour

DAMIS, avec un rire malin.

Aussi n'ira-t-il pas se chercher en autrui.
Le rôle qu'il accepte est modelé sur lui.
Le pauvre infortuné meurt pour une inhumaine,
Sans oser déclarer son amoureuse peine;

De façon qu'il en est encore à s'aviser,

Quand peut-être quelqu'autre est tout près d'épouser.

DORANTE, outré.

Ma situation sans doute est peu communé;
Et je sens en effet toute mon infortune.

M. FRANCALEU..

Bon, tant mieux! vous voilà selon notre désir.
Venez, et, croyez-moi, vous aurez du plaisir.

(Dorante entre dans la maison.)

SCENE V.

M. FRANCALEU, DAMIS.

(M. Francaleu fait quelques pas pour sortir avec Dorante.)

DAMIS, à part.

J'AI beau le voir parti, je ne m'en crois pas quitte;
Mais, grâce à l'embarras qui l'occupe et l'agite,
Sain et sauf, une fois, j'échappe à mon bourreau.
M. FRANCALEU, revenant vers Damis.
Attendez-vous à voir quelque chose de beau.
J'achève de brocher une pièce en six actes.
La rime et la raison n'y sont pas trop exactes;
Mais j'en apprête mieux à rire à mes dépens.

( Il rentre dans la maison. )

SCENE VI.

DAMIS.

Er je n'armerois pas contre ce guet-apens?
Ce devroit être fait. Qu'il reste à sa campagne,
Ou me vienne chercher au fond de la Bretagne,

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